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LA

QUERELLE S.

A Difcorde a toujours régné dans l'univers; Notre monde en fournit mille exemples divers. Chez nous cette Déeffe a plus d'un Tributaire. Commençons par les élémens;

Vous ferez étonné de voir qu'à tous momens
Ils feront appointés contraire.
Outre ces quatre Potentats,
Combien d'êtres de tous états
Se font une guerre éternelle ?

La Fontaine, Fables.

ON ne voit fous les cieux

Nul animal, nul être, aucune créature,
Qui n'ait fon oppofé; c'eft la loi de nature.
D'en chercher la raifon, ce font foins fuperflus.
Dieu fit bien ce qu'il fit, & je n'en fais pas plus.
Ce que je fais, c'eft qu'aux groffes paroles
On en vient fur un rien plus des trois quarts du tems.
Humains, il vous faudroit encore à foixante ans,
Renvoyer chez les * Barbacoles.

La Fontaine, Fables.

*Maîtres d'Ecole

FUYEZ

****

RAGE.

CATILINA à TULLIE.

UYEZ, éloignez-vous d'un Amant furieux. Dieux! après tant d'exploits dignes de mon courage, Il ne me reftera qu'une inutile rage!

Ah! fi j'euffe manqué de prudence ou de cœur,
Je pourrois au deftin pardonner mon malheur.
Mais que n'ais je point fait dans ce moment terrible!
Et que falloit-il donc pour me rendre invincible?
Intrépides amis, dignes d'un fort plus doux,

Vous êtes morts pour moi! j'ofe vivre après vous ! '
Quoi!Sylla prefque feul, plus heureux que grand homme,
N'eût befoin que d'un jour pour triompher de Rome;
Et moi trifte jouet du perfide Céfon,

Je fuis vaincu deux fois, & par toi Cicéron!
Quoi, dans le même inftant qu'il faut que Rome tombe,
C'eft toi qui la foutiens, & c'eft moi qui fuccombe.
Mon génie accablé par ce vil Plébéien
Sera donc à jamais la victime du fièn!
Après m'avoir ravi la dignité fuprême,
Ce timide mortel triomphe de moi-même !
Fortune des Héros ce n'eft pas fur les cœurs,
Que l'on te vît toujours mefurer tes faveurs.
Que l'on doit méprifer les lauriers que tu donnes
Puifque c'eft Ciceron qu'aujourd'hui tu couronnes!
O de mon défefpoir vil & foible inftrument,
Tu me reftes donc feul dans ce fatal moment
Mes généreux amis font morts pour ma défenfe;
Et pour comble d'horreurs je mourrai fans vengeance!
Dieux cruels inventez quelque fupplice affreux,
Qui puiffe être pour moi plus trifte & plus honteux.
Crébillon, Catilin. act. V. fc. V I.

!

CORASMIN à OROSMANE.

LE Sérail eft plongé dans un profond filence;
Tout dort, tout eft tranquille, & l'ombre de la nuit....

OROSMAN E.

Hélas! le crime veille, & fon horreur me fuit.
A ce coupable excès porter fa hardieffe !

Tu ne connoiffois pas mon cœur & ma tendreffe,
Combien je t'adorois ! quels feux ! ah, Corafmin !
Un feul de fes regards auroit fait mon deftin.
Je ne puis être heureux ni fouffrir que par elle.
Prend pitié de ma rage. Qui, cours.... Ah, la cruelle!

Voilà les premiers pleurs qui coulent de mes yeux.
Tu vois mon fort, tu vois la honte où je me livre,
Mais ces pleurs font cruels, & la mort va les fuivre.
Plains Zaïre, plains moi, l'heure approche ; ces pleurs
Du fang qui va couler font les avant-coureurs.

Voltaire, Zair. act. V. fc. vIII,

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LOIN

RAISON.

OIN que la raison nous éclaire,

Et conduife nos actions,

Nous avons trouvé l'art d'en faire
L'orateur de nos paffions.
C'est un fophifte qui nous joue,
Un vil complaifant, qui fe loue
A tous les fous de l'univers,
Qui s'habillans du nom de fages,
La tiennent fans ceffe à leurs gages
Pour autorifer leurs travers.

C'eft elle qui nous fait accroire,
Que tout cede à notre pouvoir:
Qui nourrit notre folle gloire
De l'yvreffe d'un faux favoir,
Qui par cent nouveaux ftratagêmes,
Nous mafquant fans ceffe à nous-mêmes,
Parmi les vices nous endort.

Du furieux fait un Achile,
Du fourbe un politique habile,
Et de l'athée un efprit fort.

Mais vous mortels qui dans le monde
Croyant tenir les premiers rangs,
Plaignez l'ignorance profonde
De tant de peuples différens,
Qui confond.z avec la brute
Ce huron caché fous fa hute.
Au feul inftin& prefque réduit;
Parlez: quel eft le moins barbare,
D'une raifon qui vous égare,
Ou d'un inftinet qui le conduit.

La nature en tréfors fertile
Lui fait abondamment trouver
Tout ce qui lui peut être utile
Soigneufe de le conferver.
Content du partage modefte,
Qu'il tient de la bonté célefte,
Il vit fans trouble & fans ennui:
Et fi fon climat lui refufe

Quelques biens dont l'Europe abuse,
Ce ne font plus des biens pour lui.

Couché dans un antre ruftique,

Du Nord il brave la rigueur ;
Et notre luxe Afiatique

N'a point énervé sa vigueur.

Il ne regrette point la perte
De ces Arts, dont la découverte
A l'homme a coûté tant de foins;
Et qui devenus néceffaires,

N'ont fait qu'augmenter nos miféres,
En multipliant nos befoins.

Il méprife la vaine étude
D'un Philofophe pointilleux,
Qui nâgeant dans l'incertitude
Vante fon favoir merveilleux.
Il ne veut d'autre connoiffance,
Que ce que la Toute-puiffance
A bien voulu nous en donner;
Et fait qu'elle créa les fages
Pour profiter de fes ouvrages,
Et non pour les examiner.

Ainfi d'une erreur dangereufe
Il n'avale point le poifon :
Et notre clarté ténébreuse
N'a point offufqué fa raifon.
Il ne fe tend point à lui-même
Le piége d'un adroit fyftéme
Pour fe cacher la vérité.

Le crime à fes yeux paroît crime,
Et jamais rien d'illegitime,

Chez lui n'a pris l'air d'équité.

Rouffeau, Ode à M. le Marquis de la Fare.

炒茶

L'HOMME, venez au fait, n'a-t-il pas la raifon
N'eft-ce pas fon flambeau, fon Pilote fidéle ?
Oui mais de quoi lui fert que fa voix le rappelle,
Si fur la foi des vents tout prêt à s'embarquer
Il ne voit point d'écueil qu'il ne l'aille choquer?
Un Ane pour le moins inftruit par la nature,

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