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des jambes, & opéra autant de merveilles qu'il en avoit fait avec les mains. Ces rares talents cependant empêchèrent le Roi de lui donner sa fille; foit que ce Monarquecrûtque le genre pantomime se permettoit trop de licence, foit qu'il jugeât qu'il ne convenoit point à un Prince d'exceller dans un art fi frivole. Pilade & Batylle portèrent chez les Romains l'art de la pantomime à fon plus haut degré de perfection: Voyez Pilade, dans le Dictionnaire des Portraits & Anecdotes des Hommes illuftres.

Rome, fenfible aux beautés de l'art que déployoient à fes yeux les plus excellents pantomimes, n'en étoit que plus févère pour ceux qui fe montroient inférieurs au tableau qu'ils vouloient peindre. Un pantomime qui, à la fin du rôle d'Edipe, étoit cenfé s'être crevé les yeux, manqua de mettre dans fes mouvements le caractère de la fituation. Tu vois encore, lui crièrent les plaifants du parterre; & l'acteur fifflé, n'ofa plus reparoître.

PARAS IT E.

CE nom, quife prend aujourd'hui en mauvaise

part, étoit chez les anciens, un titre honorable. On voit, dans Diodore de Sinope, que les Bardes des Celtes, qui étoient les poëtes de nos aciens Gaulois, les fuivoient à la guerre pour décrire leurs actions héroïques, & qu'on les appelloit par honneur, leurs parafites.

On reprochoit à un de nos parafites modernes, qu'il dînoit fouvent chez les autres. Comment vou lez-vous que je faffe, répondit-il, on m'en preffe, Il eft vrai, repartit quelqu'un, il n'y a rien de plus preffant que la faim. Ceci rappelle ce mot de Diogènes; on le reprenoit un jour de ce qu'il mangeoit en plein marché : Je ne l'aurois pas fait, répondit le philofophe cynique, & la faim ne m'eût pris dans ce même lieu.

Quelqu'un a dit, d'un parasite médifant, qu'il n'ouvroit jamais la bouche qu'aux dépens d'autrui.

PARDON DES INJURES.

LA vengeance eft le vice des enfants, des femmes

ou des efprits pufillanimes. Celui qui a de l'élévation dans l'ame, fe regarde au-deffus des injures du foible, & lui pardonne. L'Empereur Adrien rencontrant un homme qui l'avoit offenfé avant qu'il parvint à l'Empire: Approche, lui dit-il, tu n'as plus rien à craindre de ma part, je fuis Empereur.

Des courtisans de Philippe-le-bel excitoient ce Prince à févir contre un Prélat qui l'avoit offenfé: Je fais, leur répondit-il, que je puis me venger; mais il est beau de le pouvoir & de ne le pas faire.

Cafimir II, Roi de Pologne, jouant un jour avec un de fes gentilshommes qui perdoit tout fon argent, en reçut un foufflet dans la chaleur de la difpute. Ce gentilhomme fut condamné à perdre la tête; mais Cafimir révoqua la fentence, & dit: Je ne fuis point étonné de la conduite de ce gentilhomme; ne pouvant fe venger de la fortune, il n'eft pas furprenant qu'il ait maltraité fon favori: je me déclare d'ailleurs le feul coupable dans cette affaire; car je ne dois point encourager par mon exemple une pratique pernicieufe, qui peut caufer la ruine de la nobleffe: Hift. univ. traduite de l'Anglais.

Louis XII, Roi de France, auparavant Duc d'Orléans, étoit follicité à tirer vengeance de quelques injures perfonnelles qui lui avoient été faites avant de monter fur le trône : il répondit, Que ce n'étoit point au Roi de France à venger les injures faites au Duc d'Orléans.

Lorfqu'on vint dire au grand Colbert, miniftre des finances fous Louis XIV, que le poëte Hénault avoit fait contre lui ce fameux fonnet : Miniftre

lache, &c. Il refufa de le lire, & demanda feulement fi le Roi y étoit attaqué; on lui répondit que non: En ce cas, reprit Colbert, laissez l'auteur tranquille.

Un poëte fatyrique avoit compofé des vers fort injurieux contre le Vifir du Prince Aziz Billah II, Calyphe de la race des Fathimites en Egypte, dans lefquels il n'étoit pas épargné lui-même; ce Vifir lui en porta fes plaintes, & lui demanda le châtiment de l'auteur. Aziz, après avoir lu ces vers, lui dit : « Comme j'ai part avec vous à l'injure, je de"fire que vous preniez part avec moi au mérite du » pardon » : Bibl. Orient.

Le fils d'Aaron Vefchilde, dit le poëte Sadi, vint fe plaindre d'un homme qui avoit calomnié fą mère, & en demander vengeance. Oh, mon fils! lui répond Aaron Vefchilde, tu vas faire plus de tort à ta mère que le calomniateur; tu vas faire croire qu'elle ne t'a point appris à pardonner : Voyez Modération, Bienfaisance,

PASQUINADES,

SORTE

ORTE de fatyres, ainfi nommées à Rome du nom d'une ftatue appellée Pafquin, à laquelle on les attachoit. Cette ftatue, qui eft antique, eft mutilée, & placée dans un carrefour de la ville, On croit communément qu'elle prit fon nom d'un tailleur bouffon du quartier, dont la boutique étoit en quelque forte un bureau de nouvelles, de bons mots, & de traits fatyriques. La ftatue de Marforio, à laquelle on attachoit les réponses à ces fatyres, fert aujourd'hui de fontaine dans une des ailes du capitole. Quoiqu'on n'affiche plus de libelles près de ces ftatues, le nom de Pafquinades néanmoins eft toujours resté à ces fortes de fatyres. En voici quelques-unes.

Un Prince Romain fitaffaffiner le Comte Fioume;

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(en François La Rivière) parce qu'il fréquentoit trop fouvent la Princeffe fa femme. On représenta la Princeffe avec une ligne au milieu du corps pareille à celles qui fervent à marquer à Rome contre les murailles, jufqu'où monte le Tibre dans les inondations, avec ces mots: Ecco dove è arrivato il Fioume l'anno tale.

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Le Pape Clément VII, qui avoit dérangé fa fanté en mangeant beaucoup de melons & de champignons, qu'il aimoit, prit un nouveau médecin qui lui changeatoute fa façon de vivre, & il mourut bientôt après. Les Romains, bien aifes de fa mort, firent tenir le portrait de ce Médecin à Pafquin, & ils écrivirent au-deffous du tableau: Ecce agnus Dei, ecce qui tollit peccata mundi,

Sous Paul III, on fit dire à Pafquin, changé en Perfée : « Qu'on ne doit pas s'étonner de ce qu'il "fe transforme une feule fois, puifque le Pape » change dix fois en une heure. »

Dans une autre fatyre, Pafquin dit : « Ci-de›› vant on donnoit de l'argent aux poëtes pour les "faire parler, combien me donnerez-vous; Paul, » pour me faire taire ? ››

La fignora Camilla, fœur de Sixte V, qui avoit antrefois fait la leffive, étant devenue Princeffe, on vit le lendemain Pafquin avec une chemise fale. Marforio lui demandoit la raifon d'une fi grande négligence. « C'eft » répondit-il « que ma blanchiffeufe eft devenue Princeffe. »

Le Pape Alexandre VIII étant mort, les Cardinaux s'affemblèrent au Vatican & y tinrent le conclave avec les cérémonies accoutumées. Ceux de la faction de France préfentèrent, par politique, le Cardinal Pignatelli, dans l'opinion que les Efpagnols n'y confentiroient pas, & que par ce moyen ils réuffiroient plus fûrement dans leur véritable deffein, qu'ils tenoient fecret. Mais cette rufe n'eut point l'effet espéré, la faction d'Efpagne qui la foupçonnoit, donna fon confentement à l'élection de Pignatelli, qui fut falué Pape fous le

nom

nom d'Innocent XII. Alors Pafquin/dit: Siccine gallus cedidit in ollam; Parbleu, le coq est tombé dans le pot. Il faut, pour failir cette pointe, favoir que pignatella, en Italien, fignifie petit pot.

Un eccléfiaftique, qui avoit plus d'orgueil que de mérite, venoit d'être élevé au Cardinalat, Marforio fut représenté tenant les armes de ce nouveau Cardinal avec un grand chapeau, Pafquin, faifant fa fonction de cenfeur public, lui difoit: Voilà un grand chapeau pour une bien petite tête.

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L'Archevêque de Paris, François de Harlay ayant agi avec beaucoup de zèle contre l'autorité du faint Siége dans l'affemblée du clergé en 1682, il parut à Rome une médaille, représentant ce Prélat à génoux au pied du faint Père. Pasquin étoit debout qui difoit à l'oreille de fa Sainteté Pænitebit, fed non erubefcet: Il fe repentira, mais il ne rougira point. Cette efpèce de prédiction fut accomple; car l'Archevêque mourut au mois d'Août 1695, fans avoir obtenu le chapeau de Cardinal qu'il briguoit.

PASSIONS.

ON n'a de prife fur les paffions, que par les paf

fions; c'eft par leur empire qu'il faut combattre leur tyrannie, & c'eft toujours de la nature même qu'il faut tirer les inftruments propres à la régler. Une anecdote rapportée dans les annales Chinoifes, confirme cette penfée de M. Rouffeau. Vu-ci, Empereur de la Chine, qui règnoit environ 130 ans avant l'ère chrétienne, avoit une maîtreffe qu'il aimoit éperdument. Elle vint à mourir, & cette perte le fit tomber dans une espèce de délire. On imgina toutes fortes de divertiffements pour le diftraire, & le ramener à lui-même, c'étoit en vain. Ses jours alloient être bientôt terminés Tome II.

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