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De ce facré foleil dont je fuis defcendue?
J'ai pour ayeul le pere & le maître des Dieux.
Le ciel, tout l'univers eft plein de mes ayeux.
Où me cacher fuyons dans la nuit infernale.
Mais, que dis-je, mon pere y tient l'urne fatale.
Le fort, dit-on, l'a mife en fes févéres mains.
Minos juge aux enfers tous les pâles humains.
Ah! combien frémira fon ombre épouvantée,
Lorfqu'il verra fa fille à fes yeux préfentée,
Contrainte d'avouer tant de forfaits divers
Et des crimes, peut-être inconnus aux enfers.
Que diras-tu, mon pere, à ce fpectacle horrible?
Je crois voir de ta main tomber l'urne terrible,
Je crois te voir, cherchant un fupplice nouveau,
Toi-même de ton fang devenir le bourreau.
Pardonne. Un Dieu cruel a perdu ta famille.
Reconnois fa vengeance aux fureurs de ta fille.
Hélas! du crime affreux dont la honte me fuit,
Jamais mon trifte cœur n'a recueilli le fruit.

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Racine, Phédr. act. I V. fc. V. I.

TYRAN.

BURRHUS à AGRIPPINE.

POUR

OUR moi j'ai vécu trop d'un jour, Plût au ciel, que fa main heureusement cruelle, Eût fait fur moi l'effai de fa fureur nouvelle ! Qu'il ne m'eût pas donné par ce trifte attentat, Un gage trop certain des malheurs de l'Etat! Son crime feul n'eft pas ce qui me défefpere, Sa jaloufie a pû l'armer contre fon frere. Mais s'il vous faut, Madame, expliquer ma douleur, Neron l'a vû mourir fans changer de couleur.

* Néron.

Ses yeux indifférens ont déja la conftance

D'un tyran dans le crime endurci dès l'enfance.

Racine, Britann. act. v. fc. VII.

CINNA à MAXIME.

OCTAVE, aura donc vû fes fureurs affouvies,
Pillé jufqu'aux autels, facrifié nos vies,

Rempli les champs d'horreurs, comblé Rome de morts,
Et fera quitte après pour l'effet d'un remords!
Quand le ciel par nos mains à le punir s'apprête
Un lâche repentir garantira fa tête !

C'eft trop femer d'appas, & c'eft trop inviter
Par fon impunité quelque autre à l'imiter.
Vengeons nos citoyens, & que fa peine étonne
Quiconque après fa mort aspire à la Couronné,
Que le peuple aux tyrans ne foit plus expofé;
S'il eût puni Sylla, Cefar eût moins ofé.

Corneille, Cinna, act. I 1. fc. I.

炒菜

ELECTRE à CLYTEMNESTRE.

QUI brave les remords, peut-il craindre mes larmes !
Contre un tyran fi fier, jufte ciel, quelles armes !
Ah! Madame, eft-ce à vous d'irriter mes ennuis?
Moi fan efclave! hélas ! d'où vient que je le fuis?
Moi l'esclave d'Egifte? ah, fille infortunée!
Qui m'a fait fon efclave? & de qui Yuis-je née ?
Etoit-ce donc à vous à me le reprocher ?
Ma mere, fi ce nom peut encor vous toucher,
S'il eft vrai qu'en ces lieux ma honte foit jurée,
Ayez pitié des maux où vous m'avez livrée.
Précipitez mes pas dans la nuit du tombeau :
Mais ne m'uniffez pas au fils de mon bourreau;
Au fils de l'inhumain qui me priva d'un pere,
Qui le pourfuit fur moi, fur mon malheureux frere;

Et de ma main encore il ofe difpofer!
Cet hymen fans horreur fe peut-il propofer?
Vous m'aimâtes, pourquoi ne vous fuis-je plus chére?
Ah! je ne vous hais point, & malgré ma mifére,
Malgré les pleurs amers dont j'arrofe ces lieux,
Ce n'eft que du tyran dons je me plains aux Dieux.
Pour me faire oublier qu'on m'a ravi mon pere,
Faites-moi fouvenir que vous êtes ma mere.

Crébillon, Electr. act. 1. fc. V.

V

TYRAN HUMILIE'.

HONORIC à ATTILA.

*

A j'ai de quoi le mettre au deffus de ta tête, Si-tôt que de ma main j'aurai fait fa conquête. Tu n'as pour tout pouvoir que des droits ufurpés Sur des peuples furpris & des Princes trompés, Tu n'as d'autorité que ce qu'en font les crimes; Mais il n'aura de moi que des droits légitimes Et fût-il fous ta rage à tes pieds abattu, 11 eft plus grand que toi, s'il a plus de vertu. Corneille, Attil. act. III. fc. IV.

TYRAN PUNI.

PHOCAS.

J'A

'AI craint un ennemi, mon bonheur me le livre, Je fais que de mes mains il ne fe peut fauver, Je fais que je le vois, & ne puis le trouver.

* Valamir, Roi des Oftrogots.

La nature tremblante, incertaine, étonnée,
D'un nuage confus couvre fa destinée,
L'affaffin fous cette ombre échappe à ma rigueur,
Et préfent à mes yeux il fe cache en mon cœur.
Martian. A ce nom aucun ne veut répondre,
Et l'amour paternel ne fert qu'à me confondre,
Trop d'un Heraclius en mes mains eft remis,
Je tiens mon ennemi, mais je n'ai plus de fils.
Que veux-tu donc, nature, & que prétens-tu faire?
Si je n'ai plus de fils, puis-je encore être pere?
De quoi parle à mon cœur ton murmure imparfait ?
Ne me dis rien du tout, ou parle tout-à-fait,
Qui que ce foit des deux que mon fang ait fait naître,
Ou laiffe-moi le perdre, ou fais-le moi connoître.
O toi, qui que tu fois, enfant dénaturé,
Et trop digne du fort que tu t'es procuré,
Mon trône eft-il pour toi plus honteux qu'un fupplice
O malheureux Phocas! ô trop heureux Maurice!
Tu recouvres deux fils pour mourir après toi,
Et je n'en puis trouver pour régner après moi.
Qu'aux honneurs de ta mort je dois porter envie,
Puifque mon propre fils les préfére à fa vie.

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Corneille, Heracl. act. I v. fc. I V.a.

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D

VAINQUEUR.

EUX coqs vivoient en paix, une poule furvint,
Et voilà la guerre allumée.

Amour tu perdis Troye ; & c'eft de toi que vint
Cette querelle envenimée,

Où du fang des Dieux même on vit le Xanthe teint.
Long-tems entre nos coqs le combat se maintint.
Le bruit s'en répandit par-tout le voisinage.
La gent qui porte crête au fpectacle accourut.
Plus d'une Helene au beau plumage
Fut le prix du vainqueur : le vaincu difparut:
Il alla fe cacher au fond de fa retraite.

Pleura fa gloire & fes amours

Ses amours qu'un rival tout fier de fa défaite
Poffédoit à fes yeux. Il voyoit tous les jours
Cet objet rallumer fa haine & fon courage.
11 aiguifoit fon bec, battoit l'air & fes flancs ;
Et s'exerçant contre les vents,
S'armoit d'une jaloufe rage.

Il n'en eût pas befoin. Son vainqueur fur les toits
S'alla percher & chanter fa victoire.
Un vautour entendit fa voix :
Adieu les amours & la gloire.

Tout cet orgueil périt fous l'ongle du vautour.
Enfin par un fatal retour,

Son rival autour de la poule
S'en revint faire le coquet:
Je laifle à penser quel caquet,

Car il eut des femmes en foule.

La fortune fe plaît à faire de ces coups:
Tout vainqueur infolent à fa perte travaille.
Défions-nous du fort, & prenons garde à nous,
Après le gain d'une bataille.

La Fontaine, Fables.

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