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Rentrez dans mon efprit, jaloux reffentimens
Fiers enfans de l'honneur, nobles emportemens,
C'est vous que je veux croire ; & Pompée infidéle
Ne fauroit plus fouffrir que ma haine chancelle,
Il l'affermit pour moi. Venez, Sertorius,
Il me rend tout à vous par ce muet refus,
Donnons ce grand témoin à ce grand hyménée,
Son ame toute ailleurs n'en fera point gênée.
Il le verra fans peine, & cette dureté
Paflera chez Sylla pour magnanimité.

Corneille, Sertor. act. III. fc. IV.

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HE

RESSOUVENIR..

E'LAS, pourquoi parler encor de mes amours!
Quelquefois ils ont fait le charme de ma vie ;
Aujourd'hui la maladie

En éteint le flambeau peut-être pour toujours.
De mes ans paflagers la trame eft raccourcie,
Mes organes laffés font morts pour les plaifirs;
Mon cœur eft étonné de fe voir fans défirs.
Dans cet état il ne me refte,
Qu'un affemblage vain de fentimens confus
Un préfent douloureux, un avenir funefte
Et l'affreux fouvenir d'un bonheur qui n'eft plus.
Pour comble de malheur, je fens de ma pensée
Se déranger les reflorts;

Mon efprit m abandonne, & mon ame éclipfée,
Perd en moi de fon être, & meurt avant mon corps.
Eft-ce-là ce rayon de l'effence fuprême,

Q:'on nous peint fi lumineux ?

Eft-ce-là cet efprit furvivant à nous-même ?
Il naît avec nos fens, croît, s'affoiblit comme eux
Hélas, périroit-il de méme !

Je ne fais; mais j'ose espérer

Que de la mort, du tems & des deftins le maître,

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Dieu conferve pour lui le plus pur de notre être,
Et n'anéantit point ce qu'il daigne éclairer.

Voltaire, Epitre à M. de Génonville.

RETRAITE.

UN

N bois fombre & tranquille, Sous des ombrages frais préfente un doux afile. Un rocher qui le cache à la fureur des flots, Défend aux aquilons d'en troubler le repos. Une grotte eft auprès, dont la fimple ftructure Doit tous fes ornemens aux mains de la nature. Un vieillard vénérable avoit loin de la Cour Cherché la douce paix dans cet obfcur féjour. Aux humains inconnu, libre d'inquiétude C'eft-là que de lui-même il faifoit fon étude ; C'eft-là qu'il regrettoit fes inutiles jours, Plongés dans les plaifirs, perdus dans les amours. Sur l'émail de ces prés, au bord de ces fontaines, Il fouloit à fes pieds les paffions humaines : Tranquille, il attendoit qu'au gré de fes fouhaits La mort vint, à fon Dieu le rejoindre à jamais. Ce Dieu qu'il adoroit prit foin de fa vieilleffe, Il fit dans fon défert defcendre la fageffe; Et prodigue envers lui de fes trésors divins, Il ouvrit à fes yeux le livre des deftins.

Voltaire, Henri. ch. I.

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R

REVERS DES GRANDS.

EMPLISSEZ l'air de cris en vos grottes profondes, Pleurez, Nymphes de Vaux, faites croître vos ondes.

Les deftins font contens, Oronte eft malheureux.

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Vous l'avez vû n'aguére au bord de vos fontaines,
Qui, fans craindre du fort les faveurs incertaines,
Plein d'éclat, plein de gloire, adoré des mortels
Recevoit des honneurs qu'on ne doit qu'aux autels.
Hélas, qu'il eft déchû de ce bonheur fuprême !
Que vous le trouveriez différent de lui-même !
Pour lui les plus beaux jours font de fecondes nuits:
Les foucis dévorans, les regrets, les ennuis,
Hôtes infortunés de fa trifte demeure,

En des gouffres de maux le plongent à toute heure.
Voilà le précipice où l'ont enfin jetté

Les attraits enchanteurs de la profpérité.

Dans le Palais des Rois cette plainte eft commune ;
On n'y connoît que trop les jeux de la fortune,
Ses trompeufes faveurs, fes appas inconftans :
Mais on ne les connoît que quand il n'eft plus tems.
Lorfque fur cette mer on vogue à pleines voiles,
Qu'on croit avoir pour foi les vents & les étoiles,
Il eft bien mal aifé de régler fes défirs;
Le plus fage s'endort fur la foi des zéphirs.
Jamais un Favori ne borne fa carriére;
11 ne regarde pas ce qu'il laiffe en arriére ;
Et tout ce vain amas des grandeurs & du bruit,
Ne le fauroit quitter qu'après l'avoir détruit.
Tant d'exemples fameux que l'hiftoire en raconte,
Ne fuffifent-ils pas fans la perte d'Oronte?
Ah, fi ce faux éclat n'eût pas fait fes plaifirs!
Si le féjour de Vaux eût borné fes défirs !*
Qu'il pouvoit doucement laiffer couler fon âge!
Vous n'avez pas chez vous ce brillant équipage,
Cette foule de gens qui s'en vont chaque jour
Saluer à longs flots le foleil de la cour:
Mais la faveur du ciel vous donne en récompense
Du repos, du loifir, de l'ombre & du filence
Un tranquille fommeil, d'innocens entretiens
Et jamais à la Cour on ne trouve ces biens.

La Fontaine, Elégie pour M. Fouquet.

RICHESSES.

SI l'or feul a pour vous d'invincibles appas,

Fuyez ces lieux charmans qu'arrofe le Permeffe.
Ce n'eft point fur fes bords qu'habite la richeffe,
Aux plus favans Autcurs comme aux plus grands Guer-

riers,

Apollon ne promet qu'un nom & des lauriers.

Defpréaux, Art Poët. ch. IV.

RIEN DE TROP.

JE

E ne vois point de créature
Se comporter modérément.
Il eft certain tempérament,
Que le Maître de la nature

Veut que l'on garde en tout, Le fait-on? nullement.
Soit en bien, foit en mal, cela n'arrive guére.

La Fontaine, Fables.

DE tous les animaux.l'homme a le plus de pente,
A fe porter dedans l'excès.

Il faudroit faire le procès

Aux petits comme aux Grands. Il n'eft ame vivante Qui ne peche en ceci. RIEN DE TROP eft un point, Dont on parle fans ceffe, & qu'on n'obferve point. La Fontaine, Fables.

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RIEUR S.

N cherche les rieurs, & moi, je les évite. Cet art veut fur tout autre un fuprême mérite. Dieu ne créa que pour les fots

Les méchans difeurs de bons mots.

La Fontaine, Fables.

JET

RIGUEURS

DE L'AMOUR.

'ETOIS couché mollement, Et contre mon ordinaire Je dormois tranquillement. Quand un enfant s'en vint faire A ma porte quelque bruit ; 11 pleuvoit fort cette nuit: Le vent, le froid & l'orage Contre l'enfant faifoient rage: Ouvrez, dit-il, je fuis nû. Moi charitable & bon homme J'ouvre au pauvre morfondu, Et m'enquiers comme il fe nomme. Je te le dirai tantôt > Repartit-if, car il faut Qu'auparavant je m'effuie. J'allume auffi-tôt du feu, Je regarde fi la pluie N'a point gâté quelque peu Un arc dont je me méfie. Je m'approche toutefois Et de l'enfant prens les doigts Les réchauffe, & dans moi-même Je dis: Pourquoi craindre tant? Que peut-il c'est un enfant : Ma couardife eft extrême D'avoir eu le moindre effroi : Que feroit-ce fi chez moi J'avois reçû Polipheme? L'enfant d'un air enjoué Ayant un peu secoué Les piéces de fon armure, Et fa blonde chevelure;

Prend un trait, un trait vainqueur,

Qu'il me lance au fond du cœur.

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