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la place même pour laquelle ils ont exécuté leurs ou

vrages.

A Notre-Dame, vous admirerez le prodige de la peinture, cette Descente de Croix, dont la renommée est dans tout le monde.

Aux Dominicains, vous vous arrêterez devant les boiseries qui tapissent toute son étendue intérieure, encadrant une foule de tableaux, souvent fort remarquables; sculpture d'un travail prodigieux, que l'on n'obtiendrait pas aujourd'hui avec d'immenses sacrifices. C'est une suite de confessionnaux, ce sont des stalles d'une finesse d'exécution, d'une richesse d'ornemens que nous sommes loin d'atteindre dans les ouvrages de ce genre, si rares en ce siècle positif, où règne l'angle droit avec son despotisme mathématique, où nos meubles les plus soignés n'affectent guère que des formes réglées par le compas, où l'art enfin se réduit trop souvent à la géométrie descriptive.

L'église des Jésuites, bâtie d'après le plan donné par Rubens, ne vous étonnera pas moins par le caractère particulier de son style, un peu bizarre.

A Saint-Jacques, vous trouverez, sur le pavement d'une chapelle, derrière le chœur, une inscription latine qui vous apprendra, que là, devant un de ses tableaux représentant une Sainte-Famille, reposent les

dépouilles mortelles du plus grand peintre qui ait jamais foulé le sol d'Anvers.

C'est cette église, d'une architecture élégante et hardie, c'est ce monument, devenu fameux par les cendres célèbres qu'il recouvre, et enrichi par les chefs-d'œuvre de Verbruggen, de Van Balen, de Zegers, de Jean Hemmelinck, de Willemsens, de Vervoort-le-vieux, d'Arnold Quillyn, de Kerckx, de Corneille Schut, de Van Dyck et de Rubens lui-même, que M. Génisson nous montre, dans sa plus grande étendue (voy. no 222 1). Examinons le parti que l'artiste a tiré de son sujet.

La nef principale de l'église est vue de l'entrée. Au fond, le chœur est fermé par des autels latéraux surmontés d'un jubé. Devant l'un de ces autels passe une procession qui se dirige vers la sortie. Déjà le suisse, marchant à pas majestueux, et le porte-guidon qui le suit, sont arrivés au milieu de l'église, vis-à-vis de la chaire de vérité. Une foule de fidèles sont agenouillés, des deux côtés de la nef, laissant un espace vide assez large pour la procession.

Le peintre s'est attaché surtout à rendre l'édifice avec exactitude. Son effet principal consiste dans une gerbe de lumière tombant, vers le centre de son tableau, sur rang de colonnes de gauche et sur le groupe que for

le

1 Hauteur m. 1,20, largeur 0,94.

ment la procession et les assistans. Dans la partie supérieure de la voûte fortement éclairée, la lumière joue à travers la vapeur légère qui s'y trouve réunie, et produit un effet piquant.

Il y a dans ce morceau un grand mérite, surtout sous le rapport du dessin et de l'heureuse distribution de la lumière; l'artiste a rendu avec exactitude et même avec charme tout ce que l'église lui offrait d'intéressant ; ses détails sont aussi délicatement traités que son ensemble est bien rendu. Nous voudrions pourtant trouver un peu plus du ton solennel qui fait le caractère des temples catholiques, qui inspire le recueillement et la prière. Ces nefs, ces voûtes ont trop un air de fête. Certes, tout cela est vrai, tout cela se voit chaque jour, dès qu'un rayon de soleil illumine l'édifice; aussi nous garderonsnous bien de faire à M. Génisson un grave reproche de sa fidélité à rendre ce qu'il a vu; mais nous l'engageons à tâcher, une autre fois, de nous faire éprouver ce qu'il aura lui-même éprouvé intérieurement. Son tableau no 221, Vue de Sainte-Gudule, à Bruxelles, répond mieux à l'idée que nous nous faisons du but de la peinture appliquée à la reproduction des édifices consacrés à la religion.

L'auteur nous a montré la nef latérale de droite, près du chœur. Il y a mis une dame du xvir siècle, venant visiter le tombeau d'un de nos ducs. Il y a du recueille

ment sous ces voûtes assombries avec art, qu'éclaire un jour qui a traversé les verrières des magnifiques fenêtres peintes. Le reflet de ces vitraux sur les piliers, cette couleur fraîche et brillante, comme égarée sous ces ombres tranquilles, semble un souvenir du monde placé là, à dessein, pour faire ressortir la tranquillité, le calme des autels.

C'est bien là l'église catholique, l'asile du pénitent et du malheureux, le refuge de quiconque a une peine au cœur, le lieu de repos où le voyageur, fatigué du fardeau du jour, vient s'asseoir et rafraîchir sa tête, sûr de trouver une pensée consolatrice sous l'influence de ces voûtes qu'habite l'esprit de Dieu.

Nous ne terminerons pas sans adresser à l'auteur une autre observation, qui porte sur la manière dont il rend les murailles blanches dans ses églises. C'est se tromper que de croire que le blanc soit par lui-même froid, dans ces sortes de tableaux; les belles productions du Hollandais Emm. Dewit prouvent assurément le contraire; il a su, en restant vrai, leur donner de la chaleur. M. Génisson nous paraît s'écarter un peu de la nature dans cette partie, où, au lieu de rendre exactement les tons riches que présentent les murailles blanches, il invente une couleur chatoyante et rousse qui affadit au lieu de fortifier l'effet.

Nous osons prédire un bel avenir à M. Génisson, surtout s'il s'attache à mettre une pensée dans ses compositions : il est maintenant maître de ses moyens, il vaincra les difficultés de l'art; qu'il exprime dorénavant ses pensées d'artiste.

Nous lui conseillerons encore de ne pas trop charger ses intérieurs de personnages, de crainte de détruire l'effet qui, pour lui, doit particulièrement résulter des proportions et des dispositions architecturales.

C'est surtout dans la pensée de l'architecte qu'il doit s'efforcer d'entrer, lorsqu'il voudra représenter un monument gothique; car les grands poëtes qui, au moyen âge, écrivaient leurs poëmes avec la pierre, y ont toujours mis une intention mystique, dont nos constructeurs modernes ne paraissent pas se douter.

C'est cette intention que le peintre doit soigneusement rechercher; il doit s'en pénétrer, s'élever à sa hauteur, et la traduire avec son pinceau.

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