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Monseigneur,

Consulat de Palerme.

- Palerme, 16 Mai 1815.

C'est avec bien du chagrin que j'ai vu entrer ici la frégate française la Melpomène, maltraitée et conduite en ce port par les Anglais. Ils feignent qu'il y a eu du mal-entendu ; mais certainement ils ne la rendront pas même à la paix.

Ce fut le 30 Avril, vers les sept heures du matin, qu'à la hauteur d'Ischia, entre la terre et cette île, la frégate fut poursuivie par le vaisseau le Rivoli, qui portait dessus à pleines voiles. Le capitaine Collet, qui commandait la Melpomène, m'a dit (et c'est ce que m'ont confirmé les gens de l'équipage) qu'il avait pu éviter le vaisseau; mais que comptant sur la paix existante, il l'avait laissé arriver. Le vaisseau ayant tiré le canon de semonce, la frégate arbora le pavillon tricolore, qu'elle assura; sur cela le Rivoli tira de suite, et successivement, cinq coups à boulet, puis une bordée; la frégate alors riposta par sa bordée tirant à démåter, et c'était le seul expédient; mais, après un combat de quatorze minutes, la frégate amena: elle avait reçu plusieurs boulets sous l'eau; elle à eu sept hommes tués et vingt-huit blessés; le Rivoli a eu un homme tué et deux blessés. Les Anglais soutiennent qu'aucun des leurs n'a été atteint. J'ai dit au capitaine Collet que, dans les circonstance politiques où se trouve la France, et même pour a mission, il aurait dû éviter cette rencontre, comme il le pouvait très-facilement: au reste, il s'est conduit bravement. Arrivés à Palerme, le capitaine et les officiers ont d'abord été mis dans un bâtiment de transport, No. 594; l'équipage, au nombre de deux cent trente, a été mis à terre dans un ancien couvent de Jésuites, nommé le Noviciat, sous une garde sicilienne; les blessés à l'hôpital de la Marine, hors la porte Neuve.

J'ai été voir tous ces Français: chacun est très-bien au Noviciat. J'ai trouvé plusieurs nobles siciliens, et des dames siciliennes d'un rang distingué, qui ont fait avec moi le tour des salles, témoignant beaucoup d'intérêt pour les Français. J'ai demandé à ceux-ci s'ils étaient bien nourris, et s'ils avaient tout le nécessaire: ils m'ont répondu qu'à cet égard ils n'avaient pas à se plaindre. Quant à ceux de l'hôpital, ils ont presque tous plusieurs blessures par ce qu'ils ont essuyé la mitraille de trèsprès, et deux ou trois sont en danger de mort.

Une Française, nommée Mme. de Joigny et Mlle. sa fille, personnes fort aimables, ont fait une quête pour les blesses; elles ont porté plusieurs fois de petites sommes à l'hôpital pour leur soulagement.

Il se trouvait ici un petit navire nommé le Neptune, 80 tonneaux, capitaine Henri, rentré pour cause d'avaries, j'ai pensé que c'était peut-être le seul moyen de communication dans la

circonstance pour faire connaître à mon gouvernement cette première hostilité des Anglais; en conséquence j'ai demandé verbalement à M. A. Court, ministre d'Angleterre, un sauf conduit pour ce petit navire allant sur son lest et n'ayant à bord qu'une passagère française. M. A. Court me dit qu'il en parlerait à l'amiral, et le lendemain S. Exc. m'a envoyé la réponse de cet officier supérieur qui déclare qu'il ne souffrira pas que le pavillon blanc entre dans un port où flotte le pavillon trois couleurs, qu'il en serait de même pour la frégate ayant pavillon tricolore. Peut-être qu'il ne sera pas indifférent à V. Exc. de voir ces deux billets je les joins ici.

J'ai demandé ensuite que l'on fit repasser en France les blessés; c'était le désir du capitaine Collet; mais cela n'a pu se faire. M. A. Court m'ayant dit que cela devait regarder l'amiral supérieur qui est devant Gênes, réponse absolument négative.

J'ai donné au capitaine Henri ses expéditions pour Barcelonne, il tâchera d'entrer à Marseille, de gagner Cette, où d'attérer sur quelque point de la côte de France; car on dit que la France est en état de blocus, selon le système anglais; ce petit navire porte cinq hommes de la frégate, dont un bon pilote. C'est tou jours cinq hommes de sauvés.

Un anglais, agent de remarque, m'a dit que la cour de Londres avait donné l'ordre de ne point inquiéter les pavillons de France blanc ou tricolore, cependant il croit que la guerre sera incessamment déclarée; il m'a dit entre autres que la proposition en avait été faite à Londres, mais qu'on attendait l'aveu ou la confirmation d'une puissance qui jusqu'alors ne s'était pas prononcée.

Ce qu'il y a de remarquable ici quant à la frégate la Melpomène, c'est qu'elle est dans cette rade sans pavillon anglais ni français, par conséquent dans un état de doute, suivant les usages de la guerre. Les Anglais ont cherché ici à ménager l'opinion en ne se prononçant point à cet égard.

Il est à remarquer que l'amiral Penrose a donné la chasse dernièrement à une frégate française sous pavillon tricolore qui s'est réfugiée en Sardaigne, on croit que c'est la Néréïde; l'amiral anglais a dissimulé cette affaire ici. Il est surprenant que des officiers agissent contre les ordres de leur cour; et si ils s'y conforment, pourquoi ces ménagemens? Telles sont les réflexious que l'on fait ici sur la place.

J'ai l'honeur d'être, etc.

No 8.

(Signé) MARSon.

Lettre de M. Senèz au ministre de la marine.

Monseigneur,

Je saisis l'occasion de M. le colonel Fuht, aide-de-camp de S. A. I. le prince Jérôme Napoléon, pour avoir l'honneur de vous faire savoir qu'après avoir déposé S. Exc. le duc de Padoue en

Corse, je fis de suite voile pour aller à Naples, pour y déposer M. le général Béliard; mais que le 9 Mai, étant à la hauteur de l'île d'Ischia, j'aperçus, au vent à moi, un vaisseau, une frégate et un brick anglais, qui, aussitôt qu'ils m'aperçurent, me donnèrent chasse. Je n'hésitai point à faire décider M. le général à s'embarquer dans mon petit canot, que je laissai pour le débarquer à l'île d'Ischia, et prendre chasse. Vers les huit à 9 heures du matin, le brick me joignit à la portée de son artillerie, et me fit feu dessus dans l'intention de me désemparer. Je lui répondis de suite par un feu très-vif de mes canons de retraite, et je l'empêchai de me faire aucun mal majeur. Le 9 Mai, j'entrai à Gaëta. Le 10 dudit, M. le commodore Campbell, commandant de la division anglaise, m'envoya un parlementaire pour me donner avis par écrit que le 9 au soir, il avait reçu des ordres pour laisser librement passer les bâtimens portant le pavillon_tricolore. Le 13 Mai, j'embarquai à mon bord LL. AA. II. Madame-mère et le prince Jérôme Napoléon, et je fis voile pour accélérer mon retour en France. J'arrive dans ce moment, 22 Mai, au golfe Juan, où, ayant beaucoup d'occupation pour le débarquement de LL. AA. et de leurs bagages, je n'ai pu vous adresser un rapport circonstancié de la mission dont on m'a fait l'honneur de me charger, ce que je ferai par la voie de M. le général préfet maritime, aussitôt ma rentrée à Toulon.

J'ai l'honneur, etc.

A bord de la frégate de S. M. I., la Dryade, le 22 Mai 1815. (Signé) SENEZ.

No. 9.

Copie d'une lettre du ministre de l'intérieur au ministre des affaires étrangères.

Monsieur le Duc,

Paris, le 26 Mai 1815.

D'après les ordres de S. M., j'ai l'honneur de vous communiquer les renseignemens qui me sont parvenus par la correspondauce des préfets sur les débarquemens d'hommes, de munitions et d'armes, opérés jusqu'à ce jour par l'Angleterre sur les côtes de France.

D'après un procès-verbal du 10 Mai, rédigé aux Sables par un lieutenant de gendarmerie et un sous-inspecteur des douanes, un pêcheur a été forcé par un bâtiment anglais de prendre à son bord deux individus, dont l'un était le sieur Dannoville, ex-sous-lieutenaut au 2e de hussards, et en dernier lieu, aide-de-camp de M. de Suzannet, maréchal-de-camp, nommé par le comte de Lille; l'autre passait pour son domestique.

Suivant un rapport du capitaine commandant la gendarmerie de Napoléon, un second débarquement a eu lieu quelques jours après à Saint-Gilles, dans le département de la Vendée. Il était

composé d'environ 6 à 800 hommes, d'une assez grande quantité de munitions et d'armes; il y avait même de l'artillerie; ce débarquement, à ce qu'il paraît, a été protégé par 4 ou 5000 insurgés.

Je ne manquerai pas, Monsieur le duc, de vous donner également connaissance des autres événemens de ce genre dont je pourrais être instruit à l'avenir.

Agréez, etc.

Le ministre de l'intérieur,

(Signé) CARNot.

No. 10.

Extrait d'un rapport journalier adressé à S. Exc. le ministre de la guerre par M. le lieutenant-général commandant la 9e division militaire, du 15 Mai 1815.

Le commandant de la gendarmerie de l'Hérault rend comte que, d'après la déclaration du nommé Vallat, capitaine de marine commandant un brick marchand d'Agde, venant de Barcelonne, est rentré dans le port de Cette le 12 Mai, que le capitaine a dé claré à la Santé qu'avant son départ de Barcelonne il était entré un brick de guerre anglais, et que le capitaine dudit brick avait déclaré qu'il faisait partie d'une escadre anglaise de 14 vaisseaux qu'il avait laissée sur les hauteurs de Mahon, destinée à se rendre dans les parages de Toulon, et qu'il devait aller de son côté en croisière sur les hauteurs de Marseille, pour intercepter le commerce français. Ledit Vallat a dit aussi qu'il avait appris à Barcelonne, que l'armée espagnole se rassemblait dans l'inté rieur de l'Espagne pour marcher sur la frontière de la France. Il a ajouté que le duc d'Angoulême était parti le 4 ou le 5 Mai pour se rendre à Madrid, et qu'en Espagne on ne recevait plus les Espagnols ni même les Français, et que l'on renvoyait tous les Français qui se trouvaient en Espagne,

Pour extrait,

Le chef de la 3e division,

(Signé) Le baron SALAMON. Nota.-Le commandant de la place de Cette, en confirmant ces détails, a ajouté, d'après la déclaration du même capitaine Vallat, que M. Blondel, consul de France, n'était plus reconnu en cette qualité, qu'il avait été renvoyé à l'Aignalada, en Catalogne, et la chancellerie de ce consulat obligée de revenir en France.

No. 11.

Copie de l'ordre relatif aux circonstances dans lesquelles on se trouve maintenant contre la France.

Les nouveaux événemens de la France sont aussi d'une grande importance pour notre patrie allemande. Dans leur déclara

tion du 12 Mars, les hautes puissances alliées ont déjà prononcé sur les événemens, et ont fait connaître leurs intentions. Leur étroite union et la coopération de tous les peuples garantit le succès de la bonne cause, et assurera d'une manière stable la prospérité de la paix. C'est avec une ferme confiance que nous pouvons attendre l'exécution des fortes et grandes mesures, qu'en cet instant elles auront déjà décidées. C'est avec une égale confiance que la commission administrative du pays compte sur la droiture réputée et sur le dévouement des habitans du pays du Rhin, depuis la Queich jusqu'à la Moselle, et qu'ils s'emploieront de tous leurs efforts pour le bien général des Etats, des succès desquels dépend leur bonheur particulier. Cependant, pour éloigner davantage l'influence pernicieuse que les circonstances, dans lesquelles se trouve la France, pourraient exercer sur ce pays, la commission administrative se trouve obligée d'ordonner ce qui suit :

Art 1er. L'exportation en France des vivres, chevaux et munitions de guerre de tous les genres, vu le besoin qu'on pourrait avoir de ces objets, est défendue sous peine de confiscation.

2. Ce n'est que pour un cas pressant qu'il pourra être permis aux habitans de la campagne de se rendre en France. Les passeports délivrés par les directeurs des cercles devront, pour avoir de la validité, être revêtus de l'approbation de la commission administrative. Les directeurs de cercles devront, en conséquence, les soumettre au visa, en énonçant particulièrement les relations des personness et les motifs de leur voyage.

3. Tous ceux qui commettront des actions ou des discours contraires aux intérêts de la commune patrie allemande, et aux déclarations des hautes puissances alliées, seront arrêtés comme perturbateurs du repos public, et punis selon la sévérité des lois. Toutes les autorités sont chargées, en ce qui les concerne, de l'exécution du présent ordre.

Kreusnach, le 31 Mars 1815.

(Signé)

La commission administrative Austro-Bavaroise.
DE ZWACKH DE DROSZDICK,
No. 12.

Du 26 Avril 1815.

Le directeur des postes de Strasbourg donne communication d'une lettre de celui de Kehl, en date du 19 du courant, par laquelle ce dernier le prévient qu'il a reçu ordre de ne plus lui expédier de dépêches, et de ne plus recevoir les siennes, attendu que toute correspondance avec la France est interdite.

Le postillon de Kehl, porteur de cet avis, a demandé, de la part d'un commis de la poste, des journaux français, qui lui ont été donnés.

Le directeur de Saarbruck écrit, en date du 21, que la cor

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