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A l'inftinct qui le guide, obéit fans murmure:
Ne va point follement de fa bifarre voix

Défier aux chanfons les oifeaux dans les bois.
Sans avoir la raifon il marche fur fa route.

L'homme feul qu'elle éclaire en plein jour ne voit

goutte ;

Réglé par fes avis fait tout à contre-tems,
Et dans tout ce qu'il fait n'a ni raifon ni fens.
Tout lui plaît & déplaît, tout le choque & l'oblige,
Sans raifon il eft gai, fans raifon il s'afflige.
Son efprit au hafard aime, évite, poursuit,
Défait refait, augmente, ôte, éleve, détruit.
Et voit-on, comme lui, les Ours ni les Pentheres,
S'effrayer fottement de leurs propres chimères.
Plus de douze attroupés craindre le nombre impair,
Ou croire qu'un corbeau les menace dans l'air.
Jamais l'homme, dis-moi, vit-il la bête folle
Sacrifier à l'Homme, adorer fon idole,

Lui venir comme au Dieu des faifons & des vents,
Demander à genoux la pluie, ou le beau tems!
Non. Mais cent fois la bête a vû l'homme hypochondre
Adorer le métal que lui-même il fit fondre.

Defpréaux, Satyre de l'homme.

PRE'S

RAVAGE.

RE'S des bords de l'Iton, & des rives de l'Eure;
Eft un champ fortuné, l'amour de la nature.
La guerre avoit long-tems refpecté les trésors,
Dont Flore & les Zéphirs embelliffoient ces bords.
Les Bergers de ces lieux couloient des jours tranquilles
Au milieu des horreurs des Difcordes civiles :
Protégés par le ciel, & par leur pauvreté,

Ils fembloient des foldats braver l'avidité ;
Et fous leurs toits de chaume, à l'abri des allarmes,
N'entendoient point le bruit des tambours & des armes,

Les deux camps ennemis arrivent en ces lieux;
La défolation par-tout marche avant eux:

De l'Eure & de l'Iton les ondes s'allarmérent;
Les Bergers pleins d'effroi dans les bois fe cachérent,
Et leurs triftes moitiés, compagnes de leurs pas,
Emportent leurs enfans, gémisfans dans leurs bras.
Voltaire, Henri. ch. V 1 11.

RECITS.

THE RAMENE à THESE' E.

APEIN

PEINE nous fortions des portes de Trézéne. Il étoit fur fon char. Ses Cardes affligés Imitoient fon filence, autour de lui rangés. Il fuivoit tout penfif le chemin de Mycenes. Sa main fur les chevaux laifloit flotter les rênes. Ses fuperbes courfiers qu'on voyoit autrefois Pleins d'une ardeur fi noble obéir à sa voix, L'œil morne maintenant, & la tête baissée, Sembloient fe conformer à fa trifte pensée. Un effroyable cri forti du fond des flots, Des airs en ce moment a troublé le repos. Et du fein de la terre une voix formidable Répond, en gémiflant, à ce cri redoutable. Jufqu'au fond de nos cœurs notre fang s'eft glacé. Des courfiers attentifs le crin s'eft hériflé. Cependant fur le dos de la plaine liquide, S'éleve à gros bouillons une montagne humide. L'onde approche, fe brife, & vomit à nos yeux, Parmi des flots d'écume un monftre furieux. Son front large eft armé de cornes menaçantes, Tout fon corps eft couvert d'écailles jaunitlantes. Indomptable taureau, dragon impétueux

* Hippolyte.

Sa croupe fe recourbe en replis tortueux.
Ses longs mugiffemens font trembler le rivage.
Le ciel avec horreur voit ce monftre fauvage.
La terre s'en émeut, l'air en eft infecté,
Le flot qui l'apporta recule épouvanté.
Tout fuit, & fans s'armer d'un courage inutile,
Dans le Temple voisin chacun cherche un afyle.
Hippolyte lui feul, digne fils d'un Héros,
Arrête fes courfiers, faifit fes javelots,
Pouffe au monftre; & d'un dard lancé d'une main sûre,
11 lui fait dans le flanc une large bleffure.
De rage & de douleur le monftre bondiffant,
Vient aux pieds des chevaux tomber en mugiffant,
Se roule, & leur préfente une gueule enflammée,
Qui les couvre de feu, de fang, & de fumée.
La frayeur les emporte ; & fourds à cette fois,
Ils ne connoiffent plus ni le frein, ni la voix.
En efforts impuiffans leur Maître se confume,
Ils rougiffent le mords d'une fanglante écume.
On dit qu'on a vû même en ce défordre affreux
Un Dieu, qui d'aiguillons preffoit leur flanc poudreux,
A travers les rochers la peur les précipite.
L'effieu crie & fe rompt. L'intrépide Hippolyte
Voit voler en éclats tout fon char fracaffé.
Dans les rênes lui-même il tombe embarraffé.
Excufez ma douleur. Cette image cruelle
Sera pour moi de pleurs une fource éternelle.
J'ai vu, Seigneur, j'ai vu votre malheureux fils
Traîné par les chevaux que fa main a nourris.
Il veut les rappeller, & fa voix les effraie.

Ils courent. Tout fon corps n'eft bien-tôt qu'une plaie.
De nos cris douloureux la plaine retentit.
Leur fougue impétueufe enfin fe rallentit.
Ils s'arrêtent, non loin de ces tombeaux antiques,
Où des Rois fes ayeux font les froides reliques.
J'y cours en foupirant, & fa Garde me fuit.
De fon généreux fang la trace nous conduit.
Les rochers en font teints, les ronces dégouttantes,

Portent de fes cheveux les dépouilles fanglantes.
J'arrive, je l'appelle; & me tendant la main,
Il ouvre un œil mourant qu'il referme foudain.
Le ciel, dit-il, m'arrache une innocente vie,
Prens foin après ma mort de la triste Aricie.
Cher ami, fi mon pere un jour défabufé,
Plaint le malheur d'un fils fauffement accufé
Pour appaifer mon fang, & mon ombre plaintive į
Dis-lui qu'avec douceur il traite fa captive,
Qu'il lui rende.... A ce mot, ce Héros expiré,
N'a laiffé dans mes bras qu'un corps défiguré,
Trifte objet où des Dieux triomphe la colere
Et que méconnoîtroit l'œil même de fon pere.

La timide Aricie eft alors arrivée.

Elle venoit, Seigneur, fuyant votre courroux,
A la face des Dieux l'accepter pour époux.
Elle approche. Elle voit l'herbe rouge & fumante.
Elle voit, quel objet pour les yeux d'une Amante !
Hippolyte étendu, fans forme & fans couleur.
Elle veut quelque tems douter de fon malheur,
Et ne connoiffant plus ce Héros qu'elle adore,
Elle voit Hippolyte, & le demande encore.
Mais trop sûr à la fin qu'il eft devant fes yeux
Par un trifte regard elle accufe les Dieux ;
Et froide, gémiffante, & prefque inanimée,
Aux pieds de fon Amant elle tombe pâmée.

Racine, Phédr. að. V. sc. VI,

STRATONICE à PAULINE.

LE Prêtre avoit à peine obtenu du filence,
Et devers l'Orient affuré fon afpe&t,
Qu'ils ont fait éclater leur manque de refpect.
A chaque occafion de la cérémonie,

A l'envi* l'un & l'autre étaloit fa manie.

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Des Myftéres facrés hautement fe moquoit,
Et traitoit de mépris les Dieux qu'on invoquoit.
Tout le peuple en murmure, & Felix s'en offenfe;
Mais tous deux s'emportant à plus d'irrévérence,
Quoi, lui dit Polyeucte en élevant fa voix,
Adorez-vous des Dieux ou de pierre, ou de bois ?
Ici difpenfez-moi du récit des blafphêmes,

Qu'ils ont vomi tous deux contre Jupiter mêmes
L'adultére & l'incefte en étoient les plus doux.
Oyez, dit-il enfuite, oyez peuple, oyez tous.
Le Dieu de Polyeucte, & celui de Néarque.
De la terre & du ciel eft l'abfolu Monarque,
Seul Etre indépendant, feul Maître du deftin,
Seul principe éternel, & fouveraine fin.
C'est ce Dieu des Chrétiens qu'il faut qu'on remercie,
Des victoires qu'il donne à l'Empereur Decie.
Lui feul tient en fa main le fuccês des combats,
Il le veut élever, il le peut mettre à bas,
Sa bonté, fon pouvoir, fa juftice eft immenfe;
C'eft lui feul qui punit, lui feul qui récompenfe,
Vous adorez en vain des monftres impuiflans.
Se jettant à ces mots fur le vin & l'encens:
Après en avoir mis les faints vafses par terre
Sans crainte de Felix, fans crainte du tonnerre,
D'une fureur pareille ils courent à l'autel.
Cieux a-t-on vû jamais, a-t-on rien yû de tel?
Du plus puiffant des Dieux nous voyons la ftatue į
Par une main impie à leurs pieds abattue
Les Myftéres troublés, le Temple profané,
La fuite & les clameurs d'un peuple mutiné,
Qui craint d'être accablé fous le courroux céleste.

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Corneille, Polyeuct, act. 111. fc. 11.

ISMENIE à NARBAS.

LA victime étoit prête, & de fleurs couronnée,
L'autel étinceloit des flambeaux d'hyménée;

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