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Mon* Roi, que vous rendez le plus puiflant des Rois,
En goûte moins le fruit de fes propres exploits,
Du même œil dont il voit fes plus nobles conquêtes
Il voit ce qu'il leur faut facrifier de têtes ;
De ce glorieux Trône où brille fa vertu,
Il tend fa main augufte à fon peuple abattu;
Et comme à tout moment la commune mifere
Rappelle en fon grand cœur les tendreffes de pere,
Ce cœur fe laiffe vaincre aux vœux que j'ai formés,
Pour faire refpirer ce que vous opprimez.

Corneille, Prologue de la Toifon d'or.

VICTOIRES DE LOUIS XIV.

MAGNA

AGNANIMES guerriers, dont les hautes mer-
veilles,

Lafferoient tout l'effort des plus favantes veilles,
Bien que votre valeur étonne l'univers,

Qu'elle mette vos noms au deffus de mes vers,
Vos miracles pourtant ne font point des miracles,
L'exemple de LOUIS vous leve tous obftacles:
Marchez deffus fes pas, fixez fur lui vos yeux,
Vous n'avez qu'à le voir, qu'à le fuivre en tous lieux,
Qu'à laiffer faire en'vous l'ardeur qu'il vous infpire,
Pour vous faire admirer plus qu'on ne vous admire.
Cette ardeur qui des chefs paffe aux moindres foldats,
Anime tous les cœurs, fait agir tous les bras;

Tout eft beau, tout eft doux, fous de fi grands aufpices
La peine a fes plaifirs, la mort a fes délices;
Et de tant de travaux qu'il aime à partager,
On n'en voit que la gloire, & non pas le danger.
11 n'eft pas de ces Rois qui loin du bruit des armes,
Sous des lambris dorés donnent ordre aux allarmes ;
Et traçant en repos d'ambitieux projets,
Prodiguent à couvert le fang de leurs fujets.

* Louis XIV.

Il veut de fa main propre enfler fa renommée,
Voir de fes propres yeux l'état de fon armée,
Se fait à tout fon camp reconnoître à la voix,
Vifite la tranchée, y fait fuivre fes loix :
S'il faut des affiégés repouffer les forties,
S'il faut livrer aflaut aux places investies,
Il montre à voir la mort, à la braver de près,
A méprifer par tout la grêle des moufquets;
Et lui-même effuyant leur plus noire tempête,
Par fes propres périls achette fa conquête.

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Tel le grand Saint LOUIS, la tige des Bourbons,
Lui-même du Soudan forçoit les bataillons,
Tel fon ayeul Philippe acquit le nom d'Augufte,
Dans les fameux hafards d'une guerre auffi jufte,
Avec le même front, avec la même ardeur,
Il terraffa d'Othon la fuperbe grandeur,
Couvrit devant fes yeux la Flandre de ruines,
Et du fang Allemand fit ruiffeler Bovines.
Tel enfin, grand Monarque, aux campagnes d'Ivry,
Tel en mille autres lieux l'invincible HENRI,
De la Ligue obftinée enfonçant les cohortes
Te conquit de fa main le fceptre que tu portes.
Vous fes premiers fujets qu'attache à fon côté
La fplendeur de la race ou de la dignité,
Vous dignes Commandans, & vous mains aguerries,
Troupes aux champs de Mars dès le berceau nourries,
Dites-moi de quels yeux vous vîtes ce grand Roi,
Après avoir rangé tant de murs fous fa loi,
Defcendre parmi vous de fon char de victoire,
Pour vous donner à tous votre part à fa gloire.
De quels yeux vîtes-vous fon augufte fierté,
Unir tant de tendreffe à tant de majefté,
Honorer la valeur, eftimer le fervice,
Aux belles actions rendre prompte juftice,
Secourir les blefés, confoler les mourans,

Et pour vous applaudir pafler dans tous vos rangs.

Corneille, Euvr. diverf.

VICTOIRE

CE

VICTOIRE DE LOUIS XV.

ENT tonnerres de bronze ont donné le fignal. D'un pas ferme & preffé, d'un front toujours égal, S'avance vers nos rangs la profonde colonne, Que la terreur devance & la flamme environne, Comme un nuage épais, qui fur l'aîle des vents, Porte l'éclair, la foudre, & la mort dans fes flancs. Dans un ordre effrayant trois attaques formées, Sur trois terrains divers engagent les armées. Le François dont Maurice a gouverné l'ardeur, A fon pofte attaché, joint l'art à la valeur. La mort fur les deux camps étend fa main cruelle. Tous fes traits font lancés, le fang coule autour d'elle. Que nos lauriers fanglans doivent coûter de pleurs ! Ils tombent ces Héros, ils tombent ces vengeurs, Ils meurent, & nos jours font heureux & tranquilles, La molle volupté, le luxe de nos Villes Filent ces jours ferains, ces jours que nous devons Au fang de nos guerriers, aux périls des Bourbons.

2

Le feu qui fe déploie, & qui dans fon paffage,
S'anime en dévorant l'aliment de fa rage,
Les torrens débordés dans l'horreur des hyvers,
Le flux impétueux des menaçantes mers,
Ont un cours moins rapide, ont moins de violence.
Que l'épais bataillon qui contre nous s'avance
Qui triomphe en marchant, qui le fer à la main,
A travers les mourans s'ouvre un large chemin.
Rien ne peut l'arrêter; Mars pour lui fe déclare.
Le Roi voit le malheur, le brave & le répare.

Son

Que les François font grands quand leurMaître les guide!
A la voix de LOUIS, courez, troupe intrépide.
Ils l'aiment, ils vaincront, leur pere eft avec eux;
courage n'eft point cet instinct furieux,
Ce courroux emporté, cette valeur commune ;
Maître de fon efprit, il l'eft de fa fortune,
Tome 11.

R

Rien ne trouble fes fens, rien n'éblouit fes yeux.
Il marche, il eft femblable à ce Maître des Dieux,
Qui frappant les Titans, & tonnant fur leurs têtes,
D'un front majeftueux dirigeoit les tempêtes;
Il marche, & fous fes coups la terre au loin mugit,
L'Efcaut fuit, la mer gronde, & le ciel s'obfcurcit.
Sur un nuage épais, que des antres de l'Ourse,

Les vents affreux du Nord apportent dans leur course,
Les vainqueurs de Valois defcendent en courroux
Cumberland, difent-ils, nous n'efpérons qu'en vous;
Courage, raffemblez vos légions altiéres,
Bataves, revenez, défendez vos barriéres ;

Anglois, vous que la paix fembloit feule allarmer,
Vengez-vous d'un Héros qui daigne encor l'aimer;
Ainfi que fes bienfaits, craindrez-vous fa vaillance ?
Mais ils parlent en vain lorfque LOUIS s'avance
Leur génie eft dompté, l'Anglois eft abattu,
Et la férocité le cede à la vertu,

Voltaire, Poëme de Fontenoy.

VIE.

SI du Dieu qui nous fit, l'éternelle Puiffance

Eût à deux jours au plus borné notre existence,
Il nous auroit fait grace, il faudroit confumer
Ces deux jours de la vie à lui plaire, à l'aimer.
Le tems eft affez long pour quiconque en profite;
Qui travaille & qui penfe en étend la limite.
On peut vivre beaucoup fans végéter long-tems,

TA

Voltaire, Difc. V 1. de la nature de l'homme.

VIE TRANQUILLE.

ANTÔT, un livre en main errant dans les prairies, J'occupe ma raifon d'utiles rêveries,

Tantôt, cherchant la fin d'un vers que je conftrui,
Je trouve au coin d'un bois le mot qui m'avoit fui.
Quelquefois à l'appât d'un hameçon perfide,
J'amorce, en badinant, le poiffon trop avide.
Ou d'un plomb qui fuit l'œil, & part avec l'éclair,
Je vais faire la guerre aux habitans de l'air,
Une table, au retour, propre & non magnifique,
Nous préfente un repas agréable & ruftique.
O fortuné féjour! ô champs aimés des cieux à
Que pour jamais foulant vos prés délicieux,
Ne puis-je ici fixer ma courfe vagabonde,
Et connu de vous feuls oublier tout le monde.

Defpréaux, Epître à M. de Lamoignon.

O RIVAGES chéris! vallons aimés des cieux,
D'où jamais n'approcha la trifteffe importune,
Et dont le poffeffeur tranquille & glorieux
Ne rougit point de fa fortune.

Trop heureux qui du champ par fes
peres laiffe
Peut parcourir au loin les limites antiques;
Sans redouter les cris de l'orphelin chassé

Du fein de fes Dieux domestiques.

Sous des lambris dorés l'injufte raviffeur
Entretient le vautour dont il eft la victime.
Combien peu de mortels connoiffent la douceur
D'un bonheur pur & légitime.

Jouiffez en repos de ce bien fortuné.

ey

Le calme & l'innocence y tiennent leur empire:
Et des foucis affreux le fouffle empoisonné
N'y corrompt point l'air qu'on refpire.

Pan, Diane, Apollon, les Faunes, les Sylvains
Peuplent ici vos bois, vos vergers, vos montagnes,,

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