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HE'LE'NUS à ERICI E.

LES plus fiers ne font pas ici les moins foumis.
Les cœurs nourris de fang & de projets terribles,
N'ont pas toujours été les cœurs les moins fenfibles.
Le mien éprouve enfin que les plus grands hafards
Ne fe trouvent pas tous fur les traces de Mars.
Dès mes plus jeunes ans entraîné par la gloire,
Je n'ai connu d'autels que ceux de la victoire :
Mais vous m'avez appris qu'il n'étoit point de cœur,
Qui ne dût à la fin redouter un vainqueur

Crébillon, Pyrrh. act. 1. fc. v.

LA

VALEU R.

BE'LUS à AGE'NOR.

A valeur ne fait pas les Princes & les Rois : Ils font enfans des Dieux, du deftin & des loix. La valeur quels que foient fes droits & fes maximes," Fait plus d'ufurpateurs que de Rois légitimes. Si la valeur, plutôt que la fplendeur du fang, Au deffus des humains pouvoit nous faire un rang, Il n'eft point de foldat qu'un peu de gloire infpire, Qui ne pût à fon tour aspirer à l'Empire.

AGE NO R.

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Un guerrier généreux que la vertu couronne
Vaut bien un Roi formé par le fecours des loix.
Le premier qui le fût, n'eût pour lui que fa voix.
Quiconque eft élevé par un fi beau fuffrage,
Ne croit pas du deftin deshonorer l'ouvrage.

Crébillon, Sémiram. act. 11. fc. 111.

SE Cr

VANITE'.

E croire un perfonnage eft fort commun en France:
On y fait l'homme d'importance,

Et l'on n'eft fouvent qu'un Bourgeois:
C'eft proprement le mal François.

La fotte vanité nous eft particuliére.

Les Espagnols font vains, mais d'une autre maniére :
Leur orgueil me femble, en un mot,
Beaucoup plus fou, mais pas fi fot.
La Fontaine, Fable du rat, & l'éléphant.

AVEC

VENGEANCE.

ATRE'E à EURISTHENE.

VEC l'éclat du jour je vois enfin renaître
L'efpoir & la douceur de me venger d'un traître.

Les vents, qu'un Dieu contraire enchaînoit loin de nous,
Semblent avec les flots exciter mon courroux.
Le calme fi long-tems fatal à ma vengeance,
Avec mes ennemis n'eft plus d'intelligence.
Enfin, ce jour heureux, ce jour tant fouhaité,
Ranime dans mon cœur l'efpoir & la fierté.
Que je l'épargne, moi ! laffé de le poursuivre,
Pour me venger de lui que je laiffe vivre!
Ah! quels que foient les maux que Thyefte ait foufferts,
Il n'aura contre moi d'afyle qu'aux enfers:
Mon implacable cœur l'y pourfuivroit encor,
S'il pouvoit s'y venger d'un traître que j'abhorre.
Après l'indigne affront que m'a fait fon amour,
Je ferai fans honneur tant qu'il verra le jour.
Un ennemi qui peut pardonner une offenfe,
Ou manque de courage, ou manque de puiffance.
Rien ne peut arrêter mes transports furieux.
Je voudrois me venger, fût-ce même des Dieux.

Du plus puiffant de tous j'ai reçû la naifiance:
Je le fens au plaifir que me fait la vengeance.
Enfin mon cœur fe plaît dans cette inimitié,
Et s'il a des vertus, ce n'eft pas la pitié.
Ne m'oppofe donc plus un fang que je détefte.
Ma raifon m'abandonne au feul nom de Thyefte:
Inftruit par fes fureurs à ne rien ménager,
Dans les flots de fon fang je voudrois le plonger.
Crébillon, Atrée, act. I. fc. I I.

ATRE' E feul.

QUE je fuis fatisfait! que de pleurs vont couler
Pour ce fils qu'à ma rage on eft prêt d'immoler!
Quel que foit en ces lieux fon fupplice barbare,
C'eft le moindre tourment qu'à Thyefte il prépare.
Ce fils infortuné, cet objet de fes vœux,
Va devenir pour lui l'objet le plus affreux.
Je ne te l'ai rendu que pour te le reprendre,
Et ne te le ravis que pour mieux te le rendre.
Oui, je voudrois pouvoir, au gré de ma fureur,
Le porter tout fanglant jufqu'au fond de ton cœur.
Quel qu'en foit le forfait, un deffein fi funefte,
S'il n'eft digne d'Atrée, eft digne de Thyeste.
De fon fils tout fanglant, de fon malheureux fils,
Je veux que dans fon fein il entende les cris.
C'eft en toi même, ingrat, qu'il faut que ma victime,
Ce fruit de tes amours, aille expier ton crime.
Je friffonne, & je fens mon ame fe troubler.
C'eft à mon ennemi qu'il convient de trembler.
Qui céde à la pitié mérite qu'on l'offense:
Il faut un terme au crime, & non à la vengeance.
Tout eft prêt, & déja dans mon cœur furieux,
Je goûte le plaifir le plus parfait des Dieux :
Je vais être vengé. Thyefte, quelle joie !
Je vais jouir des maux où tu vas être en proie.
* Plifthene, fils de Thyefte.

Ce n'eft de fes forfaits fe venger qu'à demi,
Que d'accabler de loin un perfide ennemi:
Il faut pour bien jouir de fon fort déplorable,
Le voir dans le moment qu'il devient miférable;
De fes premiers tranfports irriter la douleur,
Et lui faire à longs traits fentir tout fon malheur.
Crébillon, Atrée, act. V. fc. IV.

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L'ARDEUR de le venger dans mon ame allumée,
En attendant Céfar demande Ptolomée.

Tout indigne qu'il eft de vivre & de régner,
Je fais bien que Céfar fe force à l'épargner;
Mais quoique fon amour ait ofé vous promettre,
Le ciel plus jufte enfin n'ofera le permettre;
Et s'il peut une fois écouter tous mes vœux,
Par la main l'un de l'autre ils périront tous deux,
Mon ame a ce bonheur, fi le ciel me l'envoie
Oubliera fes douleurs pour s'unir à la joie ;
Mais fi ce grand fouhait demande trop pour moi,
Si vous n'en perdez qu'un : ô ciel, perdez le Roi.
Corneille, Mort de Pompée, act. V. fc. II.

CLEOPATRE feule.

ENFIN, graces aux Dieux, j'ai moins d'un ennemi,
La mort de Seleucus m'a vengée à demi,

Son ombre, en attendant Rodogune & fon frere,
Peut déja de ma part les promettre à fon pere,
Ils le fuivront de prês, & j'ai tout préparé
Pour réunir bien-tôt ce que j'ai séparé.
O toi, qui n'attens plus que la cérémonie,
Pour jetter à mes pieds ma rivale punie;

Et par qui deux Amans vont d'un feul coup du fort,
Recevoir l'Hyménée & le Trône, & la Mort,

* Pompée.

Poifon, me fauras-tu rendre mon diadême ?
Le fer m'a bien fervi, en feras-tu de même ?
Me feras-tu fidéle ? & toi, que me veux-tu,
Ridicule retour d'une fotte vertu ?

Qui fe venge à demi court lui-même à fa peine,
Il faut ou condamner, ou couronner fa haine.
Dût le peuple en fureur pour fes maîtres nouveaux,
De mon fang odieux arrofer leurs tombeaux,
Dût le Parthe vengeur me trouver fans défense,
Dût le ciel égaler le fupplice à l'offenfe.
Trône, à t'abandonner je ne puis confentir.
Par un coup de tonnerre il vaut mieux en fortir,
Il vaut mieux mériter le fort le plus étrange:
Tombe fur moi le ciel, pourvû que je me venge.
Corneille, Rodog, act. V. fc. I.

LE

VERITABLE ESPRIT.

E veritable efprit fait fe plier à tout;

On ne vit qu'à demi quand on n'a qu'un feul goût. Je plains tout efprit foible, aveugle en fa manie, Qui dans un feul objet confina fon génie ;

Et qui de fon idole adorateur charmé

Veut immoler le refte au Dieu qu'il s'eft formé.
Voltaire, Epître à ûn Ministre d'Etat.

V

VE' RITE'.

AINEMENT l'art obfcur

Sur ta vertu jette fon voile impur:
La vérité tôt ou tard fe releve,
Le rayon perce & le nuage creve.

Rouleau, Epitre aux Muses.

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