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Mais un Roi, vraiment Roi, qui fage en fes projets,
Sache en un calme heureux maintenir fes fujets,
Qui du bonheur public ait cimenté fa gloire,
Il faut pour le trouver courir toute l'Hiftoire.
La terre compte peu de ces Rois bienfaifans.
Le ciel a les former fe prépare long-tems.
Tel fut cet Empereur fous qui Rome adorée
Vit renaître les jours de Saturne & de Rhée :
Qui rendit de fon joug l'univers amoureux :
Qu'on n'alla jamais voir fans revenir heureux :
Qui foupiroit le foir, fi fa main fortunée,
N'avoit par fes bienfaits fignalé la journée.

Defpréaux, Epitre au Roi,

D. FERNAND à D. ARIAS.

UN Roi dont la prudence a* de meilleurs objets,
Eft meilleur ménager du fang de fes fujets;
Je veille pour les miens, mes foucis les confervent ;
Comme le chef a foin des membres qui le fervent.
Ainfi votre raison n'est pas raifon pour moi,
Vous parlez en foldat, je dois agir en Roi.

Corneille, Cid, act. II. fc. VII.

ROME.

MITHRIDATE à PHARNACE & XIPHARE'S.

NON, Princes, ce n'eft point au bout de l'univers,

Que Rome fait fentir tout le poids de fes fers;
Et de près, infpirant les haines les plus fortes,
Tes plus grands ennemis, Rome, font à tes portes.
Ah! s'ils ont pû choisir pour leur libérateur,
* Le Roi ne veut pas permettre un duel.

Spartacus, un efclave, un vil gladiateur,

S'ils fuivent au combat des brigans qui les vengent,
De quelle noble ardeur penfez-vous qu'ils fe rangent
Sous les drapeaux d'un Roi long-tems vi&orieux,
Qui voit jufqu'à Cyrus remonter les ayeux ?
Que dis-je, en quel état croyez-vous la furprendre?
Vuide de Légions qui la puiffent défendre,
Tandis que tout s'occupe à me perfécuter,
Leurs femmes, leurs enfans pourront-ils m'arrêter !
Marchons, & dans fon fein rejettons cette guerre,
Que fa fureur envoie aux deux bouts de la terre.
Attaquons dans leurs murs ces Conquérans fi fiers,
Qu'ils tremblent à leur tour pour leurs propres foyers.
Annibal l'a prédit, croyons-en ce grand homme,
Jamais on ne vaincra les Romains que dans Rome,
Noyons-là dans fon fang juftement répandu.
Brulons ce Capitole, où j'étois attendu.
Détruifons fes honneurs, & faifons difparoître
La honte de cent Rois, & la mienne peut-être ;
Et, la flamme à la main, effaçons tous ces noms
Que Rome y confacroit à d'éternels affronts.
Racine, Mithrid. act. 111. fc. I.

CESAR à BRUTUS.

ROME, demande un Maître.

Un jour à tes dépens tu l'apprendras peut être.
Tu vois nos citoyens plus puiflans que des Rois.
Nos mœurs changent, Brutus, il faut changer nos loix.
La liberté n'eft plus que le droit de fe nuire
Rome qui détruit tout femble enfin fe détruire.
Ce Coloffe effrayant dont le monde eft foulé
En preffant l'univers, eft lui-même ébranlé
Il panche vers fa chûte, & contre la tempête
Il demande mon bras pour foutenir la tête.

Voltaire, Mort de céfar, act. 111. fc. IV.

SERTORIUS à POMPE' E.

JE n'appelle plus Rome un enclos de murailles,
Que fes profcriptions comblent de funérailles ;
Ces murs dont le deftin fut autrefois fi beau,
N'en font que la prifon ou plutôt le tombeau.
Mais pour revivre ailleurs dans fa premiére force,
Avec les faux Romains elle a fait plein divorce;
Et comme autour de moi j'ai tous fes vrais appuis
Rome n'eft plus dans Rome, elle est toute où je fuis.
Corneille, Sertor. act. 111. jc. II.

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JE

ROYAUT E'.

E devois par la Royauté
Avoir commencé mon ouvrage,
A la voir d'un certain côté,
Meffer Gafter en ft l'image.

S'il a quelque befoin, tout le corps s'en reffent.
De travailler pour lui les membres fe laffant,
Chacun d'eux réfolut de vivre en Gentilhomme;
Sans rien faire, alléguant l'exemple de Gafter.
I faudroit, difoient-ils, fans nous qu'il vécut d'air.
Nous fuons, nous peinons comme bêtes de fomme:
Et pour qui pour lui feul: nous n'en profitons pas ;
Notre foin n'aboutit qu'à fournir ses repas.
Chommons. C'eft un mêtier qu'il veut nous faire ap-
prendre.

Ainfi dit, ainfi fait. Les mains ceffent de prendre,
Les bras d'agir, les jambes de marcher.

Tous dirent à Gafter qu'il en allât chercher.
Ce leur fut une erreur dont ils fe repentirent.
Bien-tôt les pauvres gens tombérent en langueur :

* L'eftomas,

Il ne fe forma plus de nouveau fang au cœur :
Chaque membre en fouffrit: les forces fe perdirent,
Par ce moyen les mutins virent,

Que celui qu'ils croyoient oifif & paresseux,
A l'intérêt commun contribuoit plus qu'eux.
Ceci peut s'appliquer à la grandeur Royale.
Elle reçoit & donne ; & la chofe est égale.
Tout travaille pour elle, & réciproquement
Tout tire d'elle l'aliment.

Elle fait fubfifter l'Artifan de fes peines,
Enrichit le Marchand, gage le Magiftrat,
Maintient le Laboureur, donne paye au Soldat;
Diftribue en cent lieux fes Graces fouveraines,
Entretient feule tout l'Etat.

La Fontaine, Fable des membres, & l'eftomac.

SACRIFICE

DES LIGUEURS AUX DIEUX INFERNAUX.

TAND

*

ANDIS que des Ligueurs une troupe homicide
Aux portes de Paris conduifoit le perfide;
Des SEIZE en même tems le facrilege effort,
Sur cet événement interrogeoit le fort.
Jadis de Medicis l'audace curieuse,
Chercha de ces fecrets la fience odieufe,
Approfondit long-tems cet art furnaturel,
Si fouvent chimérique, & toujours criminel.
Tout fuivit fon exemple, & le peuple imbécile,
Des vices de la Cour imitateur fervile,

Epris du merveilleux, amant des nouveautés,
S'abandonnoit en foule à ces impiétés,

Dans l'ombre de la nuit, fous une voûte obfcure,
Le filence a conduit leur affemblée impure.
A la pâle lueur d'un magique flambeau,
S'éleve un vil autel dreffé fur un tombeau.
C'eft-là que des deux Rois on plaça les images,
Objets de leur terreur, objets de leurs outrages,
Leurs facriléges mains ont mêlé fur l'autel,
A des noms infernaux le nom de l'Eternel.
Sur ces murs ténébreux cent lances font rangées,
Dans des vafes de fang leurs pointes font plongées;
Appareil menaçant de leur myftére affreux.

Le Prêtre de ce Temple eft un de ces Hébreux,
Qui profcrits fur la terre, & citoyens du monde,
Portent de mers en mers leur mifére profonde;
Et d'un antique amas de fuperftitions
Ont rempli dès long-tems toutes les Nations.

* Jacques Clément..

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