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Je les peignis puiffans, riches, féditieux;
Leur Dieu même ennemi de tous les autres Dieux.
Jufqu'à quand fouffre-t-on que ce peuple refpire,
Et d'un culte profane infecte votre Empire ?
Etrangers dans la Perfe, à nos loix oppofés,
Du refte des humains ils femblent divifés;
N'afpirent qu'à troubler le repos où nous fommes
Et déteftés par-tout déteftent tous les hommes.
Prévenez , puniffez leurs infolens efforts.

De leur dépouille enfin groffiffez vos trésors.
Je dis, & l'on me crut. Le Roi dès l'heure même,
Mit dans ma main le fceau de fon pouvoir fuprême.
Affure, me dit-il, le repos de ton Roi.

Va, perds ces malheureux, leur dépouille eft à toi.
Toute la Nation fut ainfi condamnée.
Du carnage avec lui je réglai la journée.

Racine, Efth. act. 11. fc. I..

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NATURE.

MAHOMET à OMAR.

n'a point de parens alors qu'on les ignore. Les cris du fang, fa force & fes impreffions, Des cœurs toujours trompés font les illusions, La nature à mes yeux n'eft rien que l'habitude.

Voltaire, Mabom. a. IV. fc. I

PHLISTENE à ATRE' E.

JE vois que la nature Dans votre cœur fenfible excite un doux murmure.

Ne le combattez point par des foins odieux.
Elle n'infpire rien qui ne vienne des Dieux.

Crébillon, Atrée, act. 11. fc. Iv.

SANS cefle on prend le mafque, & quittant la nature,
On craint de le montrer fous fa propre figure.
Par-là le plus fincére affez fouvent déplait,
Rarement un efprit ofe être ce qu'il eft.

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Vois-tu cet importun que tout le monde évite ;
Cet homme à toujours fuir qui jamais ne vous quitte,
Il n'eft pas fans efprit, mais né trifte & péfant,
11 veut être folâtre, évaporé, plaifant:
Il s'eft fait de fa joie une loi néceffaire,
Et ne déplaît enfin que pour vouloir trop plaire.
La fimplicité plaît fans étude & fans art.

Tout charme, en un enfant, dont la langue fans fard,
A peine du filet encor débarraffée,

Sait d'un air innocent bégayer fa pensée.

Le faux est toujours fade, ennuyeux, languifiant :
Mais la nature eft vraie &.d'abord on la fent.
C'eft elle feule en tout qu'on admire & qu'on aime.
Un efprit né chagrin plait par fon chagrin même.
Chacun pris dans fon air eft agréable en foi.
Ce n'eft que l'air d'autrui qui peut déplaire en moi.
Defpréaux, Epitre à M. de Seignelay.

ILLUSTRE ami, dont le cœur épuré
S'eft au vrai feul de tout tems confacré ;
Et de qui l'œil perçant, inévitable,
Au faux brillant fut toujours redoutable.
Vous le favez: dès mes plus jeunes ans,
Quand ma raifon luttant contre mes fens,

DY

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Dans les éclairs de ma verve premiére,
Faifoit à peine entrevoir fa lumiére:
Sous vos drapeaux dans le monde enrôlé,
Des vieux Auteurs admirateur zélé,
J'avois déja fenti leur douce amorce ;
Et j'effayois d'en pénétrer l'écorce
De démêler leurs cœurs de leurs efprits
Et de trouver l'Auteur dans fes Ecrits.
Je vis bien-tôt inftruit par leur lecture
Que tout leur art partoit de la nature :
Que ces beautés, ces charmes fi touchans,
Dont le pouvoir m'attachoit à vos chans.
Venoit bien moins, Héros, que je refpe&e
Malgré l'orgueil de la moderne fecte,
Des vérités que vous nous exprimez,
Que du beau feu dont vous les animez.
Je compris donc qu'aux œuvres du génie,
Où la raifon s'unit à l'harmonie,
L'ame toujours a la premiére part;
Et que le cœur ne penfe point par art:
Que tout Auteur qui veut fans perdre haleine
Boire à longs traits aux fources d'Hippocrene
Doit s'impofer l'indifpenfable loi

De s'éprouver, de defcendre chez foi,
Et d'y chercher ces femences de flamme
Dont le vrai feul doit embrafer notre ame :
Sans quoi jamais le plus fier Ecrivain
Ne peut atteindre à cet effor divin
A ces tranfports, à cette noble ivresse
Des Ecrivains de la favante Gréce.
Je fais combien mes débiles talens
Sont au deffous de leurs dons excellens.
Mais fi l'ardeur d'entrer dans leur carriére,
M'a du Parnafie entr'ouvert la barriére :
Si quelquefois à leurs fons raviffans
J'ai sû mêler mes timides accens :
Ma Mufe au moins d'elle-même excitée,
Avec mon cœur fut toujours concertée,

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L'amour du vrai me fir lui feul Auteur,
Et la vertu firt mon premier Docteur.

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Ronflexu, Epitre à M. le Baron de Breteuil.

A contempler le monde & fes richeffes,
Et cet amas de fécondes largeffes
Que jour & nuit la mere des humains"
Sur fes enfans répand a pleines mains;
Qui ne croiroit que la tendre nature
En paîtriffant l'homme fa créature
Ne l'a tiré du néant ténébreux,
Que pour le rendre infiniment heureux ?
Mais d'autre part, ces fléaux innombrables
Accumulés fur nos jours miférables,
Triftes mortels, nous font regarder tous,
Comme l'objet de fon plus noir courroux.

Rouffeau, Morofophie", Allégor.

Q

NATURE PURE.

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UAND la nature étoit dans fon enfance, Nos bons ayeux vivoient dans l'ignorance. Ne connoifoient ni le T1 EN ni le MIEN. Qu'auroient-ils púû connoître ils n'avoient rien. Ils étoient nuds, & c'eft chofe tres-claire, Que qui n'a rien, n'a nul partage à faire.” Sobres étoient. Ah! je le crois encor. Martialo n'eft point du fiécle d'or. D'un bon vin frais ou la mouffe ou la féve Ne gratta point le tendre gofier d'Eve. La foie & l'or ne brilloient point chez eux;

* L'Auteur du Cuisinier François.

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Admirez-vous pour cela nos ayeux ?
Il leur manquoit l'industrie & l'aifance.
Eft-ce vertue c'étoit pure ignorance.
Quel idiot, s'il avoit eu pour lors
Quelque bon lit, auroit couché dehors ?
Mon cher Adam, mon gourmand, mon bon pere
Que faifois-tu dans les jardins d'Eden?
Travaillois-tu pour ce fot genre humain?
Careffois-tu Madame Eve, ma mère?
Avouez-moi que vous aviez tous deux
Les ongles longs, un peu noirs & craffeux
La chevelure affez mal ordonnée

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Le teint bruni, la peau bife & tannée.
Sans propreté l'amour le plus heureux
N'eft plus amour, c'eft un befoin honteux.
Bien tôt laffés de leur belle avanture,
Deffous un chêne ils foupent galamment,
Avec de l'eau, du millet & du gland.
Le repas fait ils dorinent fur la dure.
Voilà l'état de la pure nature.

Voltaire, le Mondain.

LA

NAUFRAGE.

IDOMENE'E à SOPHRONY ME.

A Crete paroiffoit tout flattoit mon envie,

Je diftinguois déja le port de Cydonie.

Une effroyable nuit fur les eaux répandue'
Déroba tout-à-coup ces objets à ma vûe.
La mort feule y parut.... Le vafte fein des mers
Nous entr'ouvrit cent fois la route des enfers;
Par des vents oppofés les vaguės ramaflées,
De l'abîme profond jufques au ciel pouflées»

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