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Egifte a-t-il détruit l'objet de fa terreur ?
Es-tu vivant encore? as tu fuivi ton pere?

Je pleure Agamemnon, je tremble pour un frere. Mes mains portent des fers, & mes yeux pleins de pleurs, N'ont vû que des forfaits & des perfécuteurs.

Voltaire, Oreft. act. 1. sc. 11,

MEURTRE DU DUC DE GUISE.

HENRI IV. à la Reine Elifabeth.

GUISE,

tranquille & fier au milieu de* l'orage; Précipitoit du peuple ou retenoit la rage, De la fédition gouvernoit les refforts, Et faifoit à fon gré mouvoir ce vafte corps. Tout le peuple au Palais couroit avec furie; Si Guife eût dit un mot, Valois étoit fans vie : Mais lorsque d'un coup d'œil il pouvoit l'accabler Il parut fatisfait de l'avoir fait trembler; Et de mutins lui-même arrêtant la pourfuite, Lui laiffa par pitié le pouvoir de la fuite. Enfin Guise attenta, quelque fût fon projet, Trop peu pour un tyran, mais trop pour un fujet. Quiconque a pû forcer fon Monarque à le craindre, A tout à redouter, s'il ne veut tout enfreindre. Guife en fes grands deffeins, dès ce jour affermia Vit qu'il n'étoit plus tems d'offenfer à demi; Et qu'élevé fi haut, mais fur un précipice, S'il ne montoit au trône il marchoit au fupplice, Enfin maître abfolu d'un peuple révolté, Le cœur plein d'efpérance & de témérité, Appuyé des Romains, fecouru des Iberes, Adoré des François, secondé de fes freres,

*La journée des Barricades.

Ce fujet orgueilleux crut ramener ces tems,
Où de nos premiers Rois les lâches defcendans,
Déchus prefque en naiffant de leur pouvoir suprême
Sous un froc odieux cachoient leur diadême;
Et dans l'ombre d'un cloître en fecret gémissans
Abandonnoient l'Empire aux mains de leurs tyrans.
Au milieu des Etats, Guife avec arrogance,
De fon Prince offenfé vint braver la préfence
S'affit auprès du Trône, & sûr de fes projets
Crut dans ces Députés voir autant de fujets.
Déja leur troupe indigne, à fon tyran vendue,
Alloit mettre en fes mains la puiffance abfolue;
Lorfque las de le craindre & las de l'épargner,
Valois voulut enfin se venger & régner.

Son rival chaque jour foigneux de lui déplaire,
Dédaigneux ennemi, méprifoit fa colére;
Ne foupçonnant pas même en ce Prince irrité,
Pour un affaffinat affez de fermeté.

Son deftin l'aveugloit; fon heure étoit venue.
Le Roi le fit lui-même immoler à fa vûe ;
De cent coups de poignard indignement percé,
Son orgueil en mourant ne fut point abaiffé;
Et ce front que Valois craignoit encor peut-être,
Tout pâle & tout fanglant fembloit braver fon Maître.
C'eft ainfi que mourut ce fujet tout-puiffant,
De vices, de vertus, affemblage éclatant;
Le Roi dont il ravit l'autorité fuprême
Le fouffrit lâchement & s'en vengea de même.
Bien-tôt ce bruit affreux fe répand dans Paris;
Le peuple épouvanté remplit l'air de fes cris;
Les vieillards défolés, les femmes éperdues,
Vont du malheureux Guife embraffer les ftatues.
Tout Paris croit avoir en ce preffant danger,
L'Eglife à foutenir & fon Pere à venger.

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Voltaire, Henri. ch. III.

MEURTRE DE HENRI III.

CLEMENT

LE'MENT au Camp Royal a marché fans effroi, Il arrive, il demande à parler à fon Roi ;

Il dit que dans ces lieux, amené par Dieu même,
Il y vient rétablir les droits du diadėme,
Et révéler au Roi des fecrets importans.

On l'interroge, on doute, on l'obferve long-tems;
On craint fous cet habit un funefte mystére.
Il fubit fans allarme un examen févére,
11 fatisfait à tout avec fimplicité.

Chacun dans fes difcours croit voir la vérité.
La Garde aux yeux du Roi le fait enfin paroître.
L'afpe&t du Souverain n'étonna point ce traître.
D'un air humble & tranquille il fléchit les genoux:
Il obferve à loifir la place de fes coups;
Et le menfonge adroit qui conduifoit fa langue,
Lui dicta cependant fa perfide harangue.

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Souffrez, dit-il, grand Roi, que ma timide voix
S'adreffe au Dieu puiffant qui fait régner les Rois ;
Permettez avant tout que mon cœur le béniffe,
Des biens que va fur vous répandre fa juftice.
Le vertueux Potier, le prudent Villeroi
Parmi vos ennemis vous ont gardé leur foi.
Harlay, le grand Harlay, dont l'intrépide zéle
Fut toujours formidable à ce peuple infidéle
Du fond de fa prifon réunit tous les cœurs,
Raffemble vos fujets, & confond les Ligueurs.
Dieu qui bravant toujours les puiffans & les fages,
Par la main la plus foible accomplit fes ouvrages,
Devant le grand Harlay lui-même m'a conduit,
Rempli de fa lumiére & par fa bouche inftruit,
J'ai volé vers mon Prince & vous rends cette Lettre,
Qu'à mes fidéles mains Harlay vient de remettre.

Valois reçoit la Lettre avec empreffement.
Il béniffoit les cieux d'un fi doux changement.
Quand pourrai-je, dit il, au gré de ma justice,
Récompenfer ton zéle & payer ton service?
En lui difant ces mots, il lui tendoit les bras;
Le monftre au même inftant tire fon coutelas,
L'en frappe, & dans le flanc l'enfonce avec furie.
Le fang coule, on s'étonne, on s'avance, on s'écrie;
Mille bras font levés pour punir l'affaffin:
Lui, fans baiffer les yeux les voit avec dédain :
Fier de fon parricide & quitte envers la France,
Il attend à genoux la mort pour récompenfe :.
De la France & de Rome il croit être l'appui,
Il penfe voir les cieux qui s'entr'ouvrent pour lui;
Et demandant à Dieu la palme du martyre,
Il bénit en tombant les coups dont il expire.
Aveuglement terrible, affreuse illufion!
Digne à la fois d'horreur & de compaffion;
Et de la mort du Roi, moins coupable peut-être,
Que ces lâches Docteurs, ennemis de leur Maître ;
Dont la voix répandant un funefte poison,
D'un foible folitaire égara la raison.

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Déja Valois touchoit à fon heure derniére,
Ses yeux ne voyoient plus qu'un refte de lumière;
Ses Courtifans en pleurs autour de lui rangés,
Par leurs deffeins divers en fecret partagés
D'une commune voix formant les mêmes plaintes,
Exprimoient des douleurs, ou fincéres, où feintes.
Quelques-uns que flattoit l'espoir du changement
Du danger de leur Roi s'affligeoient foiblement;
Les autres, qu'occupoit leur crainte intéreffée;
Pleuroient, au lieu du Roi, leur fortune paffée.
Parmi ce bruit confus de plaintes, de clameurs,
Henri vous répandiez de véritables pleurs.
Il fut votre ennemi ; mais les cœurs nés fenfibles
Sónt aifément émus dans ces momens horribles.
Henri ne fe fouvint que de fon amitié.

En

En vain fon intérêt combattoit fa pitié :
Ce Héros vertueux fe cachoit à lui-même,
Que la mort de fon Roi lui donne un diadême.
Valois tourna fur lui par un dernier effort,
Ses yeux appéfantis qu'alloit fermer la mort ;
Et touchant de fa main fes mains victorieuses;
Retenez, lui dit-il, vos larmes généreuses ;
L'univers indigné doit plaindre votre Roi.
Vous, Bourbon, combattez, régnez & vengez-moi.
Je meurs,
& je vous laiffe au milieu des orages,
Affis fur un écueil couvert de mes naufrages;
Mon trône vous attend, mon trône vous eft dû,
Jouillez de ce bien par vos mains défendu ;

Mais fongez que la foudre, en tout tems l'environne,
Craignez en y montant ce Dieu qui vous le donne,
Puiffiez-vous détrompé d'un dogme criminel,
Rétablir de vos mains fon culte & fon autel.
Adieu: régnez heureux, qu'un plus puiffant génie,
Du fer des affaffins défende votre vie.

Vous connoiffez la Ligue & vous voyez fes coups;
Ils ont paffé par moi pour aller jufqu'à vous';
Peut-être un jour viendra qu'une main plus barbare....
Jufte ciel épargnez une vertu fi rare:

Permettez !. A ces mots l'impitoyable mort
Vient fondre fur fa tête & termine fon fort.

Voltaire, Henri. ch. V.

BENJA

MIRACLES.

ABNER.

ENJAMIN eft fans force & Juda fans vertu. Le jour qui de leurs Rois vit éteindre la race Eteignit tout le feu de leur antique audace. Dieu même, difent-ils, s'eft retiré de nous Tome II,

C.

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