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En voyant dans le port préparer nos galéres,
11 croyoit que le Roi touché de fes miféres,
Par un beau fentiment d'honneur & de devoir,
Avec toute fa Cour le venoit recevoir.

Mais voyant que ce Prince ingrat à fes mérites,
N'envoyoit qu'un efquif rempli de fatellites,
11 foupçonne auffi-tôt ce manquement de foi,
Et fe laiffe furprendre à quelque peu d'effroi.
Enfin voyant nos bords & notre flotte en armes,
Il condamne en fon cœur ces indignes allarmes ;
Et réduit tous les foins d'un fi preflant ennui,
A ne hasarder pas Cornelie avec lui.

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N'expofons, lui dit-il, que cette feule tête
A la reception que l'Egypte m'apprête;
Et tandis que moi feul j'en courrai le danger
Songe à prendre la fuite afin de me venger.
Tandis que leur amour en cet adieu contefte,
Achillas à fon bord joint fon efquif funefte,
Septime fe préfente ; & lui tendant la main,
Le falue Empereur en langage Romain;
Et comme député de ce jeune Monarque
Paffez, Seigneur, dit-il, paflez dans cette barque,
Les fables & les bancs cachés deffous les eaux'
Rendent l'accès mal sûr à de plus grands vaiffeaux.
Ce Héros voit la fourbe, & s'en moque dans l'ame,
Il reçoit les adieux des fiens & de fa femme
Leur défend de le fuivre, & s'avance au trépas,
Avec le même front qu'il donnoit les Etats.
La même majefté fur fon vifage empreinte,
Entre ces affaffins montre un efprit fans crainte,
Sa vertu toute entiére à la mort le conduit ;
Son affranchi Philippe eft le feul qui le fuit,
C'eft de lui que j'ai sû ce que je viens de dire,
Mes yeux ont vu le refte, & mon cœur en foupire:
On l'améne, & du port nous le voyons venir
Sans que pas un d'entre eux daigne l'entretenir.
Ce mépris lui fait voir ce qu'il en doit attendre,
Si-tôt qu'on a pris terre on l'invite à defcendre,

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11 fe leve; & foudain pour fignal, Achillas Derriére ce Héros tirant fon coutelas,

Septime, & trois des fiens, lâches enfans de Rome, Percent à coups preffés les flancs de ce grand homme.

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D'un des pans de fa robe il couvre fon vifage,
A fon mauvais deftin en aveugle obéit,
Et dédaigne de voir le ciel qui le trahit,
De peur que d'un coup d'œil contre une telle offense,
11 ne femble implorer fon aide ou fa vengeance.
Aucun gémiffement à fon cœur échappé,

Ne le montre en mourant digne d'être frappé,
Immobile à leurs coups, en lui-même il rappelle
Ce qu'eût de beau fa vie, & ce qu'on dira d'elle;
Et tient la trahifon que le Roi leur prefcrit,
Trop au deffous de lui pour y prêter l'efprit.
Sa vertu dans leur crime augmente ainfi fon luftre,
Et fon dernier foupir eft un foupir illuftre,
Qui de cette grande ame achevant les deftins,
Etale tout Pompée aux yeux des affaffins.
Sur les bords de l'efquif fa tête enfin panchée,
Par le traître Septime indignement tranchée,
Pafle au bout d'une lance en la main d'Achillas,
Ainfi qu'un grand trophée après de grands combats:
La trifte Cornélie, à cet affreux fpectacle,
Par de longs cris aigus tâche d'y mettre obftacle,
Défend ce cher époux de la voix & des yeux
Puis n'efpérant plus rien, leve les mains aux cieux;
Et cédant tout-à-coup à la douleur plus forte
Tombe dans fa galére évanouie ou morte.

Cependant Achillas, porte au Roi sa conquête,
Tout le peuple tremblant en détourne la tête
Un effroi général offre à l'un fous fes pas
Des abîmes ouverts pour venger ce trépas,
L'autre entend le tonnerre ; & chacun fe figure
Un défordre foudain de toute la nature.
La tête de Pompée a produit des effets,

Dont

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Dont ils n'ont pas fujet d'être fort fatisfaits.
Je ne fais fi Cefar prendroit plaifir à feindre,
Mais pour eux jufqu'ici je trouve lieu de craindre.
S'ils aimoient Ptolomée, ils l'ont fort mal fervi.
Vous l'avez va partir, & moi je l'ai fuivi,

Ses vaiffeaux en bon ordre ont éloigné la Ville;
Et pour joindre Céfar n'ont avancé qu'un mille,
Il venoit à plein voile ; & fi dans les hafards
11 éprouve toujours pleine faveur de Mars,
Sa forte qu'à l'envi favorifoit Neptune
Avoit le vent en poupe ainfi que la fortune.
Dès le premier abord notre Prince étonné,
Ne s'eft plus fouvenu de fon front couronné
Sa frayeur a paru fous fa fauffe allégreffe,
Toutes les actions ont fenti la bafeffe.
J'en ai rougi moi-même, & me fuis plaint à moi,
De voir là Ptolomée, & n'y voir point de Roi;
Et Céfar qui lifoit la peur fur fon visage,
Le flattoit par pitié pour lui donner courage.
Lui, d'une voix touchante, offrant ce don fatal,
Seigneur, vous n'avez plus, lui dit-il, de rival
Ce que n'ont pû les Dieux dans votre Theffalie,
Je vais mettre en vos mains Pompée & Cornélie.

;

A ces mots Achillas découvre cette tête
Il femble qu'à parler encore elle s'apprête,
Qu'à ce nouvel affront un refte de chaleur,
En fanglots mal formés exhale fa douleur."
Sa bouche encore ouverte, & fa vûe égarée,
Rappellent fa grande ame à peine féparée;
Et fon courroux mourant fait un dernier effort,
Pour reprocher aux Dieux fa défaite & fa mort.
Céfar à cet afpe& comme frappé du foudre,
Et comme ne fachant que croire ou
que
Immobile, & les yeux fur l'objet attachés,
Nous tient affez long-tems fes fentimens cachés;
S'il aime fa grandeur il hait la perfidie
Il fe juge en autrui, fe tâte, s'étudie,

Tome II.

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Il fe leve; & foudain pour fignal, Achillas
Derriére ce Héros tirant fon coutelas,

Septime, & trois des fiens, lâches enfans de Rome,
Percent à coups preflés les flancs de ce grand homme.

D'un des pans de fa robe il couvre fon visage,
A fon mauvais deftin en aveugle obéit,
Et dédaigne de voir le ciel qui le trahit,
De peur que d'un coup d'œil contre une telle offenfe,
11 ne femble implorer fon aide ou fa vengeance.
Aucun gémiffeinent à fon cœur échappé,
Ne le montre en mourant digne d'être frappé,
Immobile à leurs coups, en lui-même il rappelle
Ce qu'eût de beau fa vie, & ce qu'on dira d'elle;
Et tient la trahifon que le Roi leur preferit,
Trop au deffous de lui pour y prêter l'efprit.
Sa vertu dans leur crime augmente ainfi fon luftre,
Et fon dernier foupir eft un foupir illuftre,
Qui de cette grande ame achevant les deftins,
Etale tout Pompée aux yeux des affaffins.
Sur les bords de l'efquif fa tête enfin panchée,
Par le traître Septime indignement tranchée,
Pafle au bout d'une lance en la main d'Achillas,
Ainfi qu'un grand trophée après de grands combats:
La trifte Cornélie, à cet affreux fpectacle,
Par de longs cris aigus tâche d'y mettre obstacle,
Défend ce cher époux de la voix & des yeux,
Puis n'efpérant plus rien, leve les mains aux cieux;
Et cédant tout-à-coup à la douleur plus forte,
Tombe dans fa galére évanouie ou morte.

Cependant Achillas, porte au Roi fa conquête,
Tout le peuple tremblant en détourne la tête,
Un effroi général offre à l'un fous fes pas
Des abîmes ouverts pour venger ce trépas,:
L'autre entend le tonnerre; & chacun fe figure
Un défordre foudain de toute la nature.
La tête de Pompée a produit des effets,

Dont

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Dont ils n'ont pas fujet d'être fort fatisfaits.
Je ne fais fi Cefar prendroit plaifir à feindre,
Mais pour eux jufqu'ici je trouve lieu de craindre.
S'ils aimoient Ptolomée, ils l'ont fort mal fervi.
Vous l'avez va partir, & moi je l'ai fuivi,

Ses vaiffeaux en bon ordre ont éloigné la Ville;
Et pour joindre Céfar n'ont avancé qu'un mille,
Il venoit à plein voile ; & fi dans les hafards
11 éprouve toujours pleine faveur de Mars,
Sa flotte qu'à l'envi favorifoit Neptune
Avoit le vent en poupe ainfi que la fortune.
Dès le premier abord notre Prince étonné,
Ne s'eft plus fouvenu de fon front couronné,
Sa frayeur a paru fous fa fauffe allégreffe,
Toutes les actions ont fenti la baffeffe.
J'en ai rougi moi-même, & me fuis plaint à moi,
De voir là Ptolomée, & n'y voir point de Roi;
Et Céfar qui lifoit la peur fur fon visage,
Le flattoit par pitié pour lui donner courage.
Lui, d'une voix touchante, offrant ce don fatal,
Seigneur, vous n'avez plus, lui dit-il, de rival';
Ce que n'ont pû les Dieux dans votre Theffalie,
Je vais mettre en vos mains Pompée & Cornélie.

A ces mots Achillas découvre cette tête
Il femble qu'à parler encore elle s'apprête,
Qu'à ce nouvel affront un refte de chaleur,
En fanglots mal formés exhale fa douleur.
Sa bouche encore ouverte, & fa vûe égarée,
Rappellent fa grande ame à peine féparée;
Et fon courroux mourant fait un dernier effort,
Pour reprocher aux Dieux fa défaite & fa mort.
Céfar à cet afpe& comme frappé du foudre,
Et comme ne fachant que croire ou que
Immobile, & les yeux fur l'objet attachés,
Nous tient affez long-tems fes fentimens cachés;
S'il aime fa grandeur il hait la perfidie
Il fe juge en autrui, fe tâte, s'étudie,

Tome II.

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