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Ce cœur que trop long-tems a fouillé ton image,
N'eft plus digne aujourd'hui que d'opprobre & d'ou
trage,

Rien ne peut expier la honte de mes feux.
Mais ne préfume pas que ce cœur malheureux,
Que tes faufles verrus t'ont rendu favorable,
T'épargne un feul moment dès qu'il te fait coupable.
Tu le verras plus prompt à s'armer contre toi,
Qu'il ne le fût jamais à t'engager fa foi.

Grands Dieux! n'ais-je brulé d'une flamme fi pure,
Que pour un aflaffin, un rebelle, un parjure.
Crébillon, Catilin. act. 1. fc. III.

ME'DE'E à JASON.

C'EST pour vous que j'ai fui, c'eft vous qui me chassez,
Où me renvoyez-vous, fi vous me banniffez ?
Irai-je fur le Phase, où j'ai trahi mon pere,
Appaifer de mon fang les manes de mon frere?
Irai-je en Theffalie, où le meurtre d'un Roi,
Pour victime aujourd'hui ne demande que moi?
Il n'eft point de climat dont mon amour fatale,
N'ait acquis à mon nom la haine générale ;
Et ce qu'ont fait pour vous mon savoir & ma main,
M'a fait un ennemi de tout le genre humain.
Reffouviens-t-en ingrat.

Corneille, Médée, act. 111. fc. III.

CLYTEMNESTRE à AGAMEMNON.

Vous ne démentez point une race funefte.
Oui, vous êtes le fang d'Atrée & de Thyefte.
Bourreau de votre fille, il ne vous refte enfin,
Que d'en faire à fa mere un horrible feftin.

Barbare! c'eft donc-là cet heureux facrifice,
Que vos foins préparoient avec tant d'artifice.
Quoi, l'horreur de foufcrire à cet ordre inhumain
N'a pas en le traçant arrêté votre main ?
Pourquoi feindre à nos yeux une fauffe trifteffe?
Penfez-vous par des pleurs prouver votre tendreffe?
Où font-ils ces combats que vous avez rendus ?
Quels flots de fang pour elle avez-vous répandus ?
Quel débris parle ici de votre résistance ?

Quel champ couvert de morts me condamne au filence?
Voilà par quels témoins il falloit me prouver,
Cruel, que votre amour a voulu la fauver.
Un oracle fatal ordonne qu'elle expire.'
Un oracle dit-il tout ce qu'il femble dire?
Le ciel, le jufte ciel, par le meurtre honoré,
Du fang de l'innocence eft-il donc altéré.

Racine, Iphig. act. 1V. fc. 1V.

CHIME'NE à RODRIGUE.

TON honneur t'eft plus cher que je ne te fuis chere,
Puifqu'il trempe tes mains dans le fang de mon pere,
Et te fait renoncer, malgré ta paffion,

A l'efpoir le plus doux de ma poffeffion :
Je t'en vois cependant faire fi peu de compte,
Que fans rendre combat tu veux qu'on te furmonte:
Quelle inégalité ravale ta vertu ?

Pourquoi ne l'as-tu plus, ou pourquoi l'avois-tu ?
Quoi, n'es-tu généreux que pour me faire outrage?
S'il ne faut m'offenfer n'as-tu point de courage,
Et traites-tu mon pere avec tant de rigueur
Qu'après l'avoir vaincu tu fouffres un vainqueur.
Corneille, Cid, act. V. fc. I.

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PULCHERIE à PHOCAS.

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CE fils fi vertueux d'un pere fi coupable
S'il ne devoit régner, me pourroit être aimable;
Et cette grandeur même où tu le veux porter
Eft l'unique motif qui m'y fait résister.
Après l'affaffinat de ma famille entiére,
Quand tu ne m'as laiffé pere, mere, ni frere,
Que j'en fafle ton fils légitime héritier!
Que j'aflure par-là leur Trône au meurtrier !
Non, non, fi tu me crois le cœur fi magnanime,
Qu'il ofe féparer fes vertus de ton crime,
Sépare tes préfens, & ne m'offre aujourd'hui,
Que ton fils fans le fceptre, ou le fceptre fans lui.
Avife, & fi tu crains qu'il te fût trop infâme
De remettre l'Empire en la main d'une femme,
Tu peux dès aujourd'hui le voir mieux occupé ;
Le ciel me rend un frere à ta rage échappé,
On dit qu'Héraclius eft tout prêt de paroître,
Tyran, defcends du Trône, & fais place à ton Maître.
Corneille, Héracl. act. 1. fc. 11.

FULVIE à CATILINA.

POURSUIS, Catilina, le reproche fied bien
A des cœurs innocens & purs comme le tien :
Mais dans l'art de tromper, ta fience fuprême,
Tu m'en as trop appris pour me tromper moi-même.
Va, ceffe d'éclater fur mon déguisement.
Tout, jufqu'à ton courroux, eft faux en ce moment.
Egorge Cicéron aux yeux de fa famille ;
Je ne t'en croirai pas moins épris de fa fille.
Ce n'eft pas d'aujourd'hui que tu fais allier
La vertu, les forfaits, l'amant, le meurtrier;
Et Tullie à tes yeux fit-elle encor plus chere,

Rien

12

Rien ne garantiroit la tête de fon pere.

Mais de quoi te plains-tu ? quel eft mon attentat?
Eft-ce-moi qui prétens t'accufer au Sénat ?
De l'espoir d'être à toi ma tendresse enivrée,
A tes lâches complots ne m'a que trop livrée.

Cruel, j'aurois voulu que tout ce qui refpire
Eût été comme moi foumis à ton Empire:
Mais tandis que pour toi je féduifois les cœurs,
Tu préparois au mien le comble des horreurs.

Crébillon, Catilin. act. 11. fc. II.

PALAMEDE à ELECTRE.

JUSTE ciel! eft-ce ainfi que vous vengez un pere?
L'un tremble pour la fœur, & l'autre pour le frere.
L'amour triomphe ici. Quoi ! dans ces lieux cruels
Il fera donc toujours d'illuftres criminels!
Eft-ce donc fur des cœurs livrés à la vengeance,
Qu'il doit un feul moment fignaler fa puiffance?
Rompez l'indigne joug qui vous tient enchaînés.
Eh! l'amour eft-il fait pour les infortunés ?
Il a fait les malheurs de toute votre race:
Jugez fi c'est à vous d'ofer lui faire grace.

Crébillon, Electr. act. I V. fc. III.

TULLIE à TITUS.

AH! c'eft trop effuyer tes indignes murmures,
Tes vains engagemens, tes plaintes, tes injures;
Je te rens ton amour dont le mien eft confus,
Et tes trompeurs fermens pires que tes refus.
Je n'irai point chercher au fond de l'Italie
Ces fatales grandeurs que je te facrifie,

Tome II.

M

Et pleurer loin de Rome entre les bras d'un Roi,
Cet amour malheureux que j'ai fenti pour toi.
J'ai réglé mon deftin. Romain dont la rudeffe
N'affecte de vertu que contre ta Maîtresse,
Héros pour m'accabler, timide à me fervir,
Incertain dans tes vœux, apprens à les remplir?
Tu verras qu'une femme à tes yeux méprifable,
Dans fes projets au moins étoit inébranlable;
Et par la fermeté dont ce cœur eft armé,
Titus , tu connoîtras comme il t'auroit aimé.
Au pied de ces murs même où régnoient mes ancêtres,
De ces murs que ta main défend contre leurs maîtres,
Où tu m'ofes trahir & m'outrager comme eux,
Où ma foi fut féduite, où tu trompas mes feux;
Je jure à tous les Dieux, qui vengent les parjures,
Que mon bras dans mon fang effaçant mes injures,
"Plus jufte que le tien, mais moins irréfolu,
Ingrat va me punir, de t'avoir mal connu.

Voltaire, Brut. act. IV. f. 111.

RESSENTIMENS.

ARISTIE à PO M PE' E.

SORTEZ

ORTEZ de mon efprit, reffentimens jaloux, Noirs enfans du dépit, ennemis de ma gloire, Triftes reffentimens je ne veux plus vous croire, Quoi qu'on m'ait fait d'outrage il ne m'en fouvient plus. Plus de nouvel hymen, plus de Sertorius,

Je fuis au grand Pompée; & puifqu'il m'aime encore,
Puifqu'il me rend fon cœur, de nouveau je l'adore.
Plus de Sertorius. Mais, Seigneur, répondez,
Faites parler ce cœur qu'enfin vous me rendez,
Plus de Sertorius. Hélas, quoique je die,
Vous ne me dites point, Seigneur, plus dÆmilie!

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