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LIVRE IX

DE LOUIS XIII A LOUIS XV

INFLUENCE DE PORT-ROYAL

Sommaire

Eclat littéraire du xvne siècle.

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Education au XVIIe siècle. — Vi

cissitudes de l'enseignement des Jésuites. Action de Richelieu. Education sous la Fronde. Descartes. Les solitaires de Port-Royal. Leur enseignement. Leurs petites écoles. - Théorie du père Jouvency. Education des jeunes filles. - Fénelon. Education donnée à Saint-Cyr. Mme de Maintenon. - Education des princes par Bossuet et Fénelon.

Les cent années qui séparent l'avénement de Louis XIII de celui de Louis XV brillent de l'éclat merveilleux des lettres. C'est le grand siècle de l'éloquence et de la poésie en France. Les hommes illustres en tout genre y abondent avec tant de richesse qu'on ne sait ce qu'il faut admirer le plus,

de la puissance royale qui suscite le génie ou de l'inspiration qui obéit si promptement à la puissance. Nous ne raconterons pas cette marche triomphante de la littérature française, qui commence à Corneille et à Balzac, et s'élève, sans repos et sans intervalle, grâce aux chefs-d'œuvre de Boileau et de Racine, de Bossuet et de Fénelon, de La Fontaine, de Molière, de tant d'autres qui ont fait la gloire de leur âge et qui charment la postérité.

L'antiquité, rendue à notre admiration par la Renaissance, n'était plus seulement un objet d'étude; elle avait produit, si l'on ose le dire, une antiquité nouvelle, où la pureté du goût, le sentiment de l'idéal, l'harmonieux concours de la pensée et de la forme, empruntaient une force inconnue au génie de la religion chrétienne, au spiritualisme, soumettant le monde visible, sans en répudier les poétiques splendeurs.

Ce grand tableau, qui a eu ses peintres illustres, n'a pas besoin de notre faible crayon, et, si nous signalons quelques traits en passant, ce sera pour relever par un peu de lumière le sujet plus austère et plus humble que nous avons choisi.

L'éducation ressort moins sur ce fond si écla→ tant, où les nuances se perdent dans les rayons,

que sur la trame plus obscure du x siècle, ou parmi les essais hardis, variés, multiples du xvro. Il semble que la réforme de 1600, s'accordant avec les développements d'un pouvoir mieux réglé, marque une sorte de point d'arrêt dans la culture des intelligences. Celles-ci cherchent moins leur aliment qu'elles ne jouissent de leur conquête. L'enseignement est pacifié avec l'Etat et l'Eglise. Les changements ne seront plus guère que des perfectionnements, jusqu'à ce cataclysme social qui remettra tout en question. Encore ne sera-ce qu'une apparence; car, après le grand ébranlement de la société française, on retrouvera les mêmes éléments, qu'on devra replacer dans leur ordre, modifiés selon l'esprit des temps nouveaux, mais qui auront gardé leur valeur intime et première, et ne se compliqueront pas d'innovations bien originales, parce que le nécessaire était trouvé.

Les Jésuites avaient souffert plusieurs vicissitudes. Attaqués, en 1594, par une véhémente plaidoirie d'Antoine Arnauld, avocat de l'Université, soutenu par Dollé, avocat des curés de Paris (1), ils s'entendirent imputer tous les méfaits de la Li

(1) Hist. du coll. de Louis-le-Grand, par Emond, p. 51.

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gue vaincue. Ils furent bannis du royaume, dans le mois de décembre de la même année, à la suite de l'attentat commis par Jean Châtel, parce que ce misérable, élevé à Paris dans leur collége, prétendit que ses maîtres lui avaient enseigné le régicide.

Peu après, en mars 1595, l'Université assemblée rendait un décret par lequel elle se reconnaissait à jamais la cliente obligée et fidèle de son avocat, et manifestait sa gratitude tant envers lui qu'envers sa postérité (1).

Cependant, les Jésuites n'avaient réellement fermé leurs maisons que dans le ressort des parlements de Paris, de Bourgogne et de Normandie. Partout ailleurs, on pensa qu'il était injuste de faire porter à tout un corps la peine des coupables doctrines de quelques hommes, égarés par la passion politique, et dont les contradicteurs bruyants avaient bien à faire oublier, pour leur compte, plus d'une erreur et plus d'une violence (2). Maintenus à Toulouse, au Puy, à Auch, Agen, Rodez, Périgueux, Bordeaux, Limoges, Tournon, Aubenas et Béziers; réintégrés

(1) Sainte-Beuve, Hist. de Port-Royal, t. I, p. 76. (2) Emond, p. 68.

à Lyon et à Dijon, installés à la Flèche dans une maison royale (1), ils se virent enfin rappelés à Paris même, après quatorze ans d'exil, par des lettres-patentes de la reine-mère, qui leur permettaient << de faire leçons publiques en toutes sortes de sciences et autres exercices de leur profession au collège de Clermont (2). » Leur royale protectrice insistait sur ce que la clôture du collége de Clermont faisait un tort notoire à l'Université ellemême, en diminuant l'affluence de ses écoliers.

L'Université ne se laissait pas séduire à ces belles paroles. La vieille rivalité, la jalousie accrue par les succès d'une concurrence infatigable, durait toujours. Il y eut opposition à l'entérinement des lettres-patentes. Le parlement allait juger encore une fois la querelle, lorsque le procès fut remis, sur un ordre du souverain (3).

Les Jésuites, à défaut d'arrêt, prirent un biais pour ressaisir l'instruction de la jeunesse parisienne. Ils payèrent de pauvres régents qui prêtèrent leurs noms, et à l'ombre desquels ils recommencèrent à enseigner. Trois ans après seulement,

(1) En 1603.

(2) Bazin, Hist. de France sous Louis XIII, t. I, p. 406. (3) Ibid., p. 108.

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