C'eft pour fauver la mémoire De vos immortels fecours,
C'eft pour vous, c'eft pour votre gloire,
Que vous prolongez nos jours. Non, non, vos bontés facrées Ne feront point célébrées Dans l'horreur des monumens. La mort aveugle & muette Ne fera point l'interpréte De vos faints commandemens.
Mais ceux qui de fa menace Comme moi font rachetés Annonceront à leur race Vos céleftes vérités.
J'irai, Seigneur, dans vos temples Réchauffer par mes exemples Les mortels les plus glacés : Et vous offrant mon hominage, Leur montrer l'unique ufage Des jours que vous leur laifiés.
UAND le malheur ne feroit bon, Qu'à mettre un fot à la raifon, Toujours feroit-ce à jufte cause, Qu'on le dit bon à quelque chose.
NON, vous n'espérez plus de nous revoir encor, Sacrés murs que n'a pû conferver mon He&or. A de moindres faveurs des malheureux prétendent,
Seigneur. C'eft un exil que mes pleurs vous demandent. Souffrez que loin des Grecs, & même loin de vous, J'aille chercher mon fils & pleurer mon époux.
Racine, Andromaq, act. I. fc. IV.
EH, quoi! tous les malheurs aux humains réservés, Faut-il fi jeune encor les avoir éprouvés ? Les ravages, l'exil, la mort, l'ignominie, Dès ma premiére aurore ont affiégé ma vie. De déferts en déferts, errant, perfécuté, J'ai langui dans l'opprobre & dans l'obfcurité. Le ciel fait cependant, fi parmi tant d'injures J'ai permis à ma voix d'éclater en murmures. Malgré l'ambition qui dévoroit mon cœur, J'embraffai les vertus qu'exigeoit mon malheur. Je refpe&ai, j'aimai jufqu'à votre mifere; Je n'aurois point aux Dieux demandé d'autre pere. Ils m'en donnent un autre & c'eft pour m'outrager. Je fuis fils de Cresfonte & ne puis le venger. Je retrouve une mere, un tyran me l'arrache. Un détestable hymen à ce monftre l'attache. Je maudis dans vos bras le jour où je fuis né ; Je maudis le fecours que vous m'avez donné. Ah, mon pere! ah! pourquoi d'une main égarée Reteniez-vous tantôt la main défefpérée ? Mes malheurs finiffoient, mon fort étoit rempli. Voltaire, Mérop. act. V. fc. I.
ON fouvenir n'eft plein que d'exploits généreux; Cependant je me trouve incefte, & parricide, Sans avoir fait un pas que fur les pas d'Alcide, Ni recherché par-tout que loix à maintenir Que monftres à détruire, & méchans à punir. Aux crimes malgré moi l'ordre du ciel m'attache Pour m'y faire tomber à moi-même il me cache Il offre, en m'aveuglant fur ce qu'il a prédit Mon pere à mon épée & ma mere à mon lit. Hélas! qu'il eft bien vrai qu'en vain on s'imagine Dérober notre vie à ce qu'il nous destine, Les foins de l'éviter font courir au devant; Et adreffe à le fuir y plonge plus avant. Mais fi les Dieux m'ont fait la vie abominable, Ils m'en font par pitié la fortie honorable, Puifqu'enfin leur faveur mêlée à leur courroux, Me condamne à mourir pour le falut de tous. Et qu'en ce même tems qu'il faudroit que ma vie, Des crimes qu'ils m'ont fait traînât l'ignominie, L'éclat de ces vertus que je ne tiens pas d'eux., Reçoit pour récompenfe un trépas glorieux.
Corneille, Edip. act. v. fc. VII.
QU'ETE S-Vous devenus, Oracles de nos Dieux ? Vous qui faifiez trembler ma vertu trop timide, Vous qui me prépariez l'horreur d'un parricide, Mon père eft chez les morts & vous m'avez trompé
Malgré vous dans fon fang mes mains n'ont point trempé.
Ainfi de mon erreur efclave volontaire, Occupé d'écarter un mal imaginaire, J'abandonnois ma vie à des malheurs certains, Trop crédule Artifan de mes triftes Deftins. O ciel! & quel eft donc l'excès de ma mifére, Si le trépas des miens me devient néceflaire, Si trouvant dans leur perte un bonheur odieux, Pour moi la mort d'un pere eft un bienfait des Dieux.
O vous qui préfidez aux fortunes des Rois, Dieux! faut-il en un jour m'accabler tant de fois! Et préparant vos coups par vos trompeurs oracles, Contre un foible mortel épuifer les miracles.
J'entrevois mon deftin: ces recherches cruelles Ne me découvriront que des horreurs nouvelles. Je le fais: mais malgré les maux que je prévoi, Un défir curieux m'entraîne loin de moi. Je ne puis demeurer dans cette incertitude; Le doute en mon malheur eft un tourment trop rude. J'abhorre le flambeau dont je veux m'éclairer, Je crains de me connoître & ne puis m'ignorer.
Voltaire, Edip. act. V. fc. II.
LE voilà donc rempli cet oracle exécrable Dont ma crainte a preffé l'effet inévitable; Et je me vois enfin par un mélange affreux, Incefte & parricide & pourtant vertueux ! Miférable vertu, nom ftérile & funefte Toi par qui j'ai réglé des jours que je détefte, A mon noir afcendant tu n'as pû réfifter ! Je tombois dans le piége en voulant l'éviter. Un Dieu plus fort que moi m'entraînoit vers le crime,
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