11 n'en eft pas ainfi de celui qui te craint. Il renaîtra, mon Dieu, plus brillant que l'aurore. Racine, Efth. act. 11. fc. IX.
PARDONNE, Dieu puiffant, pardonne à ma foibleffe, A l'afpect des méchans, confus, épouvanté, Le trouble m'a faifi, mes pas ont hélité. Mon zéle m'a trahi, Seigneur, je le confeffe En voyant leur prospérité.
Cette mer d'abondance où leur ame fe noie, Ne craint ni les écueils, ni les vents rigoureux ; Ils ne partagent point nos fléaux douloureux, Ils marchent fur des fleurs, ils nagent dans la joie, Le fort n'ofe changer pour eux.
Voilà donc d'où leur vient cette audace intrépide, Qui n'a jamais connu crainte ni repentirs? Enveloppés d'orgueil, engraiffés de plaifirs Enivrés de bonheur ils ne prennent pour guide, Que leurs plus infenfés défirs.
Leur bouche ne vomit qu'injure & que blafphêmes ; Et leur cœur ne nourrit que penfers vicieux, Ils affrontent la terre, ils attaquent les cieux; Et n'élévent leurs voix que pour vanter eux-mêmes Leurs forfaits les plus odieux.
De-là, je l'avouerai, naissoit ma défiance , Si fur tous les mortels Dieu tient les yeux ouverts Comment fans les punir voit-il ces cœurs pervers ? Et s'il ne les voit point, comment peut fa fience Embraffer tout cet univers ?
Tandis qu'un peuple entier les fuit & les adore, Prêt à facrifier fes jours mêmes aux leurs : Accablé de mépris, confumé de douleurs,
Je n'ouvre plus mes yeux aux rayons de l'aurore, Que pour faire place à mes pleurs.
Ah! c'eft donc vainement qu'à ces ames parjures; J'ai toujours refufé l'encens que je re dois ? C'est donc en vain, Seigneur, que m'attachant à toi, Je n'ai jamais lavé mes mains fimples & pures, Qu'avec ceux qui, fuivent ta loi.
C'étoit en fes difcours que s'exhaloit ma plainte ; Mais ô coupable erreur! ô tranfports indifcrets! Quand je parlois ainfi j'ignorois tes fecrets; J'offenfois tes élus, & je portois atteinte A l'équité de tes décrets.
E Médecin Tant-pis alloit voir un malade, Que vifitoit auffi fon Confrere Tant-mieux. Ce dernier efpéroit, quoique fon camarade Soutînt que le gifant iroit voir les ayeux. Tous deux s'étant trouvés différens pour la cure Leur malade paya tribut à la natute;
Après qu'en fes confeils Tant-pis eût été crû " Ils triomphoient encor fur cette maladie. L'un difoit, il eft mort, je l'avois bien prévû : S'il m'eût crû, difoit l'autre, il feroit plein de vie. La Fontaine, Fable des Médecins,
IL en coûte à qui vous reclame, Médecins du corps & de l'ame. O tems! ô mœurs! j'ai beau crier, Tout le monde fe fait payer.
La Fontaine, Fable du cerf malade.
TU revenois couvert d'une gloire éternelle, Le Gévaudan furpris t'avoit vû triompher Des traits contagieux d'une pefte cruelle ; Et ta main venoit d'étouffer
De cent poisons cachés la femence mortelle. Dans** Maisons cependant je voyois mes beaux jours Vers leurs derniers momens précipiter leurs cours. Déja près de mon lit la Mort inexorable, Avoit levé fur moi fa faux épouvantable,
Le vieux Nocher des morts à fa voix accourut: C'en étoit fait, fa main tranchoit ma deftinée; Mais tu lui dis, arrête : & la Mort étonnée Reconnut fon vainqueur, frémit & difparut.
EUREUX! qui fatisfait de fon humble fortune;
Libre du joug fuperbe où je fuis attaché
Vit dant l'état obfcur où les Dieux l'ont caché,
Racine, Iphig. act. 1, sc. I¿
UE le menfonge un inftant vous outrage,
Tout eft en feu foudain pour l'appuyer.
La vérité perce enfin le nuage, Tout eft de glace à vous justifier.
Voltaire, Epitre sur la Calomnies
* M. de Gervafi, fameux Médecin. ** Château renommé, bâti par Mansards
IL impofteur, je vois ce qui te flatte, Tu crois peut-être aigrir mon Apollon Par tes difcours ; & nouvel Eroftrate A prix d'honneur tu veux te faire un nom. Dans ce deffein, tu fémes, ce dit-on, D'un faux récit la maligne impofture. Mais dans mes vers, malgré ta conjecture, Jamais ton nom ne fera proféré : Et j'aime mieux endurer une injure, Que d'illuftrer un faquin ignoré.
'EMPIRE eft à mon fils, périffe la marâtre, Périffe le cœur dur de foi-même idolâtre,
Qui peut goûter en paix dans le fuprême rang, Le barbare plaifir d'hériter de fon fang.
Si je n'ai plus de fils, que m'importe un Empire? Que m'importe ce ciel, ce jour que je respire? Je dûs y renoncer alors, dans ces lieux que Mon époux fut trahi des mortels & des Dieux. O perfidie! ô crime ! ô jour fatal au monde! O mort toujours préfente à ma douleur profonde! J'entens encor ces voix, ces lamentables cris Ces cris: Sauvez le Roi, fon époufe & fes fils! Je vois ces murs fanglans, ces portes embrafées, Sous ces lambris fumans, ces femmes écrafées ; Ces efclaves fuyans, le tumulte, l'effroi,
Les armes, les flambeaux, la mort autour de moi.
Là nageant dans fon fang & fouillé de pouffiére, Tournant encor vers moi sa mourante paupière, Cresfonte en expirant me ferra dans fes bras; Là deux fils malheureux condamnés au trépas Tendres & premiers fruits d'une union fi chere, Sanglans & renverfés fur le fein de leur pere; A peine foulevoient leurs innocentes mains. Hélas! ils m'imploroient contre leurs affaffins Egifte échappa feul, un Dieu prit fa défenfe. Veille fur lui, grand Dieu, qui fauvas fon enfance; Qu'il vienne, que Narbas le ramène à mes yeux, Du fond de fes déferts au rang de fes ayeux : J'ai fupporté quinze ans mes fers & fon abfence, Qu'il regne au lieu de moi : voilà ma récompenfe. Voltaire, Merop. act. I. fc. I.
AYEZ pitié des pleurs dont mes yeux font noyési Que vous faut-il de plus Mérope eft à vos pieds, Mérope les embraffe, & craint votre colere. A cet effort affreux jugez fi je fuis mere, Jugez de mes tourmens; ma détestable erreur Ce matin de mon fils alloit percer le cœur. Je pleure à vos genoux mon crime involontaire Cruel! vous qui vouliez lui tenir lieu de pere, Qui deviez protéger fes jours infortunés Le voilà devant vous & vous l'affaffinez. Son pere eft mort, hélas ! par un crime funefte. Sauvez le fils, je puis oublier tout le refte; Sauvez le fang des Dieux & de vos Souverains; 11 eft feul, fans défense, il eft entre vos mains, Qu'il vive, & c'eft affez. Heureufe en mes miferes; Lui feul il me rendra mon époux & fes freres.
Voltaire, Merop. ait. IV. fc, II.
« PrécédentContinuer » |