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De l'honneur des Hébreux autrefois si jaloux,
Il voit fans intérêt leur grandeur terraífée,
Et fa miféricorde à la fin s'eft laflée.

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On ne voit plus pour nous fes redoutables mains De merveilles fans nombre effrayer les humains. L'Arche fainte eft muette & ne rend plus d'oracles,

JO A D.

Et quel tems fut jamais fi fertile en miracles?
Quand Dieu, par plus d'effets, montra-t-il fon pouvoir ?
Auras-tu donc toujours des yeux pour ne point voir,
Peuple ingrat! quoi toujours les plus grandes merveilles,
Sans ébranler ton cœur frapperont tes oreilles ?
Faut-il, Abner, faut-il vous rappeller le cours
Des prodiges fameux accomplis en nos jours ?
Des tyrans d'Ifrael les célébres difgraces,
Et Dieu trouvé fidéle en toutes fes menaces ;
L'impie Achab détruit, & de fon fang trempé,
Le champ que par le meurtre il avoit ufurpé;
Près de ce champ fatal Jézabel immolée,

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Sous les pieds des chevaux cette Reine foulée;
Dans fon fang inhumain les chiens défaltérés ;
Et de fon corps hideux les membres déchirés ;
Des Prophétes menteurs la troupe confondue,
Et la flamme du ciel fur l'autel defcendue;
Elie aux élémens parlant en Souverain
Les cieux par lui fermés & devenus d'airain,
Et la terre trois ans fans pluie & fans rofée ;
Les morts fe ranimans à la voix d'Elifée ;'
Reconnoiffez, Abner, à ses traits éclatans,
Un Dieu, tel aujourd'hui qu'il fût dans tous les tems.
11 fait quand il lui plaît faire éclater fa gloire,
Et fon peuple eft toujours préfent à fa mémoire.

Racine, Athal. act. 1. fc. I.

LE

MIRACLES DE L'AMOUR.

E jeune Amour, bien qu'il ait la façon
D'un Dieu qui n'eft encor qu'à fa leçon,
Fut de tout tems grand faifeur de miracles:
En gens coquets il change les Catons;
Par lui les fots deviennent des oracles;
Par lui les loups deviennent des moutons.
Il fait fi bien que l'on n'eft plus le même,
Témoin Hercule, & témoin Polypheme
Mangeur de gens. L'un fur un roc affis
Chantoit aux vents fes amoureux foucis ;
Et pour charmer fa Nymphe joliette,
Tailloit fa barbe, & fe miroit dans l'eau.
L'autre changea fa maflue en fufeau
Pour le plaifir d'une jeune fillette.

J'en dirois cent. Bocace en rapporte un,
Dont j'ai trouvé l'exemple peu 'commun.
C'eft de Chimon, jeune homme tout fauvage,
Bien fait de corps; mais ours quand à l'efprit.
Amour le léche, & tant qu'il le polit.
Chimon devint un galant perfonnage.
Qui fit cela deux beaux yeux feulement.
Pour les avoir apperçus un moment,
Encore à peine, & voilés par le fomme,
Chimon aima, puis devint honnête homme.
La Fontaine,

Contes.

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MISERABLES.

L ne fe faut jamais moquer des miférables: Car qui peut s'affurer d'être toujours heureux ? : Le fage Efope dans fes Fables, Nous en donne un exemple ou deux.

Celui qu'en ces vers je propofe
Et les fiens, ce font même chose.

Le Liévre & la Perdrix, concitoyens d'un champ
Vivoient dans un état ce femble affez tranquille.
Quand une Meute s'approchant,
Oblige le premier à chercher un asyle.

1 s'enfuit dans fon fort, met les chiens en défaut, Sans même en excepter Brifaut.

Enfin il fe trahit lui-même,

Par les efprits fortans de fon corps échauffé.
Miraut, fur leur odeur ayant philofophé,
Conclut que c'eft fon Liévre; & d'une ardeur extrême;
Il le pouffe ; & Ruftaut, qui n'a jamais menti,
Dit que le Liévre eft reparti.

Le pauvre malheureux vient mourir à son gîte :

La Perdrix le raille & lui dit :

Tu te vantois d'être fi vîte:

Qu'as-tu fait de tes pieds? au moment qu'elle rit; Son tour vient, on la trouve. Elle croit que fes aîles La fauront garantir à toute extrémité :

Mais la pauvrette avoit compté,

Sans l'Autour aux ferres cruelles.

La Fontaine, Fables.

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MONARQUE,

ORODE.

U'UN Monarque eft heureux, quand parmi fes fujets,

Ses yeux n'ont point à voir de plus nobles objets, Qu'au deffus de fa gloire il n'y connoît perfonne, Et qu'il eft le plus digne enfin de fa Couronne.

Corneille, Surena, act. III. fc. Ia

LE Monarque prudent & fage
De fes moindres fujets fait tirer quelque ufage,
Et connoît leurs divers talens.

La Fontaine, Fables.

COMBIEN de Souverains, Chrétiens, & Mufulmans, Ont tremblé d'une Eclipfe, ont craint des Talifmans? Tout Monarque indolent, dédaigneux de s'inftruire, Eft le jouet honteux de qui veut le féduire.

Un Aftrologue, un Moine, un Chymifte effronté,
Se font un revenu de fa crédulité.

Il prodigue au dernier fon or par avarice;
Il demande au premier, fi Saturne propice,
D'un afpect fortuné regardant le foleil,
Lui permet de dîner, ou l'appelle au Confeil.
11 eft aux pieds de l'autre, & d'une ame foumife,
Par la crainte du Diable il enrichit l'Eglife.
Un pareil Souverain ressemble à ces faux Dieux,
Vils marbres adorés, ayant en vain des yeux ;
Et le Prince éclairé que la raifon domine,
Eft un vivant portrait de l'effence divine.
Je fais que dans un Roi, l'étude, le favoir,
N'eft pas le feul mérite & l'unique devoir;
Mais qu'on me nomme enfin dans l'Hiftoire facrée,
Ce Roi dont la mémoire eft la plus révérée ;
C'eft ce Héros favant que Dieu même éclaira,
Qu'on chérit dans Sion, que la terre admira,
Qui mérita des Rois le volontaire hommage.
Son peuple étoit heureux, il vivoit fous un fage.
L'abondance à fa voix paffant le fein des mers,
Voloit pour l'enrichir des bouts de l'univers
Comme à Londre, à Bordeaux de cent voiles fuivie,
Elle apporte au Printems les tréfors de l'Afie.
Ce Roi que tant d'éclat ne pouvoit éblouir
Sût joindre à fes talens l'art heureux de jouir.

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Ce font-là les leçons qu'un Roi prudent doit fuivre ; Le favoir en effet n'eft rien fans l'art de vivre. Qu'un Roi n'aille donc point, épris d'un faux éclat, Pâliffant fur un livre oublier fon Etat.

Voltaire, Epitr. au Roi de Pruffe.

MONDA IN..

Vo

OULEZ-vous, mes amis,

Savoir un peu dans nos jours tant maudits
Soit à Paris, foit dans Londre ou dans Rome
Quel eft le train des jours d'un honnête homme
Entrez chez lui, la foule des Beaux Arts,
Enfans du goût, fe montre à vos regards.
De mille mains l'éclatante induftrie,
De ces dehors orna la fymétrie.
L'heureux pinceau, le fuperbe deffein
Du doux Correge & du favant Pouffin,
Sont encadrés dans l'or d'une bordure;
C'eft (1) Bouchardon qui fit cette fculpture
Et cet argent fut poli par (2) Germain.
Des Gobelins, l'aiguille & la teinture,
Dans ces tapis furpaffent la peinture.
Tous ces objets font vingt fois répétés,
Dans des trumeaux tout brillans de clartés.
De ce falon je vois par la fenêtre,
Dans des jardins de myrthes en berceaux,
Je vois jaillir les bondiffantes eaux.
Mais du logis j'entens fortir le Maître.
Un char commode avec graces orné,
Par deux chevaux rapidement traîné,
Paroît aux yeux une maifon roulante,

( 1 ) Célébre Sculpteur. (2) Orfévre renommé.

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