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Que lui reviendrait-il de fes brutes ouvrages?
On ne peut donc lui plaire, on ne peut l'offenser;
Il n'a rien à punir, rien à récompenfer.

Dans les cieux, fur la terre, il n'eft plus de juftice.
4) Pucelle eft fans vertu, des Fontaines fans vice.
Le deftin nous entraine à nos affreux penchans,
Et ce cahos du monde eft fait pour les méchans.
L'oppreffeur infolent, l'ufurpateur avare,
Cartouche, Miriweis, ou tel autre barbare,
Plus coupable enfin qu'eux, le calomniateur
Dira: Je n'ai rien fait, DIEU feul en eft l'auteur;
Ce n'est pas moi, c'eft lui qui manque à ma parole,
Qui frappe par mes mains, pille, brûle, viole..
C'eft ainfi que le DIEU de juftice & de paix,
Serait l'auteur du trouble, & le DIEU des forfaits.
Les triftes partifans de ce dogme effroyable
Diraient-ils rien de plus s'ils adoraient le Diable?

J'étais, à ce discours, tel qu'un homme enyvré,
Qui s'éveille en furfaut, d'un grand jour éclairé,
Et dont la clignotante & débile paupière
Lui laiffe encor à peine entrevoir la lumière.
J'ofai répondre enfin, d'une timide voix:
Interprète facré des éternelles loix,

Pourquoi, fi l'homme eft libre, a-t-il tant de faibleffe?
Que lui fert le flambeau de fa vaine sageffe?
Il le fuit, il s'égare; & toujours combattu,

a) L'abbé Pucelle, célèbre confeiller au Parlement. L'abbé des Fontaines, homme fouvent repris de Justice, qui te

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nait une boutique ouverte, où il vendait des louanges & des fatyres.

Il embraffe le crime en aimant la vertu.
Pourquoi ce roi du monde, & fi libre & fi fage,
Subit - il fi fouvent un fi dur esclavage?

L'efprit confolateur à ces mots répondit :
Quelle douleur injufte accable ton efprit?
La liberté, dis-tu, t'eft quelquefois ravie :
DIEU te la devait-il immuable, infinie,

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Egale en tout état, en tout tems, en tout lieu?

Tes deftins font d'un homme,& tes vœux font d'un DIEU.

Quoi! dans cet Océan cet atome qui nage

Dira: L'immensité doit être mon partage?

Non, tout eft faible en toi, changeant & limité;
Ta force, ton esprit, tes talens, ta beauté.

La

nature, en tout fens, a des bornes prescrites, Et le pouvoir humain ferait feul fans limites! Mais, di-moi, quand ton cœur, formé de paffions, Se rend malgré lui-même à leurs impreffions, Qu'il fent dans fes combats fa liberté vaincuë, Tu l'avais donc en toi, puifque tu l'as perduë? Une fievre brûlante, attaquant tes refforts, Vient, à pas inégaux, miner ton faible corps. Mais, quoi! par ce danger répandu fur ta vie, Ta fanté pour jamais n'est point anéantie. On te voit revenir des portes de la mort, Plus ferme, plus content, plus tempérant, plus fort. Connai mieux l'heureux don que ton chagrin réclame. La liberté dans l'homme eft la fanté de l'ame. On la perd quelquefois; la foif de la grandeur, La colère, l'orgueil, un amour fuborneur D'un défir curieux les trompeufes faillies:

Hélas!

Hélas! combien le cœur a-t-il de maladies?
Mais contre leurs affauts tu feras raffermi;
Pren ce livre fenfé, confulte cet ami.

(Un ami, don du Ciel, eft le vrai bien du fage.)
Voilà l'Helvetius, le Silva, le Vernage, b)
Que le DIEU des humains, promt à les secourir,
Daigne leur envoyer fur le point de périr.
Eft-il un feul mortel de qui l'ame infenfée,
Quand il est en péril, ait une autre pensée ?
Voi de la liberté cet ennemi mutin,
Aveugle partifan d'un aveugle deftin.

Enten comme il confulte, approuve ou délibère;
Enten de quel reproche il couvre un adversaire;
Voi comment d'un rival il cherche à fe

venger,

Comme il punit fon fils, & le veut corriger.

Il le croyait donc libre? Oui, fans doute, & lui-même Dément à chaque pas fon funeste systême.

Il mentait à fon cœur, en voulant expliquer

Ce dogme abfurde à croire, abfurde à pratiquer.
Il reconnaît en lui le fentiment qu'il brave.
Il agit comme libre, & parle comme esclave.
Sûr de ta liberté, rapporte à fon auteur
Ce don que fa bonté te fit pour ton bonheur.
Commande à ta raifon d'éviter ces querelles,
Des tyrans de l'efprit difputes immortelles.
Ferme en tes fentimens, & fimple dans ton cœur,
Aime la vérité, mais pardonne à l'erreur.
Fui les emportemens d'un zèle atrabilaire;
Ce mortel qui s'égare eft un homme, eft ton frère;

b) Fameux médecins de Paris.

Sois

Sois fage pour toi feul, compatiffant pour lui;
Fai ton bonheur, enfin, par le bonheur d'autrui.

Ainfi parlait la voix de ce fage fuprême;i:
Ses difcours m'élevaient au-deffus de moi-même.
J'allais lui demander, indifcret dans mes vœux,
Des fecrets réservés pour les peuples des cieux:
Ce que c'eft que l'efprit, l'efpace, la matière,
L'éternité, le tems, le reffort, la lumière;'
Etranges questions, qui confondent fouvent
Le profond c) s'Gravefande, & le fubtil d) Mairan,
Et qu'expliquait en vain, dans fes doctes chimères,
L'auteur des tourbillons que l'on ne croit plus guères.
Mais, déja s'échappant à mon œil enchanté,
Il volait au féjour où luit la vérité.

Il n'était pas vers moi defcendu pour m'apprendre
Les fecrets du très-haut, que je ne puis comprendre;
Mes yeux d'un plus grand jour auraient été bleffés;
Il m'a dit Sois heureux; il m'en a dit affez.

c) Mr. s'Gravefande, profeffeur à Leide, le premier qui ait enfeigné en Hollande les découvertes de Newton.

d) Mr. Dortous de Mairan gentilhomme de Befiers, fecrétaire de l'académie des fciences de Paris.

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Defcendit jufqu'à moi de la voute des cieux.
Ainfi le trait brillant du jour qui nous éclaire,
Part, arrive, illumine & couvre l'hémisphère:
Il avait pris un corps, ainfi que l'un d'entre eux,
Que nos pères ont vu dans des jours ténébreux,
Sous les traits de Newton, fous ceux de Galilée,
Apporter la lumière à la terre aveuglée.
Ecoute, me dit-il, &c.

Caton fut fans vertu, Catilina fans vice.

Et s'il a daigné dire à mes vœux empreffés
Le fecret d'être heureux, il en a dit affez.

Dans une feconde édition, on ne trouvait que quatre ou cinq vers de changés.

Ce don que fa bonté te fit pour ton bonheur.

Epargne à ta raifon ces difputes frivoles,

Ce poifon de l'efprit né du fein des écoles.
Ferme en tes fentimens &c."

Mes yeux d'un plus grand jour auraient été blessés :
Sois heureux, m'a-t-il dit, n'en est-ce pas assez :

!

TROL

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