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Nourrir chez vous le monftre auteur de mon ennui ?"
Vous ne répondez point. Adieu donc ô belle ame;
Emporte chez les morts ce baifer tout de flamme
Je ne te verrai plus: adieu, cher Adonis.
Ainfi Venus ceffa: les rochers à fes cris
Quittant leur dureté répandirent des larmes ;
Zéphire en foupira, le jour voila fes charmes;
D'un jour précipité fous les eaux il s'enfuit
Et laiffa dans ces lieux une profonde nuit.

* Un fanglier.

La Fontaine Poëme d'Adonis.

D

MORT DE CHARLES IX.

HENRI IV. à la Reine Elifabeth.

Es premiers ans du Roi la funefte culture N'avoit que trop en lui corrompu la nature; Mais elle n'avoit point étouffé cette voix, Qui jufques fur le trône épouvante les Rois. Par fa mere élevé, nourri dans fes maximes, Il n'étoit point comme elle endurci dans les crimes: Le chagrin vint flétrir la fleur de fes beaux jours Une langueur mortelle en abrégea le cours. Dieu déployant fur lui fa vengeance févére, Marqua ce Roi mourant du fceau de fa colére; Et par fon châtiment voulut épouvanter, Quiconque à l'avenir oferoit l'imiter.

Je le vis expirant. Cette image effrayante

A mes yeux attendris femble être encor préfente
Son fang à gros bouillons de fon corps élancé,
Vengeoit le fang François par fes ordres verfé;
Il fe fentoit frappé d'une main invisible 2

* Charles IX

Et le peuple étonné de cette fin terrible,
Pleignit un Roi fi jeune & fi-tôt moissonné,
Un Roi par les méchans dans le crime entraîné ;
Et dont le repentir promettoit à la France,
D'un empire plus doux quelque foible efpérance.
Voltaire, Henri, ch. 111.

L

MORT DE COLIGNY.

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E Héros malheureux, fans armes, fans défenfe¿ Voyant qu'il faut périr, & périr fans vengeance, Voulut mourir du moins comme il avoit vécu Avec toute fa gloire & toute fa vertu. Déja des affa fins la nombreufe cohorte, Du falon qui l'enferme alloit brifer la porte; Il leur ouvre lui-même, & fe montre à leurs yeux Avec cet œil ferain, ce front majeftueux, Tel que dans les combats, maître de fon courage Tranquille il arrêtoit ou preffoit le carnage. A cet air vénérable, à cet augufte afpect, Les meurtriers furpris font faifis de refpe&t; Une force inconnue a fufpendu leur rage. Compagnons, leur dit-il, achevez votre ouvrage ; Et de mon fang glacé fouillez ces cheveux blancs Que le fort des combats refpecta quaranre ans. Frappez, ne craignez rien, Coligny vous pardonne, Ma vie eft peu de chofe & je vous l'abandonne. J'euffe aimé mieux la perdre en combattant pour

vous..

....

Čes tigres à ces mots tombent à fes genoux ;
L'un faifi d'épouvante abondonne fes armes,
L'autre embraffe fes pieds qu'il trempe de fes larmes ;-
Et de fes affaffins ce grand Homme entouré
Sembloit un Roi puiffant par fon peuple adoré.

Befme * qui dans la cour attendoit fa victime,
Monte, accourt, indigné, qu'on différe fon crime
Des affaffins trop lents il veut hâter les coups.
Aux pieds de ce Héros il les voit trembler tous.
A cet objet touchant lui feul eft infléxible;
Lui feul à la pitié toujours inacceffible,
Auroit crû faire un crime & trahir Médicis,
Si du moindre remords il fe fentoit furpris.
A travers les foldats, il court d'un pas rapide;
Coligny l'attendoit d'un vifage intrépide.
Et bien-tôt dans le flanc, ce monftre furieux,
Lui plonge fon épée en détournant les yeux,
De peur que d'un coup d'œil cet augufte visage
Ne fit trembler fon bras & glaçât fon courage.
Voltaire, Henri. ch. II.

MORT DE CLITE MNESTRE.

CLITEM NESTRE à ORESTE.

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UOI! je meurs de la main de mon fils! Dieux juftes mes forfaits font-ils affez punis? Je ne te revois donc fils indigne des Atrides Que pour trouver la mort dans tes mains parricides? Jonis de tes fureurs : vois couler tout ce fang, Dont le ciel irrité t'a formé dans mon flanc. Monftre que bien plutôt forma quelque Furie, Puiffe un deftin pareil payer ta barbarie. Frappe encor; je refpire, & j'ai trop à fouffrir; De voir qui je fis naître, & qui me fait mourir. Achéve, épargne-moi ce tourment qui m'accable.

* Allemand, Domestique de la Maison de Guise...

Ma mere!

OREST E.

CLITEM NESTRE.

Quoi! ce nom qui te rend fi coupable,

Tu l'ofes prononcer! n'affecte rien, cruel:
La douleur que tu feins te rend plus criminel.
Triomphe, Agamemnon, jouis de ta vengeance:
Ton fils ne dément point ton nom ni fa naiffance.
Pour l'en voir digne au gré de mes vœux & des tiens
Je lui laiffe un forfait qui paffe tous les miens.

Crébillon, Flectr. act. V. fc. VIII.

DIT

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ITES à Scipion qu'il peut dès ce moment Chercher à fon triomphe un plus rare ornement? Pour voir de deux grands Rois la lâcheté punie J'ai dû livrer leur femme à cette ignominie; C'eft ce que méritoit leur amour conjugal; Mais j'en ai dû fauver la fille d'Afdrubal. Leur baffeffe aujourd'hui de tous deux me dégage} Et n'étant plus qu'à moi, je meurs toute à Carthage, Digne fang d'un tel pere & digne de régner, Si la rigueur du fort eût voulu m'épargner, A ces mots la fueur lui montant au vifage Les fanglots de fa voix faififfent le paffage, Une morne pâleur s'empare de fon front, Son orgueil s'applaudit d'un reméde fi promt, De fa haine aux abois la fierté fe redouble,

*Il fait parler Sophonisbe.

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Elle meurt à mes yeux; mais elle meurt fans trouble, Et foutient en mourant la pompe d'un courroux, Qui femble moins mourir que triompher de nous,

Corneille, Sophonisbe, act. V. fc. dern,

Q

MORT GLORIEUS E.

MARTIAN à PHOCA S.

UE ferois-tu pour moi de me laiffer la vie Si pour moi fans le trône elle n'est qu'infamie ? Heraclius vivroit pour te faire la cour?

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Rends-lui, rends-lui ton fceptre, ou prive-le du jour,
Pour ton propre intérêt fois juge incorruptible,
Ta vie avec la fienne eft trop incompatible,
Un fi grand ennemi ne peut être gagné,
Et je te punirois de m'avoir épargné,
Si de ton fils fauvé j'ai rappellé l'image,
J'ai voulu de Leonce étaler le courage,
Afin qu'en le voyant tu ne doutaffes plus,
Jufques où doit aller celui d'Héraclius.

Je me tiens plus heureux de périr en Monarque,
Que de vivre en éclat fans en porter la marquc ;
Et puifque pour jouir d'un fi glorieux fort,
Je n'ai que ce moment qu'on deftine à ma mort,
Je la rendrai fi belle & fi digne d'envie,
Que ce moment vaudra la plus illuftre vie.
M'y faifant donc conduire affure ton pouvoir,
Et délivre mes yeux de l'horreur de te voir.

Corneille, Héracl. act. III. fc. II.

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