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LES gens du pays des Fables
Donnent ordinairement

Noms &,titres agréables
Affez libéralement ;

Cela ne leur coûte guére,
Tout leur eft Nymphe ou Bergére,
Et Déeffe bien fouvent:
Horace n'y faifoit faute,

Si la fervante de l'hôte

Au lit de notre homme alloit,
C'étoit auffi-tôt Ilie,
C'étoit la Nymphe Egerie,
C'étoit tout ce qu'on vouloit.
Dieu par fa bonté profonde
Un beau jour mit dans le monde
Apollon fon ferviteur,

Et l'y mit juftement comme
Adam le nomenclateur.
Lui difant, te voilà, nomme.

La Fontaine, Contes.

OBEISSANCE.

SERTORIUS à POMPE' E.

C'EST un afyle ouvert que mon pouvoir suprême ;

Et fi l'on m'obéit, ce n'est qu'autant qu'on m'aime.

POMPE' E.

Et votre Empire en eft d'autant plus dangereux,
Qu'il rend de vos vertus les peuples amoureux,
Qu'en affujettiffant vous avez l'art de plaire,
Qu'on croit n'être en vos fers qu'efclave volontaire ;
Et que la liberté trouvera peu de jour

A détruire un pouvoir que fait régner l'amour.

Corneille, Sertorius, act. 111. fc. II.

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MON pere,

Ceffez de vous troubler, vous n'êtes point trahi.
Quand vous commanderez vous ferez obéi.
Ma vie eft votre bien. Vous voulez le reprendre.
Vos ordres fans détour pouvoient fe faire entendre.
D'un œil auffi content, d'un cœur auffi foumis,
Que j acceptois l'époux que vous m'aviez promis.
Je faurai, s'il le faut, victime obéiffante,
Tendre au fer de Calchas une tête innocente;
Et refpectant le coup par vous-même ordonné,
Vous rendre tout le fang que vous m'avez donné.
Si pourtant ce refpect, fi cette obéiance
Paroît digne à vos yeux d'une autre récompenfe,

Si

Si dune mere en pleurs vous plaignez les ennuis,
J'ofe vous dire ici qu'en l'état où je fuis,
Peut-être aflez d'honneurs environnoient ma vie,
Pour ne pas fouhaiter qu'elle me fut ravie,
Ni qu'en me l'arrachant un févére deftin,
Si près de ma naiffance, en eût marqué la fin.
Fille d'Agamemnon, c'est moi qui la premiere,
Seigneur, vous appellai de ce doux nom de pere.
C'est moi, qui, fi long-tems le plaifir de vos yeux;
Vous ai fait de ce nom remercier les Dieux;
Et pour qui tant de fois prodiguant vos careffes,
Vous n'avez point du fang dédaigné les foibleffes.
Hélas! avec plaifir je me faifois conter

Tous les noms des pays que vous allez domter:
Et déja d'Ilion préfageant la conquête,
D'un triomphe fi beau je préparois la fête.
Je ne m'attendois pas que pour le commencer,
Mon fang fût le premier que vous duffiez verfer.
Non que la peur du coup dont je fuis menacée,
Me faffe rappeller votre bonté paffée.

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Ne craignez rien. Mon cœur de votre honneur jaloux,
Ne fera point rougir un pere tel que vous;
Et fi je n'avois eu que ma vie à défendre,
J'aurois sû renfermer un fouvenir fi tendre.
Mais à mon trifte fort, vous le favez, Seigneur,
Une mere, un amant, attachoient leur bonheur.
Un Roi digne de vous a crû voir la journée,
Qui devoit éclairer notre illuftre hyménée.
Déja sûr de mon cœur à fa flamme promis,
11 s'eftimoit heureux, vous me l'aviez permis.
Il fait votre deffein, jugez de fes allarmes.
Ma mere eft devant vous, & vous voyez fes larmes.
Pardonnez aux efforts que je viens de tenter,

Pour prévenir les pleurs que je leur vais coûter.

Tome 11.

Racine, Iphig. act. I V. sc. IV.

E

H

OBSCURITE'.

CARLOS feul.

ONTEUSE obfcurité qui feule me fait craindre,
Injurieux deftin qui feul me rends à plaindre.
Plus on m'en fait fortir, plus je crains d'y rentrer,
Et crois ne t'avoir fui que pour te rencontrer.
Ton cruel fouvenir fans fin me perfécute,
Du rang où l'on m'éleve il me montre la chûte,
Laffe-toi déformais de me faire trembler,

Je parle à mon honneur, ne viens point le troubler,
Laiffe-le fans remords m'approcher des Couronnes,
Et ne viens pas m'ôter plus que tu ne me donnes.
Je n'ai plus rien à toi, la guerre a confumé
Tout cet indigne fang dont tu m'avois formé,
J'ai quitté jufqu'au nom que je tiens de ta haine.
Corneille, D. Sanche d'Arrag. act. 11. fc. 111.

OD E.

L'OD
'ODE avec plus d'éclat, & non moins d'énergie,
Elevant jufqu'au
'au ciel fon vol ambitieux,

Entretient dans fes vers commerce avec les Dieux.
Aux Athlétes dans Pife elle ouvre la barriére,
Chante un vainqueur poudreux au bout de la carriére;
Mene Achille fanglant aux bords du Simoïs,
Ou fait fléchir l'Efcaut fous le joug de Louis.
Tantôt comme une abeille ardente à fon ouvrage,
Elle s'en va de fleurs dépouiller le rivage:
Elle peint les feftins, les danfes, & les ris ;
Vante un baifer cueilli fur les lévres d'Iris,

* Defpréaux vient de parler de l'Elégie.

Qui mollement réfifte, & par un doux caprice,
Quelquefois le refufe afin qu'on le raviffe.
Son ftyle impétueux fouvent marche au hafard.
Chez elle un beau défordre eft un effet de l'art.
Defpréaux, Art Poët, ch. II.

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U

ŒIL DU MAÎTRE.

N cerf s'étant fauvé dans une étable à bœufs,
Fut d'abord averti par eux,

Qu'il cherchât un meilleur afyle.
Mes freres, leur dit-il, ne me décelez pas :
Je vous enfeignerai les pâtis les plus gras :
Ce fervice vous peut quelque jour être utile;
Et vous n'en aurez pas regret.

Les bœufs, à toute fin, promirent le fecret.
11 fe cache en un coin, refpire, & prend courage,
Sur le foir on apporte herbe fraîche & fourage,
Comme l'on faifoit tous les jours.

L'on va, l'on vient, les valets font cent tours,
L'Intendant même & pas un d'aventure
N'apperçut ni cor, ni ramure

Ni cerf enfin. L'habitant des forêts
Rend déja grace aux bœufs, attend dans cette étable
Que chacun retournant au travail de Cérès,
Il trouve pour fortir un moment favorable.
L'un des bœufs ruminant, lui dit: Cela va bien,
Mais quoi? l'homme aux cent yeux n'a pas fait fa revûe:
Je crains fort pour toi fa venue.
Jufques-là, pauvre cerf, ne te vante de rien.
La-deffus le Maître entre, & vient faire fa ronde.
Qu'est-ceci? dit-il à fon monde,

Je trouve bien peu d'herbe en tous ces râteliers.
Cette litiére eft vieille, allez vîte aux greniers.
Je veux voir désormais vos bêtes mieux foignées.

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