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D'abord autour de lui les Ligueurs en furie,
Commencent à grands cris ce facrifice impie.
Leurs parricides bras fe lavent dans le fang
De Valois fur l'autel ils vont percer le flanc ;
Avec plus de terreur, & plus encor de rage,
De Henri fous leurs pieds ils renverfent l'image;
Et penfent que la mort fidéle à leur courroux,
Va tranfmettre à ces Rois l'atteinte de leurs coups.
L'Hébreu joint cependant la prière au blafpheme:
Il invoque l'abîme, & les cieux, & Dieu même,
Tous ces efprits impurs qui troublent l'univers,
Et le feu de la foudre & celui des enfers.
Tel fut dans Gelboa le fecret facrifice,
Qu'à fes Dieux infernaux offrit la Pythoniffe,
Alors qu'elle évoqua devant un Roi cruel
Le fimulacre affreux du Prêtre Samuel
Ainfi contre Juda, du haut de Samarie,

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Des Prophétes menteurs tonnoit la bouche impie ;
Ou tel chez les Romains l'inflexible Atéius
Maudit au nom des Dieux les armes de Craffus.
Aux magiques accens que fa bouche prononce,
Les SEIZE ofent du ciel attendre la réponse
A dévoiler leur fort ils penfent le forcer :
Le ciel pour les punir voulut les exaucer.
Il interrompt pour eux les loix de la nature,
De ces antres muets fort un trifte murmure,
Les éclairs redoublés dans la profonde nuit,
Pouffent un jour affreux qui renaît & qui fuit.
Au milieu de ces feux, Henri brillant de gloire,
Apparoît à leurs yeux fur un char de victoire ;
Des lauriers couronnoient fon front noble & ferain;
Et le fceptre des Rois éclatoit dans fa main.
L'air s'embrafe à l'inftant par les traits du tonnerre,
L'autel couvert de feux tombe & fuit fous la terre.
Et les SEIZE éperdus, l'Hébreu faifi d'horreur,
Vont cacher dans la nuit leur crime & leur terreur.
Voltaire, Henri. ch. v.

Q

SACRIFICES.

UE m'importent vos facrifices,
Vos offrandes & vos troupeaux ?
Dieu boit-il le fang des genifles ?
Mange-t-il la chair des taureaux ?
Ignorez-vous que fon empire
Embraffe tout ce qui refpire,
Et fur la terre, & fur les mers,
Et que fon fouffle feul inspire
L'ame à tout ce vafte univers.

Offrez, à l'exemple des Anges,
A ce Dieu, votre unique appui,
Un facrifice de louanges

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Le feul qui foit digne de lui.
Chantez d'une voix ferme & sûre,
De cet Auteur de la nature,
Les bienfaits toujours renaissans :
Mais fachez qu'une main impure
Peut fouiller le plus pur encens.

Rouffeau, Odes facr.

N

SAGESSE.

'EN déplaife à ces fous nommés fages de Grece ; En ce monde il n'eft point de parfaite fageffe: Tous les hommes font fous, & malgré tous leurs foins, Ne différent entre eux que du plus ou du moins. Comme on voit qu'en un bois que cent routes féparent, Les voyageurs fans guide affez fouvent s'égarent, L'un à droit, l'autre à gauche ; & courant vainement, La même erreur les fait errer diversement : Chacun fuit dans le monde une route incertaine, Selon que fon erreur le joue & le proméne 3

Et tel y fait l'habile, & nous traite de fous,
Qui fous le nom de fage eft le plus fou de tous.
Mais quoique fur ce point la fatyre publie,
Chacun veut en fageffe ériger fa folie;
Et fe laiffant régler à son esprit tortu,
De fes propres défauts fe fait une vertu.
Ainfi, cela foit dit pour qui veut fe connoître,
Le plus fage eft celui qui ne pense point l'être
Qui toujours pour un autre enclin vers la douceur
Se regarde foi-même en févére cenfeur,

Rend à tous fes défauts une exacte juftice,
Et fait fans fe flatter le procès à fon vice.

Defpréaux, Satyre IV.

SAGESSE ETERNELLE.

DE

E la Sageffe immortelle
La voix tonne, & nous inftruit.
Enfans des hommes, dit-elle,
De vos foins quel eft le fruit?
Par quelle ardeur ames vaines,
Du plus pur fang de vos veines
Achetez-vous fi fouvent,
Non un pain qui vous repaiffe,
Mais une ombre, qui vous laiffe
Plus affamés que devant.

Le pain que je vous propofe
Sert aux Anges d'aliment;
Dieu lui-même le compofe
De la fleur de fon froment.
C'eft ce pain fi délectable,
Que ne fert point à fa table,
Le monde que vous fuivez.
Je l'offre à qui me veut fuivre.
Approchez voulez-vous vivre ?
Prenez, mangez & vivez.

O Sageffe, ta parole
Fit éclore l'univers.
Pofa fur un double pole

La terre au milieu des mers.
Tu dis, & les cieux parurent,
Et tous les aftres coururent
Dans leur ordre fe placer.
Avant les fiécles tu regnes,
Et qui fuis-je, que tu daignes
Jufqu'à moi te rabaiffer.

Racine, Cantiq. Spirit.

SATYRE.

MUSE, changeons de ftyle & quittons la fatyre,

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C'eft un méchant mêtier que celui de médire.
A l'Auteur qui l'embraffe il est toujours fatal.
Le mal qu'on dit d'autrui ne produit que du mal.
Maint Poëte, aveuglé d'une telle manie,
En courant à l'honneur, trouve l'ignominie ;
Et tel mot, pour avoir réjoui le Lecteur,
A coûté bien fouvent des larmes à l'Auteur.
Un éloge ennuyeux, un froid panégyrique
Peut pourrir à fon aife au fond d'une boutique,
Ne craint point du Public les jugemens divers,
Et n'a pour ennemis que la poudre & les vers.
Mais un Auteur malin qui rit & qui fait rire,
Qu'on blâme en le lifant, & pourtant qu'on veut lire,
Dans fes plaifans accès qui fe croit tout permis,
De fes propres rieurs fe fait des ennemis.
Un difcours trop fincére aifément nous outrage.
Chacun dans ce miroir penfe voir fon visage;
Et tel, en vous lifant, admire chaque trait,
Qui dans le fond de l'ame & vous craint & vous hait,
Defpréaux, Satyre VII.

LA fatyre, en leçons, en nouveautés fertile,
Sait feul affaifonner le plaifant & l'utile ;
Et d'un vers qu'elle épure aux rayons du bon fens,
Détromper les efprits des erreurs de leurs tems.
Elle feule, bravant l'orgueil & l'injustice,

Va jufques fous le dais faire pâlir le vice;
Et fouvent fans rien craindre, à l'aide d'un bon mot,
Va venger la raison des attentats d'un fot.

Defpréaux, Satyre IX.

SCELERAT.

ARTA BAN seul.

LE foleil va bien-tôt chaffer d'ici la nuit,

Et de mon crime heureux éclairer tout le fruit.
Darius eft perdu: fa tête infortunée

Sous le couteau mortel va tomber condamnée.
De ma fureur fur lui rejettant les horreurs,
De la foif de fon fang j'ai rempli tous les cœurs.
De leur amour pour lui je ne crains plus l'obftacle.
Sa tête, à fes fujets, trifte & nouveau fpectacle,
Va me fervir enfin, dans ce jour éclatant,
De dégré pour monter au Trône qui m'attend,
Il ne me refte plus qu'à frapper Artaxerce.
Il eft fi peu fameux, fi peu cher à la Perfe
Que, parmi les frayeurs d'un peuple épouvanté,
A peine ce forfait me fera-t-il compté ?
A travers tant de joie un feul fouci me refte;
C'eft de mes attentats le complice funefte.
Le lâche Tyfapherne, indigne d'être admis
A l'honneur du forfait que ma main a commis.
Je l'ai vû, dans le tems que mon cœur magnanime
S'immoloit fans frémir une illuftre victime,
Pâlir d'effroi, m'offrir d'une tremblante main
Le fecours égaré d'un vulgaire affaffin.

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