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Moitié dorée & moitié tranfparente ;
Nonchalamment je l'y vois promené.
De deux refforts la liante foupleffe,
Sur le pavé le porte avec molleffe.

Voltaire.

CE

MONDE.

E monde-ci n'eft qu'une œuvre comique, Où chacun fait fes rôles différens.

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Là fur la fcene en habit dramatique,
Brillent Prélats, Miniftres, Conquérans
Pour nous, vil peuple, affis aux derniers rangs,
Troupe futile & des Grands rebutée,
Par nous d'en bas la piéce eft écoutée.
Mais nous payons, utiles Spectateurs ;
Et quand la farce eft mal représentée,
Pour notre argent nous fiflons les Acteurs.
Rouleau, Epigr.

VIVONS pour nous, ma chére Rofalie,
Que l'amitié, que le fang qui nous lie
Nous tienne lieu du refte des humains
Ils font fi fots, fi dangereux, fi vains!
Ce tourbillon qu'on appelle le monde
Eft fi frivole, en tant d'erreurs abonde,
Qu'il n'eft permis d'en aimer le fracas,
Qu'à l'étourdi qui ne le connoît pas.

Voltaire, Epitr. à Mad. De * *.

Il faut du monde ; on le condamne, on l'aime, On ne peur vivre avec lui ni fans lui;

Notre ennemi le plus grand, c'est l'ennui;
Tel qui chez foi fe plaint d'un fort tranquille,
Vole à la Cour dégoûté de la Ville.

Voltaire, Epîtr. à Mad. De **.

MORALE.

TOUTE

OUTEFOIS de ton esprit

Banni l'erreur générale

Que jadis en maint Ecrit
Plaça la faine morale.
On abufe de fon nom,
Le Chantre d'Agamemnon,
Sut nous tracer dans fon Livre;
Mieux que Chryfippe & Zénon,
Quel chemin nous devons fuivre.

Homere adoucit mes mœurs
Par fes riantes images.
Séneque aigrit mes humeurs
Par fes préceptes fauvages;
En vain d'un ton de Rhéteur à
Epitecte à fon Lecteur,
Prêche le bonheur fuprême ;
J'y trouve un consolateur
Plus affligé que moi-même.

Dans fon phlegme fimulé
Je découvre fa colére.
J'y vois un homme accablé
Sous le poids de fa mifére.
Et dans tous fes beaux difcours;
Fabriqués durant le cours

L'Auteur s'adresse à l'Abbé de Chaulien,

De fa fortune maudite,
Vous reconnoiflez toujours
L'efclave d'Epaphrodite.

Mais je vois déja d'ici
Frémir tout le Zénonisme,
D'entendre traiter ainfi
Un des Saints du Paganisme.
Pardon. Mais en vérité,
Mon Apollon révolté
Lui devoit ce témoignage,
Pour l'ennui que m'a coûté
Son infupportable Ouvrage.

Je ne prens point pour vertu
Les noirs accès de trifteffe,
D'un loup-garoux revêtu
Des habits de la fageffe.
Plus légére que le vent,
Elle fait d'un faux Savant
La fombre mélancolie,
Et fe fauve bien fouvent
Dans les bras de la folie.

Rouffean, Ode à l'Abbé de Chaulieu.

MORT.

UN malheureux appelloit tous les jours

La Mort à fon fecours.

O Mort, lui difoit-il, que tu me fembles belle !
Viens víte, viens finir ma fortune cruelle.
La Mort crut, en venant, l'obliger en effet.
Elle frappe à fa porte, elle entre, elle fe montre.
Que vois-je cria-t-il, ôtez-moi cet objet;

Qu'il eft hideux ! que fa rencontre
Me caufe d'horreur & d'effroi !

N'approche pas, ô Mort ô Mort, retire-toi !
Mécenas fat un galant homme:

Il a dit quelque part: Qu'on me rende impotent,
Cul-de-jatte, goutteux, manchot, pourvû qu'en fomme
Je vive, c'eft affez; je fuis plus que content.
Ne viens jamais, ô Mort, on t'en dit tout autant.
La Fontaine, Fable de la mort & du malheureux.

UN pauvre Bucheron tout couvert de ramée,
Sous le faix du fagot auffi-bien que des ans.
Gémiffant & courbé marchoit à pas péfans.
Et tâchoit de gagner fa chaumiére enfumée.
Enfin, n'en pouvant plus d'effort & de douleur,
11 met bas fon fagot, il fonge à fon malheur.
Quel plaifir a-t-il eu depuis qu'il eft au monde?
En eft-il un plus pauvre en la machine ronde ?
Point de pain quelquefois & jamais de repos.
Sa femme, fes enfans, les foldats, les impôts.
Le créancier & la corvée,

Lui font d'un malheureux la peinture achevée.
Il appelle la Mort elle vient fans tarder :
Lui demande ce qu'il faut faire.
C'eft, dit-il, afin de m'aider

A recharger ce bois, tu ne tarderas guére.
Le trépas vient tout guérir,

Mais ne bougeons d'où nous fommes;
Plutôt fouffrir que de mourir,

C'eft la devife des hommes.

La Fontaine, Fable de la Mort & du Bucheron.

★ Favori de l'Empereur Auguste.

PLISTHEN E.

QU'AI-je fait, malheureux ! quelle imprudence extrême!
Je ne fais quel effroi s'empare de mon cœur :
Mais tout mon fang fe glace & je frémis d'horreur.
Dieux! que dans mes fermens, malgré moi, j'intérefle,
Perdez le fouvenir d'une indigne promeffe;

*

Ou recevez ici le ferment que je fais,

En duffé-je périr de n'obéir jamais.

Mais pourquoi m'allarmer d'un ferment fi funefte? Que peut craindre un grand cœur quand fa vertu lui refte ?

Athenes me répond d'un trépas glorieux;
Et j'y cours m'affranchir d'un ferment odieux.
Survivre aux maux cruels dont le deftin m'accable,
Ce feroit plus que lui m'en rendre un jour coupable:
Hai, perfécuté, chargé d'un crime affreux
Dévoré fans efpoir d'un amour malheureux,
Malgré tant de mépris que je chéris encore
La Mort eft déformaîs le feul Dieu que j'implore.
Crébillon, Atrée, act. I. fc. IV.

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LA Mort ne furprend point le fage:
Il est toujours prêt à partir,
S'étant sû lui même avertir

Du tems où l'on fe doit réfoudre à ce paffage.
Ce tems, hélas ! embrafle tous les tems:
Qu'on le partage en jours, en heures, en momens,
Il n'en eft point qu'il ne comprenne
Dans le fatal tribut: tous font de fon domaine :
Et le premier inftant où les enfans des Rois
Ouvrent les yeux à la lumiére,

Eft celui qui vient quelquefois
Fermer pour toujours leur paupière.

* Atrée l'avoit engagé par ferment à tuer Thyefle.

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