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Et garantit ma foibleffe
De leurs dards empoisonnés.

Ainfi méprifant l'atteinte
De leurs traits les plus perçans;
Du froid poifon de la crainte
Tu verras tes jours exemts.
Soit que le jour fur la terre
Vienne éclairer de la guerre
Les implacables fureurs ;
Ou foit que la nuit obfcure
Répande dans la nature
Ses ténébreufes terreurs.

Mais que vois-je ? quels abîmes

S'entr'ouvrent autour de moi ?
Quel déluge de victimes

S'offre à mes yeux pleins d'effroi ?
Quelle épouvantable image
De morts, de fang, de carnage
Frappe mes regards tremblans?
Et quels glaives invisibles
Percent de coups fi terribles
Ces corps pâles & fanglans ?

Mon cœur, fois en afsurance,
Dieu fe fouvient de ta foi,,
Les fléaux de fa vengeance
N'approcheront point de toi
Le jufte eft invulnérable,
De fon bonheur immuable
Les Anges font les garans ;
Et toujours leurs mains propices
A travers les précipices
Conduifent fes pas errans

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Rouffean, Odes facr.

JOAD.

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VOILA donc quels vengeurs s'arment pour ta queielle,
Des Prêtres, des enfans ô Sageffe éternelle !
Mais fi tu les foutiens, qui peut les ébranler ?
Du tombeau quand tu veux tu fais nous rappeller.
Tu frappes & guéris. Tu perds & reffufcites.
Ils ne s'aflurent point en leurs propres mérites,
Mais en ton nom fur eux invoqué tant de fois,
En tes fermens jurés au plus faínt de leurs Rois,
En ce Temple où tu fais ta demeure facrée,
Et qui doit du foleil égaler la durée.

Racine, Athal, act. III. fc. VII.

TRANSPORTS FURIEUX.

ATHALI E.

DIEU des Juifs, tu l'emportes!

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David, David triomphe, Achab feul eft détruit.
Impitoyable Dieu, toi seul as tout conduit.
C'est toi qui me flattant d'une vengeance aifée,
M'as vingt fois en un jour à moi-même oppofée,
Tantôt pour un enfant excitant mes remords
Tantôt m'éblouiffant de tes riches tréfors,
Que j'ai craint de livrer aux flammes, au pillage.
Qu'il regne donc ce fils, ton foin & ton ouvrage ;
Et que pour fignaler fon Empire nouveau,
On lui faffe en mon fein enfoncer le couteau.
Voici ce qu'en mourant lui fouhaite fa mere."
Que dis-je fouhaiter je me flatte, j'efpere
Qu'indocile à ton joug, fatigué de ta loi,
Fidéle au fang d'Achab, qu'il a reçû de moi,
Conforme à fon ayeul, à fon pere femblable,
On verra de David l'héritier déteftable,

Abolir tes honneurs, profaner ton autel,
Et venger Athalie, Achab & Jéfabel.

Racine, Athal. act. V. fc. VI.

TRE' PA S.

AFFREUSE image du trépas,

Qu'un trifte honneur m'avoit fardée; Surprenantes horreurs, épouvantable idée, Qui tantôt ne m'ébranliez pas.

Que l'on vous conçoit mal, quand on vous envisage
Avec un peu d'éloignement !

Qu'on vous méprife alors, qu'on vous brave aifément!
Mais que la grandeur de courage
Devient d'un difficile ufage,
Lórfqu'on touche au dernier moment.
Corneille, Andromed. act. 111. sc. I.

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UN

TRE'S OR.

N homme n'ayant plus ni crédit, ni reffource,
Et logeant le Diable en fa bourfe,
C'eft-à dire, n'y logeant rien,
S'imagina qu'il feroit bien

De fe pendre, & finir lui-même fa mifére.
Puifqu'auffi-bien fans lui la faim le viendroit faire;
Genre de mort qui ne duit pas

A gens peu curieux de goûter le trépas.
Dans cette intention une vieille mafure
Fut la fcene où devoit fe paffer l'avanture:
Il y porte une corde; & veut avec un clou
Au haut d'un certain mur attacher le licou.
La muraille vieille & peu forte
S'ébranlé aux premiers coups, tombe avec un tréfor.
Notre

Notre défefpéré le ramaffe & l'emporte :
Laiffe là le licou, s'en retourne avec l'or,
Sans compter. Ronde ou non, la fomme plût au Sire.
Tandis que le galant à grands pas fe retire,
L'homme au tréfor arrive, & trouve fon argent
Abfent.

Quoi, dit-il, fans mourir je perdrai cette fomme ?
Je ne me pendrai pas ? & vraiment fi ferai,
On de corde je manquerai.

Le laq étoit tout prêt, il n'y manquoit qu'un homme:
Celui-ci fe l'attache, & fe pend bien & beau.
Ce qui le confola peut-être,

Fut qu'un autre eût pour lui fait les frais du cordeau.
Auffi-bien que l'argent le licou trouva maître.
L'avare rarement finit fes jours fans pleurs:
Il a le moins de part au tréfor qu'il enferre,
Théfaurifant pour les voleurs,

Pour fes parens ou pour la terre.

La Fontaine, Fables.

D

TRONE.

ASSUE'RUS à ASAP H.

Es embarras du Trône effet inévitable!
De foins tumultueux un Prince environné,
Vers de nouveaux objets eft fans ceffe entraîné.
L'avenir l'inquiéte, & le préfent le frappe.
Mais plus prompt que l'éclair le paffé nous échappe.
Et de tant de mortels à toute heure empreflés
A nous faire valoir leurs foins intérefiés,

Il ne s'en trouve point, qui touchés d'un vrai zéle.
Prennent à notre gloire un intérêt fidéle ;
Tome II,

Du mérite oublié nous faffent fouvenir;

Trop prompts à nous parler de ce qu'il faut punir.

Racine, Efth. act. 11. fc. 11.

L

TROQUEURS.

E changement de mets réjouit l'homme :
Quand je dis l'homme, entendez qu'en ceci
La femme doit être comprise auffi :

Et ne fais pas comme il ne vient de Rome
Permiffion de troquer en hymen,

Non fi fouvent qu'on en auroit envie,
Mais tout au moins une fois en fa vie.
Peut-être un jour nous l'obtiendrons. Amen.
Ainfi foit-il. Semblable Indult en France
Viendroit fort bien : j'en répons car nos gens
Sont grands Troqueurs. Dieu nous créa changeans,
La Fontaine, Contes.

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TROUBLE.

PHEDRE à ŒNONE.

O

U ma raison se va-t-elle égarer? Moi jaloufe! & Thesée eft celui que j'implore! Mon époux eft vivant, & moi je brule encore ! Pour qui? quel eft le cœur où prétendent mes vœux? Chaque mot fur mon front fait dreffer mes cheveux. Mes crimes déformais ont comblé la mefure, Je refpire à la fois l'incefte & l'impofture. Mes homicides mains, promptes à me venger, Dans le fang innocent brulent de fe plonger. Miférable! & je vis? & je foutiens la vûe

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