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On eût dit, à le voir, dans ce moment terrible,
Où le fang & les cris me rendoient inflexible,
Confidérer l'autel, la victime & le lieu,
Que fa main facrilége alloit frapper un Dieu.
Dès qu'à de tels forfaits l'ambition nous livre,
Tout complice un moment n'y doit jamais furvivre
C'est vouloir qu'un fecret foit bien-tôt révélé.
Ou complice, ou témoin, tout doit être immolé.
Tandis qu'ici la nuit répand encor fes ombres,
Précipitons le mien dans les Royaumes fombres.
Il faut que de ce fer, teint d'un fi noble sang,
Pour prix de fa pitié, je lui perce le flanc.

Crébillon, Xercès, act. V. fc. I.

SCEPTR E.

ASSUER US.

CE

E fceptre, cet empire, Et ces profonds refpects que la terreur inspire, A leur pompeux éclat mêlent peu de douceur, Et fatiguent fouvent leur trifte poffeffeur.

Racine, Efth. act. II. fc. VII.

SECRET S.

RIEN ne péfe tant qu'un fecret :

Le porter loin eft difficile aux Dames:
Et je fais même fur ce fait

Bon nombre d'hommes qui font femmes.

La Fontaine, Fable des femmes, & le fecrets

肉肉

FULVIE à PROBUS.

QUI donc ais-je trahi? Miniftre ambitieux,
Et quelle foi doit-on à des féditieux ?

La garder aux méchans, c'est partager leurs crimes.
Mais je vois que Probus connoît peu ces maximes;
Et je fais quand la haine enflamme vos pareils,
Jufqu'où va la noirceur de leurs lâches conseils,
Sur-tout dès qu'il s'agit de venger leurs injures.
Cefar eft défigné Souverain des Augures:
Ciceron a brigué pour ce rival heureux,

Et le place en un rang dont on flattoit vos vœux;
Catilina d'ailleurs vous étoit favorable.

Le moyen qu'à vos yeux je ne fois point coupable;
Moi qui viens de fauver un Conful odieux,
Qui s'eft ofé jouer d'un Miniftre des Dieux,
Qui de fa dignité dépofitaire habile,

Plein de fafte aux Autels, & près des Grands fervile,
Sur l'efpoir de leurs dons mefure fa ferveur,
Et n'adore en effet que la feule faveur ?
Mon devoir m'ordonnoit de fauver la patrie;
Imitez-le, ou gardez vos confeils pour Tullie.
Croyez-moi, terminez d'imprudentes leçons,
Qui ne font qu'irriter ma haine & mes foupçons.
Ceffez de me flatter qu'on peut m'aimer encore.
J'ai trop vû la beauté que l'infidéle adore.

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Pourquoi de cet hymen m'a-t-on fait un fecret?
Et pourquoi, s'il eft feint, m'en cacher le projet ?
Traître, ce n'eft pas vous, qui deviez me l'apprendre.
Mais on croit n'avoir rien à craindre d'un cœur tendre.
Sachez que d'un fecret à demi confié,

Dès qu'on peut une fois percer l'autre moitié,
On eft toujours en droit d'en trahir le mystére,
Et qu'on ne doit plus rien à qui nous l'ofe taire.
Crébillon, Catilin. act. I I. fc. I.

BRUTUS.

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MESSALA par mon ordre arrêté cette nuit,
Devant vous à l'inftant alloit être conduit ;
J'attendois que du moins l'appareil des fupplices,
De fa bouche infidéle arrachât fes complices.
Mes Liceurs l'entouroient, quand Meffala foudain
Saififlant un poignard qu'il cachoit dans fon fein;
Et qu'à vous, Sénateurs, il deftinoit peut-être :
Mes fecrets, a-t-il dit, que l'on cherche à connoître,
C'eft dans ce cœur fanglant qu'il faut les découvrir;
Et qui fait confpirer, fait fe taire & mourir.

Voltaire, Brut. act. V. fc. II.

SEJOUR NATAL.

UN inftinet né chez tous les hommes

Et chez tous les hommes égal,

Nous force tous tant que nous fommes,
D'aimer notre séjour natal.

Ulyffe après vingt ans d'absence,
De difgraces & de travaux

Dans le pays de fa naiflance
Va finir le cours de fes maux.

TAYLOR

Rouffeau, Ode à M. le Prince de Vendôme.

LA

SEIZE *.

A Difcorde a choifi feize féditieux, Signalés par le crime entre les factieux.

* Ligueurs qu'on appelloit les Seize, à caufe des seize quartiers de Paris qu'ils gouvernoient

Tome II.

N

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Miniftres infolens d'une Reine nouvelle
Sur fon char tout fanglant ils montent avec elle ;
L'orgueil, la trahifon, la fureur, le trépas
Dans des ruiffeaux de fang marchent devant leurs pas.
Nés dans l'obfcurité, nourris dans la baffeffe,
Leur haine pour les Rois leur tient lieu de nobleffe;
Et jufques fous le dais par le peuple portés,
Mayenne en frémiffant les voit à fes côtés ;
Des jeux de la Difcorde ordinaires caprices,
Qui fouvent rend égaux ceux qu'elle rend complices.
Ainfi lorfque les vents, fougueux tyrans des eaux,
De la Seine ou du Rhône ont foulevé les flots,
Le limon croupiffant dans leurs grottes profondes,
S'éleve en bouillonnant fur la face des ondes ;
Ainfi dans la fureur de ces embrasemens,
Qui changent les Cités en de funeftes champs,
Le fer, l'airain, le plomb que les feux amolliffent,
Se mêlent dans la flamme à l'or qu'ils obfcurciffent.
Voltaire, Henri. ch. IV.

SE'NAT ROMAIN.

CATILINA à PRO BUS.

C'EST ainfi qu'aujourd'hui se gouvernent les loix,

Ce Sénat, le modéle & le tuteur des Rois
Qui fit à l'univers admirer fa juftice,

Qui punifloit de mort un foupçon d'avarice,
Qui puifoit fes décrets dans le confeil des Dieux,
Vend ce qu'à la vertu réservoient nos ayeux.
Crebillon, Catilin. act. 1. fc. 11.

PROBUS à CATILINA.

EN vain, fondant fur vous fa plus chére espérance,
Rome vous élevoit à la toute-puiflance.

J'entrevois dans le cœur d'un fier Patricien
Les foibleffes de cœur d'un obfcur Plébéien.
= Et c'eft Catilina, qui feul ici protége
Un refte de Sénat impur & facrilége;

Un tas d'hommes nouveaux profcrits par cent décrets,
Que l'orgueilleux Sylla dédaigna pour fujets.
Difparu dans l'abîme où fon orgueil le plonge,
Les grandeurs du Sénat ont paffé comme un fonge.
Non, ce n'eft plus ce Corps digne de nos autels,
Où les Dieux opinoient à côté des mortels.
De ce Corps avili Minerve s'eft bannie
A l'afpect de leur luxe & de leur tyrannie,
On ne voit que l'or feul préfider au Sénat
Et de profanes voix fixer le Confulat.

Crebillon, Catilin. act. I. fc. 11.

SUNNON à GONTRA N..

LES Gaules ont daigné m'envoyer en ces lieux.
Mais où font les Romains, leurs loix, même leurs Dieux!
Et quel devoir encor veux-tu que je trahisle,
Parmi des furieux, fans frein & fans justice?
C'eft aux événemens à difpofer de moi.
D'ailleurs, dans ce cahos à qui garder ma foi?
A de vils Sénateurs noyés dans la molleffe
A deux Confuls jaloux & défunis fans ceffe?
L'un des deux fans honneur & fans fidélité,
Abuse chaque jour de fon autorité ;

L'autre a mille vertus, mais n'ofe en faire usage.
Caton loin de calmer irritera l'orage.
Formidable au dehors, méprifable au dedans
Le Sénat n'eft enfin qu'un amas de brigands,
Unis pour le butin, divifés au partage,
Dont toute la vertu périt avec Carthage.
A peine il fut formé qu'il détruifit fes Rois:
11 détruit aujourd'hui l'autorité des loix.
Après avoir détruit & loix & diadême,
Nous le verrons bien-tôt fe détruire lui-même.

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