Images de page
PDF
ePub

Mes niéces au lieu de prière,
Et mon janfenifte de frère *
Riraient à mon enterrement;
Et j'aurais l'honneur feulement,
Que quelque mufe médifante
M'affublerait pour monument
D'une épitaphe impertinente.
Vous voyez donc très-clairement,
Qu'il eft bon que je me conferve,
Pour être encor témoin longtems
De tous les exploits éclatans
Que le Seigneur DIEU vous réserve.

* L'auteur avait un frère, tréforier de la chambre des comptes, qui était en effet un janfeniste ou

tré, & qui fe brouillair toujours avec fon frère toutes les fois que celui-ci difait du bien des jéfuites.

S 2

A MON

A MONSIEUR

DE GENONVILLE, *

SUR

UNE MALADIE.

E me foupçonne point de cette vanité

NE

Qu'a notre ami Chaulieu de parler de lui-même : Et laiffe-moi jouïr de la douceur extrême,

De t'ouvrir avec liberté

Un cœur qui te plait & qui t'aime.
De ma mufe, en mes premiers ans,

Tu vis les tendres fruits imprudemment éclorrë;
Tu vis la calomnie avec fes noirs ferpens,

Des plus beaux jours de mon printems
Obfcurcir la naiffante aurore.

D'une injufte prison je fubis la rigueur;
Mais au moins de mon malheur

Je fus tirer quelque avantage;
J'apris à m'endurcir contre l'adverfité,
Et je me vis un courage

Que je n'attendais pas de la légèreté,
Et des erreurs de mon jeune âge.

Dieux !

Cette lettre eft de l'année 1719.

Dieux! que n'ai-je eu depuis la même fermeté !
Mais à de moindres allarmes

Mon cœur n'a point réfifté.

Tu fais combien l'amour m'a fait verfer de larmes.

Fripon, tu le fais trop bien,

Toi dont l'amoureuse adreffe
M'ôta mon unique bien :
Toi dont la délicateffe,
Par un fentiment fort humain,
Aima mieux ravir ma maîtreffe,

Que de la tenir de ma main.

Mais je t'aimai toujours, tout ingrat & vaurien;
Je te pardonnai tout avec un cœur chrêtien,
Et ma facilité fit grace à ta faiblesse.

Hélas! pourquoi parler encor de mes amours?
Quelquefois ils ont fait le charme de ma vie ;
Aujourd'hui la maladie

En éteint le flambeau peut-être pour toujours.
De mes ans paffagers la trame eft raccourcie ;
Mes organes laffés font morts pour les plaifirs;

Mon cœur eft étonné de fe voir fans défirs.
Dans cet état il ne me refte

Qu'un affemblage vain de fentimens confus,
Un préfent douloureux, un avenir funeste,
Et l'affreux fouvenir d'un bonheur qui n'eft plus.
Pour comble de malheur je fens de ma penfée

Se déranger les refforts;

Mon 'efprit m'abandonne, & mon ame éclipfée
Perd en moi de fon être, & meurt avant mon corps.
Eft-ce là ce rayon de l'effence fuprême,

[blocks in formation]

Qu'on nous peint fi lumineux ?

Eft-ce là cet efprit furvivant à nous-mêmes ?
Il nait avec nos fens, croît, s'affaiblit comme eux;
Hélas, périrait-il de même ?

Je ne fais, mais j'ose espérer,

Que de la mort, du tems & des deftins le maître,
Dieu conferve pour lui le plus pur de notre être,
Et n'anéantit point ce qu'il daigne éclairer.

A MA

A MADAME

DE

FONTAINE-MARTEL. *

[ocr errors]

En 1732.

Très fingulière Martel,

J'ai pour vous eftime profonde:

C'est dans votre petit hôtel

C'eft fur vos foupers que je fonde
Mon plaifir, le feul bien réel

Qu'un honnête homme ait en ce monde.
Il eft vrai, qu'un peu je vous gronde ;
Mais malgré cette liberté,

Mon cœur vous trouve, en vérité,
Femme à peu de femmes feconde ;
Car fous vos cornettes de nuit,
Sans préjugés & fans faibleffe
Vous logez efprit qui féduit,
Et qui tient fort à la fageffe.
Or votre fageffe n'eft pas

*La comteffe de Fontaine-Martel, fille du préfident Desbordeaux; elle

S 4

[ocr errors]

Cette

était telle qu'elle eft peinte ici. Sa maison était très-libre & très-aimable.

« PrécédentContinuer »