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Refte du grand Pompée, écoutez fa moitié.
N'attendez point de moi de regrets, ni de larmes,
Un grand cœur à fes maux applique d'autres charmes,
Les foibles déplaifirs s'amufent à parler,
Et quiconque fe plaint cherche à fe confoler.
Moi, je jure des Dieux la puiffance fupreme;
Et pour dire encor plus, je jure par vous-même;
Car vous pouvez bien plus fur ce cœur affligé
Que le refpe&t des Dieux qui l'ont mal protégé :
Je jure donc par vous, ô pitoyable refte,
Ma divinité feule après ce coup funefte,
Par vous, qui feui ici pouvez me foulager,
De n'éteindre jamais l'ardeur de le venger.
Ptolomée à Cefar par un lâche artifice,
Rome, de ton Pompée a fait un facrifice;
Et je n'entrerai point dans tes murs défolés,
Que le Prêtre & le Dieu ne lui foient immolés:
Faites-m'en fouvenir, & foutenez ma haine,
O cendres, mon efpoir, auffi-bien que ma peine;
Et pour m'aider un jour à perdre fon vainqueur,
Verfez dans tous les cœurs ce que reffent mon cœur
Corneille, Mort de Pompée, act. v.
fc. dern.

REMONTRANCES.

AMESTRIS à ARTAXERCE.

C'EN eft donc fait, cruel, fans que rien vous arrête,

A le facrifier votre fureur s'apprête ?

Barbare, pouvez-vous, fans mourir de douleur,
Prononcer un arrêt qui fait frémir d'horreur ?
Quoi, d'aucune pitié votre ame n'eft émûe!
Quel funefte appareil vient de frapper ma vûe!
Ah! Seigneur, fe peut-il qu'un cœur fi généreux ?

* Darius, frere aîné d'Artaxerce,

Altéré déformais du fang des malheureux,
Sur la foi d'un cruel, bourreau de votre pere,
De fes propres forfaits puiffe punir un frere ?

Et quel frere, grands Dieux ! le plus grand des mortels,
Moins dignes de foupçons que d'encens & d'autels.
Eft-ce à moi de venir, dans votre ame attendrie,
De cet infortuné folliciter la vie?

Si rien en fa faveur ne vous peut émouvoir,
Craignez du moins, craignez mon jufte défespoir;
Et ne préfumez pas qu'au fein de Babylone,
A de lâches complots le peuple l'abandonne.
O défir de régner, que ne peut ta fureur,
Puifqu'elle a pu fi-tôt corrompre un fi grand cœur!
Car ne vous flattez pas que d'un tel facrifice
On puiffe à d'autres foins imputer l'injustice.
Dites du moins, cruel, à quel prix, en ces lieux,
Vous prétendez donc mettre un fang fi précieux?
Eft-ce au prix de ma main eft-ce au prix de ma vie?
Barbare, vous pouvez contenter votre envie.
Prononcez: j'en attens l'arrêt à vos genoux;
Et l'attens, fans trembler, s'il eft digne de vous
Crébillon, Xercès, act. V. fc. v.

REMORD S.

MAHOM ET.

Left donc des remords! ô fureur ! ô justice! Mes forfaits dans mon cœur ont donc mis mon fupplice! Dieu que j'ai fait fervir au malheur des humains, Adorable inftrument de mes affreux deffeins, Toi que j'ai blafphêmé ; mais que je crains encore, Je me fens condamné quand l'univers m'adore. Je brave en vain les traits dont je me fens frapper; J'ai trompé les mortels, & ne puis me tromper. Pere, enfans malheureux, immolés à ma rage,

Vengez la terre & vous, & ce ciel que j'outrage.
Arrachez-moi ce jour, & ce perfide cœur,
Ce cœur né pour hair qui brule avec fureur.
Voltaire, Mahom. act. V. fc. dern.

SE' MIRAMIS à ASSUR.

TOUT m'annonce des Dieux qui daignent fe calmer'
Mais c'est le repentir qui doit les défarmer;
Croyez-moi, les remords, à vos yeux méprifables,
Sont la feule vertu qui reste à des coupables;
Je vous parois timide & foible; déformais
Connoiffez la foibleffe, elle eft dans les forfaits.
Cette crainte n'eft pas honteufe au diadême ;
Elle convient aux Rois, & fur-tout à vous-même ;
Et je vous apprendrai qu'on peut, fans s'avilir,
S'abaiffer fous les Dieux, les craindre & les fervir

Voltaire, Sémiram. act. 11. fc. VII.

RELIGION.

LOIN du fafte de Rome, & des pompes mondaines

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Des Temples confacrés aux vanités humaines
Dont l'appareil fuperbe impofe à l'univers
L'humble Religion fe cache en des déferts.
Elle y vit avec Dieu dans une paix profonde;
Cependant que fon nom profané dans le monde,
Eft le prétexte faint des fureurs des tyrans,
Le bandeau du vulgaire & le mépris des Grands.
Soufrir eft fon deftin, bénir eft fon partage.
Elle prie en fecret pour l'ingrat qui l'outrage.
Sans ornement, fans art, belle de fes attraits,
Sa modefte beauté fe dérobe à jamais

Aux hypocrites yeux de la foule importune,
Qui court à fes autels adorer la fortune.

Voltaire, Henri. ch. IV.

REPONSE PLAISANTE.

UN Maquignon de la Ville du Mans,

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Chez fon Evêque étoit venu conclure
Certain marché de chevaux Bas-Normans
Que l'homme faint louoit outre méfure.
Vois-tu ces crins? vois-tu cette encolure?
Pour chevaux Turcs on les vendit au Roi.
Turcs, Monfeigneur ? A d'autres. Je vous jure
Qu'ils font Chrétiens ainsi que vous & moi.

Rousseau, Epigr.

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UN Magifter s'empreffant d'étouffer
Quelque rumeur parmi la populace
D'un coup dans l'œil fe fit apoftropher,
Dont il tomba faifant laide grimace.
Lors un Frater s'écria: Place, place,
J'ai pour ce mal un baume fouverain.
Perdrai-je l'œil, lui dit Meffer Pancrace?
Non, mon ami, je le tiens dans ma main.

Rouffeau, Epigr.

A

REPOS.

LLEZ* donc de ce pas, par de faints hurlemens, Vous-mêmes appeller les Chanoines dormans.

C'eft le Chantre qui parle ainfi à Jean le Chorifte an Sonneur Girard.

Partez. Mais ce difcours les furprend & les glace.
Nous ? qu'en ce vain projet, pleins d'une folle audace,
Nous allions, dit Girard, la nuit nous engager?
De notre complaifance ofez-vous l'exiger?
Hé, Seigneur! quand nos cris pourroient, du fond

des rues,

De leurs appartemens percer les avenues,
Réveiller ces valets autour d'eux étendus,
De leur facré repos miniftres affidus,
Et pénétrer des lits au bruit inacceffibles;
Penfez vous, au moment que les ombrès paisibles,
A ces lits enchanteurs ont sû les attacher,
Que la voix d'un mortel les en puiffe arracher?
Deux Chantres feront-ils dans l'ardeur de vous plaire,
Ce que depuis trente ans fix cloches n'ont pu faire.
Defpréaux, Lutr. ch. IV.

LE

REPROCHE S.

TULLIE à CATILINA.

E fang de Nonius verfé près de ces lieux, Fume encore, & voilà l'encens qu'on offre aux Dieux. La facrilége main qui vient de le répandre, N'attend plus qu'un flambeau pour mettre Rome en

cendre.

Ce n'eft point Mithridate, ennemi des Romains,
Ni le Gaulois altier qui forme ces deffeins.
Grands Dieux! c'eft une main plus fatale & plus chere,
Qui menace à la fois la patrie & mon pere,
Ces excès de fureur, inconnus à Sylla,
N'étoient faits que pour toi, traître Catilina.
Cruel, tu peux porter à la trifte Tullie
Tous les coups que ta main réserve à la patrie.
Borne tes cruautés à déchirer un cœur,
Qui s'eft deshonoré par une lâche ardeur.

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