Images de page
PDF
ePub

Etouffons fans regret une honteufe flamme.
C'eft à mon époux feul à régner fur mon ame.
Tout barbare qu'il eft, c'eft un préfent des Dieux,
Qu'il ne m'eft pas permis de trouver odieux.
Hélas! malgré mes maux, malgré sa barbarie,
Je n'ai pû le revoir fans en être attendrie.
Que l'hymen eft puiffant fur les cœurs vertueux,
Crebillon, Rhadam. act. IV. fc. II.

N

TENDRESSE FRATERNELLE.
ANTIOCHUS à RODOGUNE.

ON, je n'écoute rien, & dans la mort d'un frere Je ne veux point juger entre vous & ma mere: Affaffinez un fils, maffacrez un époux,

Je ne veux me garder ni d'elle, ni de vous.
Suivons aveuglément ma trifte destinée,
Pour m'expofer à tout achevons l'hyménée.
Cher frere, c'eft pour moi le chemin du trépas,
La main qui t'a percé ne m'épargnera pas,

Je cherche à te rejoindre, & non à m'en défendre,
Et lui veux bien donner tout lieu de me furprendre ;
Heureux fi fa fureur qui me prive de toi,
Se fait bien-tôt connoître en achevant fur moi;
Et fi du ciel trop lent à la réduire en poudre,
Son crime redoublé peut arracher la foudre.

Corneille, Rodog. act. V. fc. IV.

TENDRESSE MATERNELLE.

ANDRO MAQUE à CE'PHISE.

ALLONS voir mon fils pour la derniére fois. Quoi donce as-tu penfé qu'Andromaque infidéle Pût trahir un époux qui croit revivre en elle ;

E

Et que de tant de morts réveillant la douleur,
Le foin de mon repos me fit troubler le leur ?
Eft-ce-là cette ardeur tant promise à fa cendre?
Mais fon fils périffoit, il l'a fallu défendre,
Pyrrhus en m'époufant s'en déclare l'appui,
I fuffit. Je veux bien m'en repofer fur lui.
Je fais quel eft Pyrrhus. Violent, mais fincére,
Céphife, il fera plus qu'il n'a promis de faire.
Sur le courroux des Grecs je m'en repofe encor;
Leur haine va donner un pere au fils d'Hector.
Je vais donc, puifqu'il faut que je me facrifie,
Affurer à Pyrrhus le refte de ma vie.

Je vais, en recevant fa foi fur les autels,
L'engager à mon fils par des nauds immortels
Mais auffi-tôt ma main à moi feule funefte,
D'une infidéle vie abrégera le refte;

Et fauvant ma vertu rendra ce que je doi
A Pyrrhus, à mon fils, à mon époux, à moi.
Voilà de mon amour l'innocent ftratagême;
Voilà ce qu'un époux m'a commandé lui-même.
Je confie à tes foins mon unique tréfor,

Si tu vivois pour moi, vis pour le fils d'Hector.
De l'espoir des Troyens feule dépofitaire,
Songe à combien de Rois tu deviens néceffaire,
Veille auprès de Pyrrhus. Fais-lui garder fa foi.
S'il le faut, je confens qu'on lui parle de moi.
Fais-lui valoir l'hymen où je me fuis rangée;
Dis-lui qu'avant ma mort je lui fus engagée,
Que fes reffentimens doivent être effacés,
Qu'en lui laiffant mon fils d'eft l'eftimer aflez.
Fais connoître à mon fils les Héros de fa race,
Autant que tu pourras, conduis-le fur leur trace.
Dis-lui par quels exploits leurs noms ont éclaté,
Plutôt ce qu'ils ont fait que ce qu'ils ont été.
Parle-lui tous les jours des vertus de fon pere,
Et quelquefois auffi parle-lui de fa mere.
Mais qu'il ne fonge plus, Cephife, à nous venger,
Nous lui laiffons un Maître, il le doit ménager.

Qu'il ait de fes ayeux un fouvenir modefte.
11 eft du sang d'Hector, mais il en est le reste.

Racine, Andromaq. act. I V. sc. I.

CLYTEMNESTRE à AGAMEMNON.

CETTE foif de régner que rien ne peut éteindre,
L'orgueil de voir vingt Rois vous fervir & vous craindre,
Tous les droits de l'Empire en vos mains confiés,
Cruel, c'eft à ces Dieux que vous facrifiez.
Et loin de repouffer le coup qu'on vous prépare,
Vous voulez vous en faire un mérite barbare.
Trop jaloux d'un pouvoir qu'on peut vous envier,
De votre propre fang vous courez le payer,
Et voulez, par ce prix, épouvanter l'audace
De quiconque vous peut difputer votre place.
Eft-ce donc être pere? ah! toute ma raison
Céde à la cruauté de cette trahison.

Un Prêtre environné d'une foule cruelle,
Portera, fur ma fille, une main criminelle ?
Déchirera fon fein, & d'un œil curieux,
Dans fon cœur palpitant confultera les Dieux ?
Et moi qui l'amenai, triomphante, adorée,
Je m'en retournerai feule & désespérée !
Je verrai les chemins encor tout parfumés
Des fleurs, dont fous fes pas on les avoit femés!
Non, je ne l'aurai point amenée au fupplice,
Où vous ferez aux Grecs un double facrifice.
Ni crainte, ni refpect ne m'en peut détacher.
De mes bras tout fanglans il faudra l'arracher.
Auffi barbare époux qu'impitoyable pere,
Venez, fi vous l'ofez, la ravir à fa mere,

Racine, Iphig. act. IV. fc. IV.

N

TERREUR DE'TRUITE.

CRASSUS aux SENATEURS.

'ES T-ce qu'en affectant de blâmer le Sénat, Que Caton de fon nom croit rehauffer l'éclat ? Mais il devroit favoir que l'homme vraiment fage Ne fe pare jamais de vertus hors d'ufage.

2

3

Qu'aurions-nous à rougir des tems de nos ayeux ?
Si ces tems font changés, il faut changer comme eux,
Et confronter nos mœurs à l'efprit de notre âge.
Et qu'a donc perdu Rome à n'être plus fauvage.
N'aurons-nous déformais d'oracle que Caton,
Et les faintes frayeurs qui troublent Cicéron?
Où font vos ennemis? quel péril vous menace!
Un fimple citoyen vous allarme & vous glace!
A percer fes complots j'applique en vain mes foins;
Je vois plus de foupçons ici que c de témoins.
On diroit à vous yoir affemblez en tumulte
Que Rome, des Gaulois, craigne encore une infulte,
Et qu'un autre Annibal va marcher fur leurs pas.
Où font des conjurés les chefs & les foldats ?
Les fureurs de Caton & fon impatience.
Dans le féin du Sénat femant la défiance
On accufe à la fois Cæpion, Lentulus,
Dolabella, Cefar, & moi-même Craffus.
Voyez de vos confeils jufqu'où ya l'imprudence.
On craint Catilina, cependant on l'offenfe.
Mais plus vous le craignez plus il faut ménager
Un homme & des amis qui pourroient le venger.
Et quel eft, dites-moi, le témoin qui l'accufe?
Une femme jaloufe & que
l'amour abufe.
Si je plains l'accufé, c'est parce qu'on le hait,
Voilà le feul témoin qui prouve fon forfait.
Car la haine a fouvent fait plus de faux coupables,
Qu'un penchant malheureux n'en fait de véritables.
Je dis plus ; & quand même il feroit criminel,

I

Faut-il, comme Caton, être toujours cruel ?
Dans fon fang le plus pur voulez-vous noyer Rome?
Songez qu'un feul remords peut vous rendre un grand
homme.

La rigueur n'a jamais produit le repentir:
Ce n'eft qu'en pardonnant qu'on nous le fait fentir.
Rome n'eft plus au tems qu'elle pouvoit fans craindre
Immoler à fa loi quiconque ofoit l'enfreindre.
D'ailleurs il eft toujours imprudent de févir,
A moins qu'en sûreté l'on ne puifle punir.

Crebillon, Catilin. að. I V. fc. 1.

J

TOUTE-PUISSANCE.

GRIMOALD à GARIBALDE.

E hais l'art de régner qui fe permet des crimes. De quel front donnerois-je un exemple aujourd'hui, Que mes loix dès demain puniroient en autrui ? Le pouvoir abfolu n'a rien de redoutable, Dont à fa confcience un Roi ne foit comptable, L'amour l'excufe mal s'il regne injuftement, Et l'Amant couronné doit n'agir qu'en Amant. Corneille, Perthari. act. 11. fc. 11E.

GRIMO ALB à GARIBALDE.

SOUTENEZ votre fceptre avec l'autorité, Qu'imprime au front des Rois leur propre majefté. Un Roi doit pouvoir tout, & ne fait pas bien l'être, Quand au fond de fon cœur il fouffre un autre Maître. Corneille, Perthari, act. IV. fc. 111.

« PrécédentContinuer »