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AGE'SILAS à LYSANDER.

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Que les Rois font jaloux du fouverain pouvoir, Qu'ils aiment qu'on leur doive, & ne peuvent devoir, -Que rien à leurs fujets n'acquiert l'indépendance, Qu'ils réglent à leur choix l'emploi des plus grands

cœurs

Qu'ils ont pour qui les fert des graces, des faveurs, Et qu'on n'a jamais droit fur leur reconnoiflance. Corneille, Agefilas, act. V. fc. VII.

VINIUS à GALBA.

NE hafardez, Seigneur, que dans l'extrémité,
Le redoutable effet de votre autorité ;

Alors qu'il réuffit tout fait jour, tout lui céde;
Mais auffi quand il manque il n'eft plus de reméde;
Il faut pour déployer le fouverain pouvoir,
Sureté toute entiére, ou profond défespoir.

Corneille, Othon, act. V. fc. II.

D. ISABELLE à BLANCHE.
LORSQUE le deshonneur fouille l'obéiflance,
Les Rois peuvent douter de leur toute-puiffance,
Qui la hafarde alors n'en fait pas bien ufer,
Et qui veut pouvoir tout ne doit pas tout ofer.
Corneille, D. Sanche d'Arrag, act. 11. fc. I.

L

TRAGEDIE.

A Tragédie informe & groffiére en naissant, N'étoit qu'un fimple chœur où chacun en dansant,

Et du Dieu des raifins entonnant les louanges,
S'efforçoit d'attirer de fertiles vendanges.
Là, le vin & la joie éveillant les efprits,
Du plus habile Chantre un Bouc étoit le prix.
Thefpis fut le premier qui barbouillé de lie
Promena par les Bourgs cette heureuse folie ;
Et d'Acteurs mal ornés chargeant un tombereau,
Amufa les paffans d'un fpectacle nouveau.
Efchyle dans le chœur jetta les perfonnages;
D'un mafque plus honnête habilla les vifages;
Sur les ais d'un Théâtre en public exhauflé,
Fit paroître l'Acteur d'un brodequin chauffé.
Sophocle enfin donnant l'effor à fon génie,
Accrut encor la pompe, augmenta l'harmonie.
Chez nos dévots ayeux le Théâtre abhorré,
Fut long-tems dans la France un plaifir ignoré.
Des Pélerins, dit-on, une troupe groffiére,
En public à Paris y monta la premiére ;
Et fottement zélée en fa fimplicité,

Joua les Saints, la Vierge, & Dieu par piété.
Le favoir à la fin diffipant l'ignorance,
Fit voir de ce projet la dévote imprudence.

Defpréaux, Art Poët. ch. III.

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TRAHISON.

AGRIPPINE à BURRHU S.

UOI, du fang de fon frere il n'a point eu d'horreur!

BURRHU S...

Ce deffein s'eft conduit avec plus de mystére,
A peine l'Empereur a vû venir fon frere,

1

Il fe leve, il l'embraffe, on fe taît, & foudain
Céfar prend le premier une coupe à la main.
Pour achever ce jour fous de meilleurs aufpices,
Ma main de cette coupe épanche les prémices,
Dit-il, Dieux que j'appelle à cette effusion,
Venez favorifer notre réunion.

Par les mêmes fermens Britannicus fe lie.

La coupe, dans fes mains, par Narcifle eft remplie,
Mais fes lévres à peine en ont touché les bords,
Le fer ne produit point de fi puiffans efforts,
Madame, la lumière à fes yeux eft ravie

Il tombe fur fon lit fans chaleur & fans vie.
Jugez combien ce coup frappe tous les efprits.
La moitié s'épouvante & fort avec des cris.
Mais ceux qui de la Cour ont un plus long usage,
Sur les yeux de Céfar compofent leur vifage.
Pour moi, dût l'Empereur punir ma hardieffe,
D'une odieufe Cour j'ai traverfé la presse;
Et j'allois áccablé de cet affaffinat,

Pleurer Britannicus, Céfar & tout l'Etat.

Racine, Britann. act. V. fc. V I.

VE

TRAITAN S.

EUX-tu voir tous les Grands à ta porte courir?
Dit un pere à fon fils dont le poil va fleurir;
Prens-moi le bon parti. Laisse-là tous les livres.
Cent francs au denier cinq combien font-ils? vingt livres.
C'eft bien dit. Va, tu fais tout ce qu'il faut favoir.
Que de biens,que d'honneurs fur toi s'en vont pleuvoir.
Exerce-toi, mon fils, dans ces hautes Siences;
Prends au lieu d'un Platon le Guidon des finances:
Sache quelle Province enrichit les Traitans:
Combien le fel au Roi peut fournir tous les ans.
Endurcis-toi le cœur, fois Arabe, Corfaire,
Injufte, violent, fans foi, double, fauslaire,

Ne va point fottement faire le généreux.
Engraiffe-toi, mon fils, du fuc des malheureux,
Et trompant de Colbert la prudence importune,
Va par tes cruautés mériter la fortune.
Auffi tôt tu verras Poëtes, Orateurs,

Rhéteurs, Grammairiens, Aftronomes, Do&teurs,
Dégrader les Héros pour te mettre en leurs places,
De tes titres pompeux enfler leurs Dédicaces,
Te prouver à toi-même en Grec, Hebreu, Latin,
Que tu fais de leur Art & le fort, & le fin.
Quiconque eft riche, eft tout; fans sagesse, il est sage,
11 a, fans rien favoir, la fience en partage.
Il a l'efprit, le cœur, le mérite, le rang >
La vertu, la valeur, la dignité, le fang,
Il eft aimé des Grands, il eft chéri des Belles:
Jamais Sur-intendant ne trouva de cruelles.
L'or même à la laideur donne un teint de beauté :
Mais tout devient affreux avec la pauvreté.
C'eft ainfi qu'à fon fils un ufurier habile
Trace vers la richeffe une route facile ;
Et fouvent tel y vient qui fait pour tout fecret.
Cinq & quatre font neuf; ôtez deux, reste sept.
Defpréaux, Satyre VIII.

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E

TRAITS REDOUTABLES.

NTREZ, Amours, votre Reine s'éveille.
NTREZ

Venez, mortels, admirer fes attraits.

Déja l'enfant qui près d'elle fommeille,
De fa toilette a rangé les apprets;

Mais gardez-vous d'approcher de trop près,
Car ce fripon, caché dans fa coëffure,
De tems en tems décoche certains traits,
Dont le trépas guérit feul la bleffure.

Rouffeau, Epigr.

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TRANQUILLITE'.

'HEUREUX eft le mortel, qui du monde ignoré,
Vit content de foi-même en un coin retiré !
Que l'amour de ce rien qu'on nomme Renommée,
N'a jamais enivré d'une vaine fumée.

Qui de fa liberté forme tout fon plaifir,
Et ne rend qu'à lui feul compte de fon loifir!
Il n'a point à fouffrir d'affronts ni d'injuftices
Et du peuple inconftant il brave les caprices.

Defpréaux, Epitre à M. de Lamoignon.

TRANQUILLITE

DES SERVITEURS DE DIEU.

CELUI qui mettra fa vie

Sous la garde du Très-Haut,

Repouffera de l'envie

Le plus dangereux affaut.
Il dira: Dieu redoutable,
C'est dans ta force indomptable,
Que mon efprit est remis:
Mes jours font ta propre caufe
Et c'eft toi feul que j'oppofe
A mes jaloux ennemis.

Pour moi dans ce feul afyle,
Par fes fecours tout-puiffans
Je brave l'orgueil ftérile A
"De mes rivaux frémiffans.
En vain leur fureur m'affiége
Sa juftice rompt le piége
De ces chaffeurs obftinés.
Elle confond leur adreffe,

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