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Une troifiéme fuit, elle fonne à la fin.
Au dire de ces gens la bête eft toute telle:
L'objet la frappe en un endroit

Ce lieu frappé s'en va tout droit,
Selon nous, au voifin en porter la nouvelle:
Le fens de proche en proche auffi-tôt la reçoit.
L'impreffion se fait, mais comment fe fait-elle ?
Selon eux par néceffité,

Sans paffion, fans volonté:
L'animal fe fent agité

De mouvemens que le vulgaire appelle
Trifteffe, joie, amour, plaifir, douleur cruelle,
Ou quelque autre de ces états;

Mais ce n'eft point cela, ne vous y trompez pas.
Qu'est-ce donc? une montre. Et nous? c'eft autre chofe.
Voici de la façon que Defcartes l'expofe,
Defcartes, ce mortel dont on eût fait un Dieu
Chez les Payens, & qui tient le milieu

Entre l'homme & l'efprit, comme entre l'huître & l'homme

Le tient tel de nos gens franche bête de fomme.
Voici, dis-je, comment raifonne cet Auteur.
Sur tous les animaux enfans du Créateur,
J'ai le don de penfer, & je fais que je penfe.
Or vous favez de certaine fence,
Que quand la bête penferoit,-
La bête ne réfléchiroit

Sur l'objet, ni fur fa pensée.

Defcartes va plus loin, & foutient nettement
Qu'elle ne penfe nullement.

Leur mémoire eft corporelle

L'animal n'a befoin que d'elle.

L'objet lorsqu'il revient, va dans fon magafin
Chercher par le même chemin
L'image auparavant tracée,

Qui fur les mêmes pas revient pareillement,
Sans le fecours de la pensée,

Caufer un même événement.

Nous agiflons tout autrement.
La volonté nous détermine,

Non, l'objet ni l'inftinet. Je parle, je chemine:
Je fens en moi certain agent :
Tout obéit dans ma machine
A ce principe intelligent.

Il eft diftin& du corps, fe conçoit nettement,
Se conçoit mieux que le corps même :
De tous nos mouvemens c'eft l'arbitre fuprême.
Mais comment le corps l'entend-il?
C'eft là le point: je vois l'outil
Obéir à la main: mais la main qui la guide?
Eh! qui guide les cieux & leur courfe rapide?
Quelque Ange eft attaché peut-être à ces grands corps.
Un efprit vit en nous, & meut tous nos refforts:
L'impreffion fe fait; le moyen, je lignore.
On ne l'apprend qu'au fein de la divinité.

La Fontaine, Disc, à Madame de la Sabliere.

Q

SYSTEME DE LA DESTINE'E.

THESE'E à JO CAST E.

UOI, la néceffité des vertus & des vices
D'un aftre impérieux doit fuivre les caprices,
Et Delphes, malgré nous, conduit nos actions
Au plus bifarre effet de fes prédictions?
L'ame eft donc toute efclave, une loi fouveraine
Vers le bien ou le mal inceffamment l'entraine;
Et nous ne recevons ni crainte, ni défir,
De cette liberté qui n'a rien à choisir
Attachés fans relâche à cet ordre fublime
Vertueux fans mérite, & vicieux fans crime.
Qu'on maffacre les Rois, qu'on brife les autels,
C'eft la faute des Dieux, & non pas des mortels,

гар

De toute la vertu fur la terre épandue,
Tout le prix à ces Dieux, toute la gloire cft dûe,
Ils agiffent en nous quand nous penfons agir,
Alors qu'on délibére on ne fait qu'obéir;
Et notre volonté n'aime, hait, cherche, évite,
Que fuivant, que d'en haut leur bras la précipite.
D'un tel aveuglement daignez me difpenfer,
Le ciel jufte à punir, jufte à récompenfer,
Pour rendre aux actions leur peine ou leur falaire,
Doit nous offrir fon aide, & puis nous laiffer faire.
N'enfonçons toutefois ni votre ceil, ni le mien,
Dans ce profond abîme où nous ne voyons rien..
Corneille, Edip. að. 111. fc. v.

E

SYSTEME DE NEWTON.

'DE'JA de la carriére

L'augufte Vérité vient m'ouvrir la barriére;
Déja ces tourbillons l'un par l'autre preffés
Se mouvant fans efpace, & fans régle entaffés,
Ces fantômes favans à mes yeux difparoiffent.
Un jour plus pur me luit, les mouvemens renaissent;
L'efpace qui de Dieu contient l'immensité,
Voit rouler dans fon fein l'univers limité,
Cet univers fi vafte à notre foible vûe

Et qui n'eft qu'un atome, un point dans l'étendue.
Dieu parle, & le cahos fe diffipe à fa voix.
Vers un centre commun tout gravite à la fois.
Ce reffort fi puiffant, l'ame de la nature
Etoit enfeveli dans une nuit obfcure;
Le compas de Newton mefurant l'univers,
Leve enfin ce grand voile, & les cieux font ouverts.
Il découvre à mes yeux par une main favante,
De l'aftre des faifons la robe étincelante ;

L'émeraude, l'azur, le pourpre, le rubis,
Sont l'immortel tiffu dont brillent fes habits.
Chacun de fes rayons dans fa fubftance pure,
Porte en foi les couleurs dont fe peint la nature;
Et confondus enfemble ils éclairent nos yeux,
Ils animent le monde, ils empliffent les cieux.
Confidens du Très-haut, fubftances éternelles,
Qui brulez de fes feux, qui couvrez de vos ailes
Le Trône où votre Maître eft affis parmi vous,
Parlez, du grand Newton n'êtiez-vous point jaloux?
La mer entend fa voix. Je vois l'humide empire
S'élever, s'avancer vers le ciel qui l'attire ;
Mais un pouvoir central arrête les efforts
La mer tombe, s'affaife, & roule vers fes bords.
Cométes que l'on craint à l'égal du tonnerre,
Ceffez d'épouvanter les peuples de la terre
Dans une ellipfe immenfe achevez votre cours;
Remontez, defcendez près de l'aftre des jours;
Lancez vos feux, volez ; & revenant fans ceffe,
Des mondes épuifés ranimez la vieilleffe.

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Et toi, fœur du foleil, aftre qui dans les cieux,
Des fages éblouis trompois les foibles yeux,
Newton de ta carriére a marqué les limites;
Marche, éclaire les nuits, tes bornes font prefcrites.
Terre, change de forme; & que la pefanteur,
En abaiffant le Pole éleve l'Equateur.

Pole, immobile aux yeux, fi lent dans votre course,
Fuyez le char glacé des fept aftres de l'Ourfe;
Embraffez dans le cours de vos longs mouvemens,
Deux cent fiécles entiers par de-là fix mille ans.
Voltaire, Epitre à Madame du Châtelet.

TABLE AU

DES CRIMES D'ASSUR, DES GRANDES QUALITE'S
ET DES FOIBLESSES DE SE'MIRAMIS.

Ου

ASSUR à CE'DAR.

UOI, j'aurai fait mourir & Ninus & fon fils,
Pour ramper le premier devant Sémiramis,
Pour languir dans l'éclat d'une illuftre difgrace,
Près du Trône du monde à la feconde place!
La Reine fe bornoit à la mort d'un époux ;
Mais j'étendis plus loin ma fureur & mes coups:
Ninias en fecret privé de la lumiére,

Du Trône où j'afpirois m'entr'ouvroit la barriére,
Quand' fa puiflante main la ferma fous mes pas.
C'eft en vain que flattant l'orgueil de fes appas,
J'avois crû chaque jour prendre fur fa jeuneffe
Cet heureux afcendant, que les foins, la foupleffe,
L'attention, le tems favent fi bien donner,
Sur un cœur fans deffein facile à gouverner;
Jeconnus mal cette ame inflexible, & profonde;
Rien ne la pût toucher que l'Empire du monde.
Elle en parut trop digne, il le faut avouer;
Je fuis dans mes fureurs contraint à la louer.
Je la vis retenir dans fes mains affurées
De l'Etat chancelant, les rênes égarées
Appaifer le murmure, étouffer les complots,
Gouverner en Monarque, & combattre en Héros.
Je la vis captiver & le peuple & l'armée ;
Ce grand art d'impofer même à la renommée,
Fut l'art qui fous fon joug enchaîna les efprits;
L'univers à fes pieds demeure encor furpris.
Que dis-je ? fa beauté, ce flatteur avantage,
Fit adorer les loix qu'impofa fon courage;

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