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puissamment à l'économie par la confiance qu'inspire la fidélité daus l'exécution des engagemens contractés.

Ces idées recevront, dans la compte général de l'administration des finances, pendant les années 1813 et 1814, les développemens dont elles sont susceptibles.

Affaires étrangères.

La situation de la France à l'égard des puissances étrangères porte un caractère absolument nouveau dans notre histoire. Les puissances coalisées ayant ramené les Bourbons, le mauvais génie de cette maison ne leur a pas permis de se faire aimer, ils se sont vus contraints de quitter leur patrie une seconde fois, sans que personne ait songé à les défendre, sans qu'on ait répondu aux appels qu'ils ont fait à toutes les classes des citoyens.

Cette révolution domestique ne devait rien changer à nos relations extérieures, parce qu'un peuple est toujours le maitre de se choisir un chef,pourvu qu'il continue à remplir les engagemens contractés avec les puissances étrangères. Or, l'empereur a déclaré, lors de son second avénement, qu'il voulait s'en tenir aux limites fixées par le traité de Paris, et un assentiment universel a sanctionné cette sage résolution; il n'existait donc pas le plus léger prétexte aux puissances étrangères pour nous déclarer la guerre. Cependant la même coalition, déchue des espérances qu'elle avait fondées sur la foiblesse du gouvernement des Bourbons, et croyant trouver la France divisée en factions, a conçu le projet de la démembrer. C'était le moyen de nationaliser la guerre aussi les menaces de cette coalition ont été le signal de cet enthousiasme, qui fait accourir les jeunes citoyens de toutes les parties de l'Empire pour se ranger sous les drapeaux de l'indépendance nationale, qui sera toujours notre cri de ralliement.

L'empereur n'a oublié aucun des moyens de négociation, compatibles avec la dignité du chef de l'état, pour prévenir une nouvelle effusion du sang humain; mais toutes ses démarches on été inutiles, il a bien fallu se préparer enfin à repousser une injuste agression: le gouvernement se serait rendu coupable s'il en eût négligé les moyens, et, sans doute, Messieurs, vous applaudirez aux efforts extraordinaires qu'il a dû faire pour complèter les armées, approvisionner les places, et nous assurer une campagne glorieuse.

L'empereur pouvait, suivant sa coutume, prévenir les ennemis; mais il n'a pas voulu qu'il pût rester le moindre doute sur les sentimens pacifiques dont il était animé, et sur la question de savoir quels sont les véritables agresseurs. Les ennemis ayant donc non-seulement publié des actes qui contiennent formellement une déclaration de guerre, mais encore commis grand nombre: d'hostilités, tant sur terre que sur mer, ce serait visiblement

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compromettre le salut de l'état, que de différer encore et d'attendre qu'ils fussent réunis.

Police générale.

Au milieu des touchantes acclamations qui l'accueillirent à son retour, S. M. s'était flatté qu'une tel peuple pouvait, pour ainsi dire, être livré à lui-même, et qu'il n'avait en quelque sorte, besoin d'aucune police; elle s'empressa de proclamer la liberté de la presse; mais S. M. n'avait pas pensé qu'au sein de cette masse du peuple toujours excellente, il se trouvait une multitude d'ennemis cachés, qui d'abord stupéfaits et silencieux, n'en méditaient pas moins le désordre dans l'intérieur et la guerre au dehors. Les agens de Louis XVIII et des puissances étrangères s'appliquèrent aussitôt à convertir en poison le bienfait des idées libérales qui venaient d'être proclamées. Les diatribes les pius odieuses contre l'empereur lui-même furent répandues avec profusion. Les journaux devinrent le réceptacle des actes de la cour de Gand et du congrès de Vienne. Par eux, des germes de sédition furent rapidement disséminés dans toutes les parties de l'Empire; ils entretinrent la fermentation qu'avait occasionnée dans le midi et dans les départemens de l'Ouest l'apparition des princes de la maison de Bourbon; leurs agens cessèrent d'opérer clandestinement, ils levèrent l'étendard de la révolte, ils égarèment la proportion la plus ignorante des citoyens, ils appelèrent l'ennemi sur nos côtes, ils le firent débarquer; des ministres de la religion ne craignirent pas d'attiser en son nom les discordes civiles: le sang commençait à couler, la correspondance de chaque jour nous prouvait que le mal allait toujours croissant, et que les mesures répressives devenaient de plus en plus urgentes. S. M. se décida enfin à soumettre plusieurs contrées au régime militaire, et le calme commença aussitôt à se rétablir graduellement. Tout rentre peu à peu dans l'ordre, mais les chambres sentiront la nécessité de procurer au gouvernement les moyens d'achever cette pacification, et d'empêcher le retour de ces foyers d'insurrection qui encouragent la malveillance au-dedans et forment au-dehors autant de diversions en faveur des ennemis.

Nous attendons tout de l'énergie et de la sagesse qu'ont déjà développées les deux chambres appelées à terminer la révolution, en nous donnant, de concert avec S. M., les lois organiques dont nous avons besoin pour que la licence ne prenne point la place de la liberté, l'anarchie la place de l'ordre; pour qu'enfin le bon soit partout protégé contre le méchant, l'homme juste contre celui qui veut l'opprimer.

Messieurs, en terminant cet exposé sommaire, nous devons vous faire connaître, au nom de S. M., que la chambre des représentans n'est pas complète, soit parce que plusieurs d'entre eux ont été nomñés dans divers endroits en même tems, sans

qu'il y ait eu de suppléans désignés, soit par quelques irrégularités locales. S. M. désire qu'elle s'occupe le plus tôt possible des mesures à prendre pour qu'elle ne reste pas privée du tribut de lumières et de patriotisme que peuvent apporter les représentans qui sont encore à nommer.

Le ministre de l'intérieur, CARNOT.

S. Exc. M. le duc de Bassano est parti pour rejoindre l'empereur à l'armée.

Sire,

17 Juin, 1815.

Paris, le 15 Juin.

Rapport à l'empereur.

Paris, 7 Juin.

L'exposé qui j'ai eu l'honneur de soumettre, le 12 du mois d'Avril, à V. M. et à son conseil (Pièce No. 1), de l'état des relations de la France avec les puissances étrangères, a déjà fait connaître combien les dispositions de la plupart de ces puissances étaient loin de se trouver en rapport avec les sentimens modérés et pacifiques dont V. M. leur donnait l'exemple. La même différence a continué depuis à se faire apercevoir. Tout, d'un côté, a pour objet le maintien de la paix; de l'autre, tout respire la guerre. On voit d'une part les explications les plus tranquillisantes; de l'autre, des déclarations qui ont le caractère de l'hostilité la plus prononcée; ici; toutes les avances que la dignité nationale peut permettre; là, un refus dédaigneux de répondre, que devrait interdire la simple loi des couvenances; enfin, dans les démarches de V. M., la volonté sincère de prévenir le renouvellement des malheurs de l'Eárope; et dans celles des cabinets étrangers une froide indifférence sur le sort des nations, qui semble se faire un jeu de livrer aux écarts des passions individuelles toutes les chances de l'avenir. Cet éclatant contraste n'a pu manquer de frapper vivement les hommes éclairés de tous les pays, et surtout le peuple français, si bon juge dans une cause à laquelle se lient toutes ses destinées.

Quatre puissances surtout nous apparaissent sous un aspect menaçant.

L'Angleterre, en sa qualité d'ennemi naturel et constant de la puissance française;

La Prusse, à raison d'un accroissement trop rapide qui, la mettant en contact avec notre territoire, lui fait craindre l'établissement en France de toute autorité capable de repousser les envahissemens d'une ambition illimitée;

L'Autriche et la Russie, cherchant à se préserver d'une

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rupture entr'elles par leur accord dans une guerre dont elles espèrent que les résultats leur fourniront les moyens de s'entendre sur des concurrences d'intérêt et d'influence difficiles à concilier.

Il était permis de penser que la première déclaration du congrès était l'ouvrage précipité de sentimens confus que l'on n'avait pas su contenir. Tous les amours-propres, tous les intérêts de vanité et d'orgueil s'étaient trouvés mis en jeu, et livrés, comme par surprise, à une explosion involontaire. Aigris par leur contact même, les vieux ressentimens avaient pu reprendre leur ancienne énergie; mais on devait espérer que la sagesse viendrait plus tard faire entendre ses conseils, et que les passions se calmant par degrés, permettraient d'écouter la voix de la raison. V. M. se plaisait à nourrir cet espoir, et ce n'est qu'à regret qu'elle s'est vue contrainte d'y renoncer.

Telle est la suite presqu'inévitable d'un acte de premier mouvement. La difficulté du retour dispose à faire de nouveaux pas en avant; et les calamités des peuples doivent prouver au monde la prétendue infaillibilité des souverains. D'ailleurs les démonstrations d'une inimitié portée au-delà de certaines bornes, servent quelquefois à déguiser des combinaisons réfléchies, et la haine même est un calcul. C'est de ce double principe que partent incontestablement les déterminations des puissances alliées.

La première conséquence de leur déclaration du 13 Mars fut la conclusion du traité du 25 du même mois. Le même esprit a dicté l'un et l'autre. Quoique l'on ait prétendu en Angleterre qu'à cette époque les puissances supposoient que la cour royale aurait quitté Paris, des données positives, puisées dans les dépêches mêmes des plénipotentiaires de France au congrès, ont fait connaître à V. M. la fausseté de cette assertion. Ce fut donc encore la passion qui, le 25 Mars, sigua le traité à Vienne; mais ce fut le sang-froid qui le ratifia à Londres le 8 Avril.

L'opinion publique a déjà porté un jugement sans appel sur la nature de cette convention, dont la teneur captieuse reproduit sans cesse le nom de paix, pour en faire sortir une déclaration de guerre. Présenter cette convention comme un renouvellement du traité de Chaumont, est le chef-d'œuvre d'une inconséquence raisonnée qui sait trouver dans la substance d'un acte auquel la paix de Paris n'avait laissé qu'un caractère défensif, les élémens d'une alliance aggressive.

J'ai l'honneur de mettre sous les yeux de V. M. cette convention du 25 Mars (Pièce No. 2), accompagnée de quelques observations sur ce qu'il y a de plus choquant et de plus contradictoire dans les stipulations dont elle se compose, et dans les motifs allégués pour les justifier. La substance de tous ces motifs est une grande affectation d'inquiétude pour

l'avenir; et de ces craintes pour l'avenir, on tire l'intro duction qu'il faut agiter la génération actuelle: on déguise l'attaque sous le voile de la défense; on cache le glaive sous le bouclier.

Si nous sommes autorisés à croire qu'il est quelques cabinets que le chagrin de la présomption déçue retient dans la fausse route où ils ont engagé leurs souverains, il en est un sur lequel n'agissent point ces causes secondaires, et dont un sentiment profond dirige constamment toutes les démarches. Ce cabinet est celui de Londres. Sa politique invariable n'ayant qu'un but, l'abaissement de la grandeur française, ce que le gouvernement britannique voulait la veille, il le veut le lendemain et dès qu'il voit une chance à nous susciter des ennemis, on dirait qu'il aurait peur de trahir ses devoirs s'il négligeait d'en profiter. Dès le premier moment, il a été facile d'apercevoir que les résolutions du ministère anglais étaient fixées et fermement arrêtées. La réponse de lord Castlereagh à la lettre que je lui avais adressée le 4 Avril (Pièce No. 3), ne pouvait laisser aucun doute à cet égard. En faisant communiquer cette lettre aux souverains assemblés à Vienne, le ministère anglais semblait faire dépendre sa décision de celle des alliés ; mais en effet c'était son influence qui donnait le mouvement aux puissances continentales. Renvoyer nos propositions à Vienne, c'était les soumettre à un tribunal dont toutes les voix étaient à ses ordres; c'était demander le calme là où il formait lui-même les orages, et aller chercher la paix au milieu des élémens de la guerre.

Dans le même tems que le gouvernement britannique faisait une insignifiante réponse à la notification dont j'avais été l'organe, il s'occupait avec activité de ses propres préparatifs, et des moyens d'accélérer ceux des autres puissances. Dans les premiers jours d'Avril, sans déclarer si la question de la guerre ou de la paix était déjà décidée, il faisait adopter toutes les mesures que la certitude de la guerre aurait pu exiger: il obtenait le rétablissement de l'income-tax, dont le cri public avait nécessité la suppression: il ouvrait des emprunts, et prenait avec les puissances des arrangemens sur les secours pécu niaires qu'il aurait à leur fournir. Le 8 Avril, ses intentions, qu'il avait jusque-là couvertes d'une sorte de dissimulation, se manifestèrent sans réserve. Il déclara aux chambres que le prince-régent avait ratifié le traité du 25 Mars, et que des pouvoirs étaient envoyés aux plénipotentiaires britanniques pour signer des traités de subsides.

A l'époque du 25 Mars on avait pu à Vienne regarder comme possible le maintien de la famille des Bourbons sur le trône. La rédaction du traité, telle qu'elle était conçue, avait ainsi un double objet, l'un de protection en faveur de cette famille, l'autre d'opposition à l'égard de Votre Majesté.

GG

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