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prêchoit fort bien, & le fecond bien fort. Quelqu'un qui vouloit faire la fatyre d'un avocat ignorant, difoit, en plaifantant, qu'il étoit extrêmement cher; qu'il ne donneroit pas un bon confeil pour cent pistoles.

Une jeune veuve étoit la maîtreffe du Marquis d'Ancre, l'idole de la Cour de France, fous Louis XIII. Des Dames, qui favoient que cette veuve venoit de perdre fon mari, trouvoient mauvais qu'elle n'eût pas de voile. Mefdames, répondit un Seigneur, un vaiffeau qui est à l'ancre n'a que faire de voiles.

Une maîtreffe du Marquis de Termes venoit d'être mariée à un homme qui ignoroit les intrigues de cette femme. Elle accoucha un peu avant le temps. On confoloit le mari fur ce prétendu avorton. Mais quelqu'un qui étoit au fait, dit malignement Ne craignez rien, l'enfant vivra, car il eft à Terme : Lettres de Madame Dunoyer.

On difoit dans une compagnie que M. D.***, intéreffé dans les affaires, aimoit les belles-lettres, & qu'il feroit bien fatisfait d'être de l'Académie Françaife. «Comment pourroit-il y prétendre, » repartit un plaifant, lui qui écorche le Français ».

JUGEMENTS REMARQUABLES,

Un jeune Egyptien, épris d'amour pour la

courtifanne Théognide, rêva une nuit qu'il couchoit avec elle, & fentit, à fon réveil, fa paffion refroidie. La courtifanne l'ayant fu, le fit appeller en justice, lui demanda récompenfe, puifqu'elle avoit guéri fa paffion & fatisfait fon defir. Le Juge ordonna que le jeune homme apporteroit, dans une bourse, une fomme d'argent; qu'il la jetteroit dans un baffin, & que la courtifanne fe paieroit du fon & de la couleur des pièces, comme l'E⚫gyptien s'étoit contenté d'un plaifir imaginaire.

Ce jugement fut approuvé de tout le monde, excepté de la courtifanne, qui représenta que le fonge avoit éteint le defir de l'Egyptien; mais qu'au contraire le fon & la couleur de l'or avoit augmenté le fien, & qu'ainfi l'arrêt étoit injuste : Plutarque.

Publius-Dolabella étant proconful d'Asie, il arriva qu'on poursuivit criminellement devant lui une femme qu'on accufoit d'avoir empoisonné fon mari, & un fils qu'elle en avoit eu, parce qu'ils avoient tué un autre fils qu'elle avoit d'un premier lit. Dolabella fe trouvant embarraffé, & ne pou~ vant abfoudre la criminelle, qui étoit duement convaincue, ni la condamner parce qu'elle y avoit été pouffée par l'affaffinat commis en la perfonne d'un fils innocent, renvoya la connoiffance de cette affaire à l'Aréopage, qui pour lors étoit en grande réputation. Ce Sénat ayant mûrement pefé les raifons de part & d'autre, ordonna que l'accufateur & l'accuféé comparoîtroient dans cent ans, pour être jugés en dernier reffort: Valère-Maxime.

Séphinius-Acindynus, Gouverneur d'Antioche, au quatrième fiècle, apprenant qu'un citoyen ne portoit pas à l'épargne la livre d'or à laquelle il avoit été taxé, le fit mettre en prifon; il le menaça même de le faire pendre, s'il ne recevoit cette fomme dans le temps qu'il lui marquoit. Le terme alloit expirer fans que ce pauvre homme se vît en état de fatisfaire le Gouverneur. Sa femme, d'une beauté raviffante, crut devoir, dans ce preffant danger, facrifier ce qu'elle avoit de plus cher pour fauver les jours de fon mari. Elle alla le trouver dans la prifon, & lui communiqua les propofitions que lui avoit fait un homme riche de payer fes faveurs du prix qu'elle defireroit. Le prifonnier l'engagea, lui commanda d'accepter les offres. Elle obéit. Mais l'homme vil qui la déshonoroit, au-lieu de lui donner l'argent promis, fubftitua à la place une bourfe pleine de terre. La femme de retour chez elle, ayant apperçu la tromperie, ea

demanda juftice au Gouverneur, & avoua le fait ingénument. Acindynus, qui reconnut auffi-tôt les fuites honteufes de fa trop grande rigueur, fe condamna d'abord à payer au fifc, la livre d'or; enfuite, il adjugea à la femme la terre d'où étoit prife celle qu'elle avoit trouvée dans la bourse: St Auguftin.

avec

Du temps de Théodoric, Roi de Goths, une femme refufa de reconnoître fon fils, qui avoit été long-temps efclave chez les ennemis. Elle agiffoit ainfi, par les confeils d'un débauché, qui elle entretenoit un commerce criminel. Théodoric, inftruit de ces circonftances, ordonna à cette femme, d'époufer ce jeune homme, puisqu'il n'étoit pas fon fils; mais l'horreur de telles noces la contraignit bientôt d'avouer son injustice.

Sous Pierre-le-cruel, Roi d'Espagne, furnommé le Jufticier, un Chanoine de Caftille ayant tué un cordonnier, fut feulement condamné par fes juges, à n'affifter d'un an dans le chœur. Le fils du cordonnier, défefpéré de cette injuftice, & voulant venger la mort de fon père, tua le Chanoine. Pierre-le-Jufticier informé du fait, fe contenta de condamner le cordonnier à refter un an fans faire de fouliers.

Alfonfe-le-grand, Roi d'Aragon, élevé fur le trône à l'âge de dix-neuf ans, fignala le commencement de fon règne par un jugement semblable à celui de Salomon. Une efclave foutenoit devant lui,que fon maître étoit le père d'un enfant qu'elle avoit mis au monde, & demandoit qu'il la mît en liberté fuivant une loi d'Espagne. Le maître nia le fait. Alfonfe ordonna que l'on vendît l'enfant au plus offrant. Le maître ne put voir livrer fon fils en la puiffance d'un étranger, & après la derniè re enchère, il reconnut fon fils & mit l'esclave en liberté. Lorsque Charles, Duc de Bourgogne, furnommé le Hardi, poffédoit de vaftes domaines, il donna à Claude Rhynfault, Allemand, qui l'avoit bien fervi dans fes guerres, le Gouverne

ment de la capitale de la Gueldre. A peine Rhynfault fut-il pourvu de cet emploi, qu'il jetta les yeux fur Saphira, femme d'une rare beauté, & qui étoit mariée à un riche Marchand de la ville nommé Paul Danvelt. Il mit tout en usage pour s'introduire chez elle; mais, inftruite de fes vues, elle n'oublia rien pour éviter le piége qu'il lui tendoit. Le Gouverneur convaincu qu'il ne réuffiroit jamais par les voies ordinaires, fit emprisonner le mari, fous prétexte qu'il avoit des correfpondances avec les ennemis du Prince. On lui fit fon procès; mais la veille du jour qu'il devoit être exécuté, Saphira courut implorer la clémence du Gouverneur, qui lui dit qu'elle ne pouvoit efpérer de fauver la vie à son mari, qu'en fe rendant à fes defirs. Cette femme ac cablée de douleur, fe tranfporta à la prifon, où elle découvrit à fon mari tout ce qui venoit de fe paffer, & le rude combat qu'elle avoit foutenu entre fa tendreffe pour lui, & la fidélité qu'elle devoit à fa couche. L'époux, honteux d'avouer ce que la crainte de la mort lui fuggéroit, laiffa échapper quelques mots, qui lui firent entendre qu'il ne la croiroit pas déshonorée par une action où il étoit bien perfuadé que fa volonté n'auroit aucune part. Avec cette prière indirecte de lui fauver la vie elle prit congé de lui. Le lendemain matin, elle alla trouver le Gouverneur & fe mit à fa difcrétion. Rhynfault loua fes charmes, fe flatta d'avoir avec elle un commerce libre dans la fuite, & lui dit d'un air cruellement gai, d'aller retirer fon mari de la prifon : mais, ajoutat-il, vous ne devez pas être fâchée fi j'ai pris des mefures afin qu'il ne foit pas à l'avenir un obftacle à nos rendez-vous. Ces derniers mots lui préfagèrent le trifte fort de fon mari, qu'elle trouva exécuté lorsqu'elle fe fut rendue à la prison. Outrée de douleur, elle alla trouver en fecret le Duc de Bourgogne, à qui elle remit un placet qui contenoit le récit de fa funefte aventure. Le Duc le lut avec des mouvements d'indignation & de pitié,

Rhynfault fat mandé à la cour, & confronté avec Saphira. Le Prince lui demanda s'il connoiffoit cette Dame. Dès qu'il put revenir de fa furprise, il dit au Prince, qu'il l'épouferoit, fi fon Alteffe vouloit bien regarder cette démarche comme une jufte réparation de fon crime. Le Duc en parut content, & fit d'abord célébrer le mariage. Il dit enfuite au Gouverneur : Vous en êtes venu-là, forcé par mon autorité; mais je ne croirai jamais que vous ayiez de la tendreffe pour votre femme, à moins que vous ne lui faffiez une donation de tout votre bien, pour en jouir après votre mort. Quand l'acte eut été expédié, le Duc dit à la Dame: Il ne me refte plus qu'à vous remettre en poffe flion du bien que votre mari vous a donné; & là deffus, il commanda que Rhynfault fût mis à mort. Metiren,

Un homme étoit monté au plus haut du clocher d'une Eglife, pour y raccommoder quelque chofe. Il eut le malheur de tomber en bas ; mais en même-temps il fut affez heureux pour ne fe faire aucun mal, & fa chûte ne devint funefte qu'à un homme qu'il écrafa en tombant. Les parents de cet homme attaquèrent en juftice celui qui étoit tombé du clocher, l'accufant de meurtre, & prétendant le faire condamner, fi non à la mort, du moins à de forts dommages & intérêts. L'affaire fut plaidée. Il falloit accorder quelque fatisfaction aux parents du mort. D'un autre côté, les juges ne pouvoient punir un crime dont un accident malheureux étoit la feule cause. Il fut ordonné à celui qui demandoit vengeance, de monter au haut du clocher, & de fe laiffer tomber fur celui qu'il pourfuivoit, lequel étoit obligé de fe trouver précisément au-deffous, dans la même place où le défunt avoit perdu la vie. Un pareil jugement fut la fin du procès.

Un Marchand Turc avoit perdu fa bourse qui contenoit deux-cents pièces d'or. Il s'adreffa au crieur public, à qui il ordonna de déclarer qu'il

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