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ces termes : Quiconque crévera un œil, qu'il en perde un. Tu t'apperçois par-là, reprit Nantéou, combien ta loi eft défectueuse, puifqu'il ne m'en coûte qu'un œil, pour te priver de la vue. Nandiskar lui répondit: Loin de t'en vouloir, je te dois de la reconnoiffance; en me privant des yeux du corps, tu m'as ouvert les yeux de l'efprit. Et vous, fages vieillards, ne rougiffez point d'avouer avec moi que nous avons eu tort.

MARI

Il y a plus de maris qui aiment leurs femmes

que de femmes qui aiment leurs maris; & je crois, dit un Auteur moderne, en avoir trouvé la raison dans l'amour que tous les hommes ont en général pour la liberté. Les femmes dépendent de leurs maris, & les maris ne dépendent point de leurs femmes. Ajoutons à cette penfée, que la plupart des diffenfions qui s'élèvent entre un mari & une femme, viennent le plus fouvent de ce que celle-ci veut fortir de l'état de dépendance où la nature l'a mife. Une Dame vertueufe fut priée, par une autre Dame, de lui apprendre quels fecrets elle avoit pour conferver les bonnes graces de fon mari : C'eft, lui répondit-elle, en faisant tout ce qui lui plaît, & en fouffrant patiemment tout ce qui ne me plaît pas.

Un mari, qui effuyoit fouvent la mauvaise humeur de sa femme, ne lui oppofoit d'autres armes que le filence. Un de fes amis lui dit là-deffus : On voit bien que vous craignez votre femme. Ce n'eft point elle que je crains, repartit le mari,c'est le bruit.

Une très-belle femme, qui n'avoit point d'enfant, & qui ne croyoit pas que ce fût fa faute, ayant un jour un beau diamant au doigt: « Voilà, » lui dit fon mari «‹ un diamant merveilleux, mais

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» fort mal mis en œuvre. Il n'eft pas le feul » répondit-elle « avec un fourire malin. »

On s'eft égayé, à l'exemple des Auteurs comiques, fur le compte des maris ridicules. Un mari appelloit toujours fa femme, ma divine. Cette fadeur, qui déplaifoit généralement, fit dire à quelqu'un qui connoiffoit bien cette femme: Son mari a bien tort de l'appeller ainfi; car, soit dit entre nous, il n'en eft point de plus humaine.

Un fot mari vantoit beaucoup, dans une compagnie, les robes, les dentelles, les bijoux & autres ajuftements de fa femme. Quelqu'un qui favoit ce qui en étoit, lui dit affez plaifamment : « Si » Madame le porte beau, avouez que vous les » portez belles. »

Un homme veuf, qui avoit pris une seconde femme, ne ceffoit de louer devant elle les graces, l'efprit, les talents de la première. Un jour que cet époux, peu galant, recommençoit ce panégyrique devant plufieurs perfonnes, fa femme préfente, il crut s'appercevoir qu'elle murmuroit tout bas. Pardonnez-moi, lui dit-il, les regrets que je donne à la défunte, elle les mérite. Ah! Monsieur, répondit celle-ci, un peu piquée, perfonne, je vous jure, ne la regrette plus que moi.

MARIAGE.

UN Peintre faifoit un tableau de l'Hymen pour

un jeune amant: Je veux qu'il foit accompagné de toutes les graces, lui difoit cet amant paffionné; souvenez-vous fur-tout que l'Hymen doit être plus beau qu'Adonis. Il faut lui mettre en main un flambeau plus brillant encore que celui de l'Amour. Enfin, faites un effort d'imagination, je vous paierai votre tableau à proportion que le fujet en fera gracieux. Le Peintre, qui connoiffoit fa libéralité, n'oublia rien pour le fatisfaire, & lui

apporta le tableau la veille de fes noces. Notre jeune amant n'en fut point fatisfait. Il manque, dit-il, à cette figure, certain air gai, certains agréments, certains charmes; enfin, ce n'est point là l'idée que j'ai de l'Hymen. Vous l'avez fait d'une beauté médiocre, vous ne ferez que médiocrement récompenfé. Le Peintre, qui avoit autant de présence d'efprit que de génie pour la peinture, prit fon parti dans le moment. Vous avez raison, lui dit-il, de n'être pas content de la beauté de mon tableau, il n'est pas encore fec; ce visage eft embu; & pour vous parler franchement, j'emploie mes couleurs de manière que ma peinture ne paroît rien dans les premiers jours. Je vous rapporterai ce tableau dans quelques mois, & pour lors vous me le paierez felon fa beauté, je suis fûr qu'il vous paroîtra tout autre. Adieu, Monfieur, je ne fuis pas preffé d'argent. Ce Peintre remporta fon ouvrage; notre jeune amant fe maria le lendemain; & quelques mois s'écoulèrent fans que le Peintre parût. Enfin, il rapporta le tableau; notre jeune époux fut furpris en le voyant. Vous me l'aviez bien promis, lui dit-il, que le temps embelliroit votre peinture; quelle différence! je ne la reconnois plus : j'admire l'effet du temps fur les couleurs, & j'admire encore plus votre habileté; cependant je ne puis m'empêcher de vous dire que ce vifage eft un peu trop gai, ces yeux un peu trop vifs; car enfin les feux de l'Hymen doivent paroître moins brillants que ceux de l'Amour; ce font des feux folides que ceux de l'Hymen d'ailleurs, l'attitude de votre figure eft un peu trop enjouée, un peu trop libre; & vous lui avez donné un certain air de badinage qui ne caractérise pas tout-à-fait........ Ce n'eft pas là l'Hymen enfin. Fort bien! Monfieur, lui dit le Peintre, ce que j'avois prévu eft arrivé; l'Hymen eft à préfent moins beau dans votre idée que dans mon tableau; c'étoit tout le contraire il y a trois mois ce n'eft point ma peinture qui a changé,

c'eft votre imagination; vous étiez amant pourlors, vous êtes mari maintenant : Dufreny.

On a dit que le mariage étoit le tombeau de l'amour. Un homme de condition s'étoit marié par inclination: quelqu'un qui le connoiffoit contoit dans une compagnie, que depuis qu'il étoit marié, il ne couchoit plus avec. fa femme.

On confeilloit à un père d'attendre que fon fils fût plus fage pour le marier: « Votre confeil » répondit - il ne doit pas être fuivi; car fi mon "fils devient fage, il ne fe mariera point. "

Un Evêque interrogeoit, fur le Catéchifme, une bonne vieille femme, qui n'avoit point été heureuse en mari, & lui demandoit combien il y avoit de Sacrements. Elle répondit qu'il y en avoit fix,qu'elle nomma.Et le Mariage, repartit l'Evêque, qui vous empêche de croire que c'est un Sacrement? c'est une union si fainte, fi douce & fi agréable! Ah! ah! dit la vieille, s'il eft fi bon, que n'en tátez-vous?

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Un amateur confidéroit les fept Sacrements peints par le Pouffin, & trouvoit beaucoup à critiquer dans le tableau qui repréfentoit le mariage. Je vois bien, s'écria cet amateur, qui n'étoit peut-être pas content de fa femme, qu'il eft mal-aifé de faire un mariage qui foit bon, même en peinture.

Sous le règne de S. Louis, les mariés ne pouvoient coucher ensemble la première nuit des noces, ni même les deux fuivantes, fans en avoir acheté la permiffion des Evêques. C'étoit bien ces trois nuits-là qu'il falloit choifir, ajoute M. de Montefquieu; car pour les autres, on n'auroit pas donné beaucoup d'argent.

Les femmes font nos maîtreffes dans la jeuneffe, nos compagnes dans l'âge mûr, & nos nourrices dans la vieilleffe. On a donc, à tout âge, des rai fons de fe marier: Bacon.

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PROPOS

MAXIMES.

ROPOSITION générale, & qui contient une vérité pratique. On a comparé ingénieufement certaines maximes à des écheveaux mêlés. En tient-on un bout? on peut en dévider toute la morale & la politique; mais il faut, à cet ouvrage, employer des mains bien adroites.

Confidérez les différents états de la vie, où la naiffance & l'éducation peuvent vous deftiner, & confultez votre génie avant d'en embraffer aucun. Ce qui perd un homme, & pour sa fortune & pour la réputation, c'eft de fe jetter dans une profeffion qui ne lui convient pas : Bacon.

Vouloir embraffer tous les objets que le tourbillon des affaires offre à nos yeux, c'est s'expofer à n'en faifir aucun. N'ayez qu'un but; employez tout le refte comme des moyens: B.

Vous vous croyez en paffe, parce qu'un homme ` d'un nom ou d'un mérite diftingué vous protège: illufion. Ce n'eft pas toujours un bel inftrument qu'il nous faut, mais un outil commode & maniable. Quand vous recommandez vos intérêts à quelqu'un, n'examinez pas tant fon rang, que fon habileté; fon crédit, que fon affection; s'il fe prête aifément, que s'il fait du choix dans fes engagements: B.

Attachez-vous à la vertu, vous n'aurez pas à vous plaindre de la fortune: B.

O fils d'Adam! que la vertu foit toujours devant tes yeux; & repréfente-la fi belle, qu'il te foit impoffible de ne la pas aimer; fur-tout ne t'occupe point de fes préceptes, fans penfer à fes effets & à fes charmes, donne-lui un corps; saisis-la par tes fens. Sadi,

Fais-toi des images vives du bonheur qui doit être la récompenfe du Sage, & des malheurs où

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