Les chantres bourfouflés des rois Qui pouront élever leurs voix, Et parler de ce que vous faites? C'eft à vous feul de vous chanter Vous qu'en vos mains j'ai vu porter La lyre & la lance d'Achille; Vous qui rapide en votre style, Comme dans vos exploits divers, Faites de la profe & des vers, Comme vous prenez une ville. D'Horace heureux imitateur, Sa gaîté, fon efprit, sa grace, Ornent votre ftyle enchanteur : Mais votre mufe le furpaffe Dans un point cher à notre cœur. L'empereur protégeait Horace Et vous protégez l'empereur. Fils de Mars & de Calliope Et digne de ces deux grands noms, Faites le deftin de l'Europe, Et daignez faire des chanfons ; Et quand Thémis avec Bellone, Par votre main raffermira Des Céfars le funefte trône : Quand le Hongrois cultivera, A l'abri d'une paix profonde,
Du Tokai la vigne féconde: Quand partout fon vin fe boira, Qu'en le buvant on chantera Les pacificateurs du monde ; Mon prince à Berlin reviendra ; Mon prince à fon peuple qui l'aime, Libéralement donnera
Un nouvel & bel opéra, Qu'il aura compofé lui-même. Chaque auteur vous applaudira; Car tout envieux que nous fommes Et du mérite & d'un grand nom, Un poëte eft toujours fort bon A la tête de cent mille hommes. Mais croyez-moi, d'un tel fecours Vous n'avez pas befoin pour plaire; Fuffiez-vous pauvre comme Homère, Comme lui vous vivrez toujours. Pardon, fi ma plume légère, Que fouvent la votre enhardit, Ecrit toujours au bel - efprit Beaucoup plus qu'au roi qu'on révère. Le Nord à vos fanglans progrès, Vit des rois le plus formidable; Moi qui vous approchai de près, Je n'y vis que le plus aimable.
'Irai chez vous, duc adorable,
Vous, dont le goût, la vérité, L'efprit, la candeur, la bonté, Et la douceur inaltérable, Font refpecter la volupté, Et rendent la fageffe aimable. Que dans ce champêtre séjour Je me fais un plaifir extrême De parler fur la fin du jour, De vers, de mufique, & d'amour, Et pas un feul mot du fyftême * De ce fyftême tant vanté, Par qui nos héros de finance Embourfent l'argent de la France, Et le tout par pure bonté : Pareils à la vieille fybille, Dont il eft parlé dans Virgile, Qui poffédant pour tout tréfor
*Le fyftême de Mr. Law, qui bouleverfa la
France en 1720. Cette lettre eft de ce tems-là.
Des recettes d'énergumêne, Prend du Troyen le rameau d'or, Et lui rend des feuilles de chêne.
Peut-être les larmes aux yeux, Je vous aprendrai pour nouvelle, Le trépas de ce vieux goutteux, Qu'anima l'efprit de Chapelle. L'éternel abbé de Chaulieu Paraîtra bientôt devant Dieu ; Et fi d'une mufe féconde
Les vers aimables & polis
Sauvent une ame en l'autre monde,
Il ira droit en Paradis.
L'autre jour à fon agonie
Son curé vint de grand matin
Lui donner en cérémonie
Avec fon huile & fon Latin, Un paffe - port pour l'autre vie. Il vit tous fes péchés lavés D'un petit mot de pénitence, Et reçut ce que vous favez Avec beaucoup de bienféance.
Il fit même un très beau fermon
Qui fatisfit tout l'auditoire. Tout haut il demanda pardon, D'avoir eu trop de vaine gloire.
C'était là, dit-il, le péché Dont il fut le plus entiché : Car on fait qu'il était poëte; Et que fur ce point tout auteur, Ainfi que tout prédicateur, N'a jamais eu l'ame bien nette. Il fera pourtant regretté,
Comme s'il eût été modefte.
Sa perte au Parnaffe eft funefte. Prefque feul il était resté
D'un fiécle plein de politeffe. On dit, qu'aujourd'hui la jeuneffe A fait à la délicateffe
Succéder la groffiéreté,
La débauche à la volupté, Et la vaine & lâche pareffe
A cette fage oifiveté
Que l'étude occupait fans ceffe. Pour notre petit Genonville,
Si digne du fiécle paffé,
Et des faifeurs de vaudeville,
Il me paraît très
D'abandonner pour vous la ville. Le fystème n'a point gâté Son efprit aimable & facile; Il a toujours le même stile,
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