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lorfqu'un Aftrologue fe fervit habilement de fa foibleffe de l'Empereur pour lui perfuader que fa maîtreffe n'étoit pas morte, mais quelle avoit été Seulement tranfportée dans la lune. La douce efpérance renaît dans le cœur du Prince; il demande à faire ce voyage. L'aftrologue lui promet, pourvu qu'il fe prête à tout ce qu'une telle entreprise exige. S'il n'eût été queftion que de faire quatrevingt-dix mille lieues, les Princes favent voyager, mais il s'agiffoit de conftruire une tour, & chacun peut juger de la hauteur qu'il falloit donner à cette tour. « Prince » dit le nouvel architecte, «il eft à propos de commencer par vous pourvoir » d'un autre Empire: le pied de la tour que nous » allons élever, ne peut occuper moins que toute

la vafte étendue de votre domination ». L'Empereur n'avoit encore éprouvé que de paffions douces; fon ambition fe trouve adroitement émue les mouvements qu'elle produit dans le cœur du Prince, abforbent tous les autres, & le changement le plus fubit fe manifefte. Sa fanté se rétablit & il ne s'occupe plus que du gouvernement de ses états.

Nos paffions, femblables à des verres diverfement taillés, changent pour nous la face des objets, fans pour cela que ces objets aient reçu une nouvelle forme. Un gentilhomme fit un jour à Mylord Duc de Bukingham, une longue & fétieufe remontrance für divers griefs publics. Le Duc habile à découvrir ce qui portoit ce gentilhomme à fe plaindre, lui dit: Mon cher ami, vous n'avez que trop de raison d'être mécontent; mais j'ai trouvé un moyen pour remettre toutes chofes en ordre, avant qu'il foit peu. Le faifeur de représentations ne manqua pas de demander quel étoit ce für & prompt remède. Vous allez l'apprendre, répondit le Duc: mais aupravant il faut que vous fachiez qu'il y a une place de cinq-cents livres sterlins par an, qui eft vacante depuis ce matin; j'ai deffein de vous la donner. Le gentilhomme fatisfait, applaudit à tout ce que Bukingham lui dit en faveur

du gouvernement, & finit par avouer qu'il n'y avoit point de nation plus heureuse, que la nation Anglaife; Hift. d'Angleterre.

Souvent les paffions ne nous laiffent confidérer que certaines faces des objets qu'elles nous préfentent; elles nous trompent encore, en nous montrant quelquefois ces mêmes objets où ils n'exiftent pas. C'est ce qu'on a voulu faire entendre par ce petit conte. Un Curé & une Dame galante avoient oui dire que la lune étoit habitée; ils le croyoient; & le télescope en main, tous deux tâchoient d'en reconnoître les habitants. Si je ne mé trompe, dir d'abord la Dame, j'apperçois deux ombres, elles s'inclinent l'une vers l'autre: je n'en doute point, ce font deux amants heureux... Hé ! fi donc, Madame, reprend le Curé, ces deux ombres que vous. voyez, font deux clochers d'une cathédrale.

Lorsqu'une de nos paffions a enchaîné les autres nous croyons avoir triomphé de nous. Ne reffemblons-nous pas prefque tous à ce vieux général de quatre-vingt-dix ans, qui ayant rencontré de jeunes Officiers qui faifoient un peu de défordre avec des filles, leur cria tout en colère: Meffieurs, eft-ce là l'exemple que je vous donne?

Notre paffion dominante eft ce qui meurt le dernier dans nous. Pour prouver cette propofition. Pope, dans une des épitres morales, rapporte plufieurs traits d'après nature. Ce courtisan doucereux, qui, depuis quarante ans, s'est honoré du titre de très-humble ferviteur du genre humain dit encore, lorsqu'il peut à peine remuer les lèvres: «Si dans le lieu où je vais, je pouvois, Mon>> fieur, vous être utile à quelque chofe. »››

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Euclio, caffé de vieilleffe, fait fon teftament. Je donne & lègue (il foupire à ce mot ), mes fiefs à Edouard. Et votre argent, Monfieur? Mon argent? Quoi ! tout?.. Ah! puifqu'il le faut, ajoute-t-il en pleurant, je le donne à Paul. Et votre château, Monfieur? Arrêtez; mon château? Pour cela non.. je ne peux m'en deffaiffir..& ilrend l'ame.

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C'est le ventre d'un faumon qui termine le def tin du glouton Huello. Le Médecin vient, qui déclare qu'il n'y a plus de remède. Dieu bon ! s'écrie Huello, prends pitié de mon ame. Quoi! plus d'efpérance? Hélas! qu'on m'apporte donc la hure.

Un fuaire de flanelle! O ciel ! il y auroit de quoi révolter un Saint, s'écrie le trifte Narciffe fur le point d'expirer. Oh ! je veux être enfevelie dans une toile de Perfe; je veux que mon vifage pâle foit couvert d'une dentelle de Maline... Faut-il faire peur aux gens quand on eft mort? Betly, mets-moi un peu de rouge. Ce dernier trait, qui eft fondé, comme les précédents, fur des faits réels, a été attribué par quelques personnes, à Mademoifelle Oldfied, célèbre actrice du théatre de. Londres.

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PAYSAN.

Na pris plaifir à peindre dans des petits contes, le gros bon fens des paysans, & leur naïveté. Mais ne nous fions pas toujours à leur franchise, qui fouvent n'eft qu'apparente. C'eft auffi cette feinte ingénuité qui donne un certain fel à leurs reparties malignement naïves.

Un bon bourgeois, voyant un jour de fête, fon jardinier plus fier qu'à l'ordinaire, de fentir for chef couvert d'un beau grand chapeau fort pointu, Jui demanda, en badinant: Eh! qui t'a donné ce chapeau de cocu? Monfieur, lui répondit bonnement le ruftique, c'est un de vos chapeaux, dont votre femme l'autre jour, m'a fait préfent.

Un payfan alla confulter un Avocat fur une affaire. L'Avocat, après l'avoir examinée, lui dit qu'il trouvoit fa caufe bonne. Le payfan paya l'Avocat, de fa confultation, & lui demanda: Monfieur, àpréfent que vous êtes payé, dites-moi fincèrement, #rouvez-vous encore mon affaire bonne? ·

Le carroffe d'un Evêque fe trouva arrêté dans un grand chemin, par une charrette. Son cocher eut beau crier au charretier, de fe ranger, l'injurier, le menacer; celui-ci tint ferme, & ne demeura point en refte. Le Prélat impatienté, mit la tête à la portière, & voyant un gros garçon hardi & vigoureux: Mon ami, lui dit-il, vous m'avez l'air d'être mieux nourri qu'appris. « Pardieu, Mon>> feigneur, répond le pitaud « cela n'eft point éton»nant, c'eft nous qui nous nourriffons, & c'est » vous qui nous inftruisez. »

La France victorieufe fous le dernier règne, avoit néanmoins à foutenir une guerre difpendieufe; ce qui obligeoit de doubler les impôts & les fubfides. Un payfan, entr'autres, fouffroit impatiemment qu'on eût augmenté fa taille. En vain lui repréfentoit-on qu'il devoit payer gaiement, puifque les impôts étoient fi bien employés, & que les Français gagnoient beaucoup fur les ennemis. Quoi! dit-il, nous gagnons, & nous mettons toujours au jeu!

Deux Suiffes, le fabre à la main, fe battoient à outrance dans une place. Un paysan paffe par-là, & le cœur ému de compaffion, s'efforce de les féparer; mais, le pauvre diable, pour toute récom penfe de fon zèle, reçoit à la tête, un coup de fibre qui le jette à la renverfe. On appelle un chirurgien qui veut voir fi la cervelle eft atteinte. Ah! tout beau, dit le payfan, je n'en avois point lorsque je me fourrai dans cette querelle.

Au dernier fermon d'une mission faite à une paroiffe de la campagne, tout le monde fondoit en larmes, hors un payfan. Un autre lui dit : Mais tu ne pleure pas... Je ne fuis pas de la paroiffe.

Un Evêque donnant la bénédiction, un payfan n'ôta pas fon chapeau. Comme on le reprit: Si elle eft bonne, dit-il, elle paffera le capel.

Un gros ruftique apportant, de la part de fon maître, un panier de poires à un Seigneur, trouva deux gros finges fur l'efcalier, qui avoient

des habits bleus, brodés d'or, & une épée à leur côté, ils fe jettèrent fur fon panier pour avoir du fruit. Le payfan qui n'avoit jamais vu de tels anìmaux, leur ôta fon chapeau civilement, & les laiffa faire ce qu'ils voulurent. Quand il eut fit fon préfent, le maître de la maifon lui demanda, pourquoi ne m'as-tu pas apporté le panier tout plein? Monfieur, dit le payfan, il étoit tout plein; mais Meffieurs vos enfants m'en ont pris la moitié. Les domeftiques, qui avoient été témoins de la scène, découvrirent la naïveté, & apprêtèrent à rire à toute l'affemblée.*

Le père d'un payfan fe mouroit. Le payfan fut, la nuit, trouver le Cure, & demeura trois heures à fa porte, à heurter doucement. Le Curé lui dit : Que ne heartiez-vous plus fort? J'avois peur, ditil, de vous réveiller.- Qu'y a-t-il, dit le Curé? Mon père fe mouroit, dit le payfan, quand je fui parti. Le Curé dit: Il fera donc mort à-préfent; je n'y ai plus que faire. Oh! non, Monfieur, reprit le payfan, Pierrot, mon voisin, promis qu'il l'amuferoit.

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Deux jeunes femmes, affifes fur du gazon dans une plaine, voyant paffer un payfan dont les che veux étoient blancs, lui demandèrent d'un ton railleur, s'il avoit déjà neigé fur les montagnes ? Il le faut bien, répondit le bon homme, avec un air de fimplicité, puifque les vaches font defcendues dans la plaine.

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Une jeune villageoife couroit après fon âneffe: un Gentilhomme, la trouvant affez jolie, lui demanda d'où elle étoit. De Ville-Juif, répondit elle. Mais vous devez connoître la fille de Nicolas Quillot; faites-moi l'amitié de lui porter un baifer de ma part; & en même-temps, il chercha à l'embraffer. Mais cette jeune fille s'y oppofant lui dit: Monfieur, fi vous êtes preffé, donnez-le à mon áneffe, elle fera arrivée plus tôt que moi ; & en même-temps.elle s'échappa des bras de ce galant, Un payan étant à confeffe, s'accufoit d'avoir

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