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Et quand dans mon dépit j'ai voulu confpirer,
Mes amis confternés n'ont sû que l'admirer.
Mais le charme eft rompu ; ce grand pouvoir chancelle,
Son génie égaré femble s'éloigner d'elle.
Un vain remords la trouble, & fa crédulité,
A depuis quelque tems en fecret confulté
Ces oracles menteurs d'un temple méprisable,
Que les fourbes d'Egypte ont rendu vénerable.
Son encens & fes vœux fatiguent les autels;
Elle devient femblable au refte des mortels;
Elle a connu la crainte, & j'ai vu fa foibleffe.
Je ne puis m'élever qu'autant qu'elle s'abaiffe ;
De Babylone au moins j'ai fait parler la voix ;
Sémiramis enfin va céder une fois."

Ce premier coup porté fa ruine eft certaine.

Voltaire, Sémiram. act. 1. fc. IV.

TABLEAU DE L'ETAT

DE NOS PREMIERS PERES, AVANT ET APRE'S LEUR DE'SO BE'ISSANCE.

Τουτ

OUJOURS la honte en efclaves nous lie. Oui, c'eft toi qui nous perds, ridicule folie: C'est toi qui fis tomber le premier malheureux, Le jour que d'un faux bien fottement amoureux; Et n'ofant foupçonner fa femme d'impofture, Au démon par pudeur il vendit la nature. Hélas! avant ce jour qui perdit fes neveux, Tous les plaifirs couroient au devant de fes veux. La faim aux animaux ne faifoit point la guerre: Le bled pour fe donner, fans peine ouvrant la terre, N'attendoit point qu'un bœuf, préffé de l'éguillon, Traçât à pas tardifs un pénible fillon.

La vigne offroit par-tout des grappes toujours pleines, Et des ruiffeaux de lait ferpentoient dans les plaines.

Mais dès ce jour Adam déchû de son état,
D'un tribut de douleurs paya fon attentat.
Il fallut qu'au travail fon corps rendu docile,
Forçât la terre avide à devenir fertile.
Le chardon importun hérifla les guérets,
Le ferpent venimeux rampa dans les forêts:
La canicule en feu défola les campagnes:
L'aquilon en fureur gronda fur les montagnes.
Alors pour fe couvrir durant l'âpre faifon,
Il fallut aux brebis dérober leur toifon.

La pefte en même tems, la guerre & la famine,
Des malheureux humains jurérent la ruine.

Defpréaux, Epître à M. Arnauld.

TABLEAU DE L'HISTOIRE.

C'EST un théâtre, un spectacle nouveau,

Où tous les morts fortant de leur tombeau,
Viennent encor fur une fcene illuftre ;
Se préfenter à nous dans leur vrai lustre ;
Et du Public dépouillé d'intérêt :
Humbles A&eurs attendre leur arrêt.
Là retraçant leurs foibleffes paffées,
Leurs actions, leurs difcours, leurs pensées,
A chaque état ils reviennent dicter
Ce qu'il faut fuir, ce qu'il faut imiter;
Ce que chacun fuivant ce qu'il peut être
Doit pratiquer, voir, entendre, connoître :
Et leur exemple en diverfes façons
Donnant à tous les plus nobles leçons
Rois, Magiftrats, Législateurs fuprêmes,
Princes, guerriers, fimples citoyens mêmes,
Dans ce fincére & fidéle miroir,
Peuvent apprendre & lire leur devoir.

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Rouffean, Epitr. à M. Rollin,

TABLEAU

DES INFORTUNES DE JOCASTE ET D'ŒDIPE.

JOCASTE à DIPE.

SEIGNEUR, vous le favez, j'eus un fils de Laius.

Sur le fort de mon fils ma tendreffe inquiéte
Confulta de nos Dieux la fameufe interpréte.
Quelle fureur, hélas, de vouloir arracher
Des fecrets que le fort a voulu nous cacher !
Mais enfin j'étois mere, & pleine de foibleffe.
Je me jettai craintive aux pieds de la Prêtreffe.
On me prédit
Que ce fils, que ce monftre entreroit dans mon lit;
Que je le recevrois; moi, Seigneur ; moi, sa mere,
Dégoutant dans mes bras du meurtre de son pere;
Et que tous deux unis par ces liens affreux,

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Je donnerois des fils à mon fils malheureux.
Je crus les Dieux, Seigneur, & faintement cruelle,
J'étouffai pour mon fils mon amour maternelle.
En vain de cet amour l'impérieuse voix
S'oppofoit à nos Dieux & condamnoit leurs loix;
Il fallut dérober cette tendre victime

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Au fatal afcendant qui l'entraînoit au crime,
Et penfant triompher des horreurs de fon fort
J'ordonnai par pitié qu'on lui donnât la mort !
O pitié criminelle autant que malheureuse!
O d'un oracle faux obfcurité trompeuse!
Quel fruit me revient-il de mes barbares foins ?
Mon malheureux époux n'en expira pas moins:
Dans le cours triomphant de fes deftins profpéres ¿
Il fut aflaffiné par des mains étrangères.
Ce ne fut point fon fils qui lui porta ces coups,
Et j'ai perdu mon fils fans fauver mon époux.

DIPE.

Il eft jufte à mon tour que la reconnoiffance
Faffe de mes destins l'horrible confidence.

rfque vous aurez sû par ce trifte entretien : rapport effrayant de votre fort au mien, eut-être ainfi que moi frémirez-vous de crainte. edeftin m'a fait naître au Trône de Corinthe: ependant de Corinthe & du Trône éloigné, vois avec horreur les lieux où je fuis né, n jour, ce jour affreux préfent à ma pensée, ette encor la terreur dans mon ame glacée, Four la premiére fois, par un don folemnel, Mes mains jeunes encore enrichiffoient l'autel. Du Temple tout-à-coup les combles s'entr'ouvrirent, De traits affreux de fang les marbres fe couvrirent, De l'autel ébranlé par de longs tremblemens, Jne invisible main repouffoit mes préfens; Et les vents au milieu de la foudre éclatante, Portérent jufqu'à moi cette voix effrayante : Ne viens plus des Lieux faints fouiller la pureté, Du nombre des vivans les Dieux t'ont rejetté: Ils ne reçoivent point tes offrandes impies: Va porter tes préfens aux autels des Furies: Conjure leurs ferpens prets à te déchirer.

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Va, ce font-là les Dieux que tu dois implorer.
Tandis qu'à la frayeur j'abandonnois mon ame,
Une voix m'annonça, le croiriez-vous, Madame,
Tout l'affemblage affreux des forfaits inouis,
Dont le ciel autrefois menaça votre fils.
Je m'arrachai des bras d'une mere éplorée ;
Je partis, je courus de contrée en contrée ;
Je déguifai par-tout ma naissance & mon nom
Un ami, de mes pas, fut le feul compagnon.
Dans plus d'une avanture en ce fatal voyage,
Le Dieu qui me guidoit feconda mon courage;
Heureux fi j'avois pû dans l'un de ces combats
Prévenir mon deftin par un noble trépas;
Mais je fuis réfervé fans doute au parricide.
Enfin je me fouviens qu'aux champs de la Phocide,
Dans un chemin étroit je trouvai deux guerriers,
Sur un char éclatant que traînoient deux courfiers.

Il fallut disputer dans cet étroit passage,
Des vains honneurs du pas le frivole avantage.
J'étois jeune & fuperbe & nourri dans un rang
Où l'on puifa toujours l'orgueil avec le fang:
Inconnu, dans le fein d'une terre étrangére,
Je me croyois encore au Trône de mon pere;
Et tous ceux qu'à mes yeux le fort venoit offrir,
Me fembloient mes fujets & faits pour m'obéit.
Je marche donc vers eux, & ma main furieufe
Arrête des coutfiers la fougue impétueuse.
Loin du char à l'inftant ces guerriers élancés,
Avec fureur fur moi fondent à coups preffés.
La victoire entre nous ne fut point incertaine.
Dieux puiffans! je ne fais fi c'est faveur ou haine,
Mais fans doute pour moi contre eux vous combattier,
Et l'un & l'autre enfin tombérent à mes pieds.
L'un d'eux, il m'en fouvient, déja glacé par l'âge,
Couché fur la pouffiére obfervoit mon visage;
11 me tendit les bras; il voulut me parler ;
De fes yeux expirans je vis des pleurs couler :
Moi-même en le perçant je fentis dans mon ame,
Tout vainqueur que j'étois....Vous frémiffez, Madame.
Voltaire, dip. act. 1 V. fc. 1.

TABLEAU

DES INFORTUNES ET DE LA MORT DE POMPE'E.

ACHORE'E à CLEOPATRE.

MADAME, j'ai couru par votre ordre au rivage,

J'ai vu la trahison, j'ai vu toute fa rage,

Du plus grand des mortels, j'ai vû trancher le fort, J'ai vu dans fon malheur la gloire de fa mort. Ecoutez, admirez & plaignez fon trépas.

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