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Sacrifie à ma foi l'infolent qui t'adore,
Songe que je te vois, que je te parle encore,
Que ma foudre, à ta voix pourra fe détourner,
Que c'eft le feul moment où je peux pardonner.

ZATRE.

Vous, Seigneur ! vous ofez me tenir ce langage?
Vous, cruel... Apprenez que ce cœur qu'on outrage
Et que par tant d'horreurs le ciel veut éprouver,
S'il ne vous aimoit pas, eft né pour vous braver.
Je ne crains rien ici que ma funefte flamme;
N'imputez qu'à ce feu qui brule encor mon ame,
N'imputez qu'à l'amour que je dois oublier,
La honte où je defcends de me juftifier.
J'ignore fi le ciel qui m'a toujours trahie,
A deftiné pour vous ma malheureufe vie ;
Quoi qu'il puiffe arriver, je jure par l'honneur,
Qui non moins que l'amour eft gravé dans mon cœur,
Je jure que Zaïre à foi même rendue,

Des Rois les plus puiffans détefteroit la vûe,
Que tout autre, après vous, me feroit odieux.
Voulez-vous plus favoir, & me connoître mieux
Voulez-vous que ce cœur à l'amertume en proie,
Ce cœur défefpéré devant vous fé déploie ?

Sachez donc qu'en feeret il penfoit malgré lui,
Tout ce que devant vous il déclare aujourd'hui;
Qu'il foupiroit pour vous avant que vos tendreffes
Vinflent juftifier mes naiffantes foibleffes.

Qu'il prévînt vos bienfaits, qu'il bruloit à vos pieds
Qu'il vous aimoit enfin lorfque vous m'ignoriez ;
Qu'il n'eût jamais que vous,n'aura que vous pour Maîtres
J'en attefte le ciel, que j'offenfe peut-être;

Et j'ai mérité fon éternel courroux,

Si mon cœur fût coupable, ingrat, c'étoit pour vous, Voltaire, Zair. act. IV. fc. v I

XX

BURRHUS à AGRIPPINE.

JE répondrai, Madame, avec la liberté
D'un foldat, qui fait mal farder la vérité.
Vous m'avez de Céfar confié la jeunesse,
Je l'avoue, & je dois m'en fouvenir fans ceffe.
Mais vous avois-je fait ferment de le trahir ?
D'en faire un Empereur qui ne sût qu'obéir?
Non. Ce n'est plus à vous qu'il faut que j'en réponde.
Ce n'eft plus votre fils. C'eft le Maître du monde.
J'en dois compte, Madame, à l'Empire Romain,
Qui croit voir fon falut ou fa perte en ma main.
Ah! fi dans l'ignorance il le falloit inftruire,
N'avoit-on que Sénéque & moi pour le féduire ?
Pourquoi de fa conduite éloigner les flatteurs ?
Falloit-il dans l'exil chercher des corrupteurs?
La Cour de Claudius en efclaves fertile,

Pour deux que l'on cherchoit, en cût préfenté mille,
Qui tous auroient brigué l'honneur de l'avilir.
Dans une longue enfance ils l'auroient fait vieillir.
De quoi vous plaignez-vous, Madame, on vous révere?
Ainfi que par Céfar on jure par fa mere.

L'Empereur, il eft vrai, ne vient plus chaque jour
Mettre à vos pieds l'Empire & groffir votre Cour,
Mais le doit-il, Madame ? & fa reconnoiffance
Ne peut-elle éclater que dans fa dépendance ?
Toujours humble, toujours le timide Néron,
N'ofe-t-il être Angufte & Céfar que de nom?
Vous le dirai-je enfin, Rome le juftifie.
Rome à trois Affranchis fi long-tems aflervie,
A peine refpirant du joug qu'elle a porté
Du regne de Néron compte fa liberté.
Que dis-je la vertu femble même renaître.
Tout l'Empire n'eft plus la dépouille d'un Maître.
Le peuple au Champ de Mars nomme fes Magiftrats.
Céfar nomme les Chefs fur la foi des foldats.

Qu'importe que Céfar continue à nous

'croire

Pourvû que nos confeils ne tendent qu'à fa gloire ? Pourvû que dans le cours d'un regne floriftant Rome foit toujours libre, & Céfar tout puillant. Racine, Britann. act. 1. fc. II.

JUNIE à NERON.

CETTE fincérité, fans doute, eft peu difcrete,
Mais toujours de mon cœur ma bouche eft l'interprete.
Abfente de la Cour, je n'ai pas dû penfer,
Seigneur, qu'en l'art de feindre il fallut m'exercer.
J'aime Britannicus, je lui fus deftinée,
Quand l'Empire devoit fuivre fon hyménée.
Mais ces mêmes malheurs qui l'en ont écarté,
Ses honneurs abolis, fon Palais déferté,
La fuite d'une Cour que fa chûte a bannie,
Sont autant de liens qui retiennent Junie.
Tout ce que vous voyez confpire à vos défirs,
Vos jours toujours ferains coulent dans les plaisirs,
L'Empire en eft pour vous l'inépuifable fource;
Ou fi quelque chagrin en interrompt la course,
Tout l'univers, foigneux de les entretenir,
S'empreffe à l'effacer de votre fouvenir.

Britannicus eft feul, quelque ennui qui le preffe,
Il ne voir dans fon fort que moi qui s'intéreffe;
Et n'a pour tous plaifirs, Seigneur, que quelques pleurs
Qui lui font quelquefois oublier fes malheurs.

Racine, Britann. act. II. fc. III.

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SOINS DE PLAIR E.

TITUS à PAULIN.

U ne l'ignores pas, toujours la renommée,
Avec le même éclat n'a pas femé mon nom.
Ma jeuneffe nourrie à la Cour de Néron,

S'égaroit, cher Paulin, par l'exemple abusée,
Et fuivoit du plaifir la pente trop aifée.

Bérénice me plut. Que ne fait point un cœur,
Pour plaire à ce qu'il aime, & gagner fon vainqueur?
Je prodiguai mon fang. Tout fit place à mes armes.
Je revins triomphant. Mais le fang & les larmes
Ne me fuffifoient pas pour mériter fes vœux.
J'entrepris le bonheur de mille malheureux.
On vit de toutes parts mes bontés fe répandre;
Heureux! & plus heureux que tu ne peux comprendre,
Quand je pouvois paroître à fes yeux fatisfaits,
Chargé de mille cœurs conquis par mes bienfaits.
Ratine, Bérén. act. 11. fc. II.

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SOLDAT.

ME'ROPE à POLIFONTE.

UJET de mon époux, vous m'ofez propofer
De trahir fa mémoire, & de vous époufer?
Moi, j'irois de mon fils, du feul bien qui me refte
Déchirer avec vous l'héritage funefte!

Je mettrois en vos mains fa mere & fon Etat,
Et le bandeau des Rois fur le front d'un foldat?
POLIFONTE.

Un foldat tel que moi peut juftement prétendre
A gouverner l'Etat, quand il l'a sû défendre.
Le premier qui fût Roi, fut un soldat heureux.
Qui fert bien fon pays, n'a pas befoin d'ayeux.
Je n'ai plus rien du fang qui m'a donné la vie.
Ce fang eft épuifé, verfé pour la patrie,
Ce fang coula pour vous; & malgré vos refus,
Je crois valoir au moins les Rois que j'ai vaincus.
Voltaire, Mérop. act. 1. fc. 111.

MITRANE à ARZACE.

Vous avez à l'Empire ajouté des Provinces,
Et placé par la gloire au rang des plus grands Princes,
Vous êtes devenu l'ouvrage de vos mains.

ARZA CE.

Je ne fais en ces lieux quels feront mes deftins.
Aux plaines d'Arbazan quelques fuccès peut-être,
Quelques travaux heureux m'ont affez fait connoître;
Et quand Sémiramis, aux rives de l'Oxus,
Vint impofer des loix à cent peuples vaincus,
Elle laiffa tomber de fon char de victoire,
Sur mon front jeune encor un rayon de fa gloire;
Mais fouvent dans les camps un foldat honoré,
Rampe à la Cour des Rois, & languit ignoré.

Voltaire, Sémiram. act. 1. fc. I.

UN

SONGES.

ATHALIE à ABNER & MATHAN.

N fonge, me devrois-je inquiéter d'un fonge? Entretient dans mon cœur un chagrin qui le ronge. Je l'évite par-tout, par-tout il me poursuit. C'étoit pendant l'horreur d'une profonde nuit. Ma mere Jezabel devant moi s'eft montrée, Comme au jour de fa mort pompeufement parée. Ses malheurs n'avoient point abattu sa fierté. Même elle avoit encor cet éclat emprunté, Dont elle eut foin de peindre & d'orner fon vifage, Pour réparer des ans 1 irréparable outrage. Tremble, m'a-t-elle dit, fille digne de moi, Le cruel Dieu des Juifs l'emporte auffi fur toi,

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