Leur poftérité floriffante, Ainfi qu'une tige naiffante, Croît & s'éleve fous leurs yeux.
Leurs filles couronnent leurs têtes De tout ce qu'en nos jours de fêtes Nous portons de plus précieux.
De leurs grains les granges font pleines: Leurs celliers regorgent de fruits; Leurs troupeaux tout chargés de laines Sont inceffamment reproduits : Pour eux la fertile rofée Tombant fur la terre embrasée Rafraîchit fon fein altéré ;
Et pour eux le flambeau du monde Nourrit d'une chaleur féconde Le germe en fes flancs refferré.
Le calme regne dans leurs Villes, Nul bruit n'interrompt leur fommeil. On ne voit point leurs toits fragiles Ouverts aux rayons du foleil. C'eft ainfi qu'ils paffent leur âge. Heureux, difent-ils, le rivage Où l'on jouit d'un tel bonheur ? Qu'ils reftent dans leur rêverie. Heureufe la feule patrie Où l'on adore le Seigneur.
PROVIDENCE.
JUPITER eut Jadis une Ferme à donner.
Mercure en fit l'annonce; & gens fe présentérent Firent des offres, écoutérent :
Ce ne fut pas fans bien tourner.
L'un alléguoit que l'héritage
frayant & rude? & l'autre, un autre fi. Pendant qu'ils marchandoient ainfi
Un d'eux le plus hardi, mais non pas le plus fage, Promit d'en rendre tant, pourvû que Jupiter Le laifset difpofer de l'air,
Lui donnât faifon à fa guife,
Qu'il eût du chaud, du froid, du beau tems, de la bifes Enfin du fec & du mouillé, Auffi-tôt qu'il auroit bâillé.
Jupiter y confent. Contrat paflé notre homme Tranche du Roi des airs, pleut, vente; & fait en fomme Un climat pour lui feul fes plus proches voisins Ne s'en fentoient non plus que les Amériquains. Ce fut leur avantage : ils eurent bonne année, Pleine moiffon, pleine vinée.
Monfieur le Receveur fut très-mal partagé. L'an fuivant, voilà tout changé. Il ajufte d'une autre forte
La température des cieux.
Son champ ne s'en trouve pas mieux. Celui de fes voifins fructifie & rapporte. Que fait-il? il recourt au Monarque des cieux Il confeffe fon imprudence.
Jupiter en ufa comme un Maître fort doux. Concluons que la Providence
Sait ce qu'il nous faut, mieux que nous. La Fontaine, Fable de Jupiter, & le Métayeri
ON Citoyen, travaille pour la France, Et du Public attens ta récompenfe.
Qui le Public! ce phantôme inconftant,
Héritage frayant, qu'on ne peut mettre en valeurj
fans faire de groffes dépenses,
Monftre à cent voix, Cerbere dévorant Qui flatte & mord, qui dreffe par fottife Une ftatue, & par dégoût la brife. Tyran jaloux de quiconque le fert, Il profana la cendre de Colbert ; Et prodiguant l'infolence & l'injure, Il a Aétri la candeur la plus pure. Il juge, il loue, il condamne au hafard Toute vertu, tout mérite, & tout art. C'eft lui qu'on vît de critiques avide, Deshonorer le chef-d'quvre d'Armide ; Et pour Judith, Pirame, & Regulus, Abandonner Phedre & Britannicus ; Lui qui dix ans profcrivit Athalie, Qui protecteur d'une fcene avilie Frappant des mains bat à tort à travers Au mauvais fens qui heurle en mauvais vers. Mais il revient il répare fa honte ;
Le tems l'éclaire, oui. Mais la mort plus promte Ferme mes yeux dans ce fiécle pervers, En attendant que les fiens foient ouverts. Chez nos neveux on me rendra juftice; Mais moi vivant il faut que je jouifle.
Quand dans la tombe un pauvre homme eft inclus, Qu'importe un bruit, un nom qu'on n'entend plus? L'ombre de Pope avec les Rois repofe,
Un peuple entier fait fon apothéose; Et fon nom vole à l'immortalité, Quand il vivoit il fut perfécuté.
Voltaire, Epitre à Madame D **.
E crime n'a que trop triomphé dans Mycene: II eft tems qu'un barbare en reçoive la peine;
Se plaife à déchirer l'ouvrage de fes mains. Non, s'il eft infini c'eft dans fes récompenses ; Prodigue de fes dons, il borne fes vengeances. Sur la terre on le peint l'exemple des tyrans ; Mais ici c'est un pere il punit fes enfans. Il adoucit les traits de fa main vengereffe ; Il ne fait point punir des momens de foibleffe, Des plaifirs paffagers pleins de trouble & d'ennui, Par des tourmens affreux, .éternels comme lui. Voltaire, Henri. ch. VII.
QUALITE'S EMINENTES DE LOUIS XIV.
RAND Roi, fans recourir aux hiftcires antiques, Ne t'avons-nous pas vû dans les plaines Belgiques, Quand l'ennemi vaincu défertant fes remparts, Au devant de ton joug couroit de toutes parts, Toi même te borner au fort de ta victoire, Et chercher dans la paix une plus jufte gloire? Ce font-là les exploits que tu dois avouer Et c'eft par-là, grand Roi, que je veux te louer. Affez d'autres fans moi d'un ftyle moins timide, Suivront aux champs de Mars ton courage rapide: Iront de ta valeur effrayer l'univers
Et camper devant Dole au milieu des Hivers. Pour moi, loin des combats, fur un ton moins terrible, Je dirai les exploits de ton regne paisible: Je peindrai les plaifirs en foule renaiffans: Les oppreffeurs du peuple à leur tour gémiffans. On verra par quels foins ta fage prévoyance, Au fort de la famine entretint l'abondance. On verra les abus par ta main réformés La licence & l'orgueil en tous lieux réprimés; Des débris des Traitans ton épargne groffie:
Des fubfides affreux la rigueur adoucie ; Le foldat dans la paix fage & laborieux; Nos artifans groffiers rendus industrieux : Et nos voisins fruftrés de ces tributs ferviles, Que payoit à leur Art le luxe de nos Villes. Tantôt je tracerai tes pompeux bâtimens, Du loifir d'un Héros nobles amusemens. J'entens déja frémir les deux mers étonnées, De voir leurs flots unis au pied des Pyrénées. Déja de tous côtés la Chicane aux abois, S'enfuit au feul afpe&t de tes nouvelles loix. O que ta main par-là va fauver de pupiles ! Que de favans Plaideurs déformais inutiles ! Qui ne fent point l'effet de tes foins généreux? L'univers fous ton regne a-t-il des malheureux ? Eft-il quelque vertu dans les glaces de l'Ourse, Ni dans ces lieux brulés où le jour prend fa fource, Dont la trifte indigence ofe encore approcher, Et qu'en foule tes dons d'abord n'aille chercher ? C'est par toi qu'on va voir les Mufes enrichies De leur longue difette à jamais affranchies.
Defpréaux, Epître au Roi.
NECESSAIRES à UN AMANT;
N peu d'efprit, beaucoup de bonne mine,
3 Et plus encor de libéralité,
C'eft en amour une triple machine,
Par qui maint fort eft bien-tôt emporté ; Rocher fut-il; rochers auffi fe prennent, Qu'on foit bien fait, qu'on ait quelque talent. Que les cordons de la bourfe ne tiennent Je vous le dis, la place est au galant.
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