Images de page
PDF
ePub
[ocr errors]

PLAGIAIRE.

N. Poëte, reconnu pour plagiaire, fe vantoit orgueilleufement de fa prétendue facilité à faire des vers, & difoit que les plus longs poëmes ne lui coûtoient rien. Oh! je le crois, répondit quelqu'un, fatigué de ces propos : qui doute qu'on n'ait bon marché de ce que l'on vole à tout le monde ?

PLAIDEURS.

On pourroit faire bien des contes de plaideurs

dupés. En effet, ils le font tous dès le moment qu'ils commettent leur fort ou leur fortune au jugement incertain des hommes. Deux nouveaux mariés paffoient par un bois; ils entendent le coucou chanter. C'est pour toi, dit l'un, que l'oifeau chante. L'autre qui recevoit mal cette plaifanterie, lui répondit avec aigreur : c'eft pour toi-même; il accompagne fa réponse, d'injures piquantes. La converfation s'échauffe, elle dégénère en querelle, les coups fuccèdent, on eft obligé de les féparer. Ils auroient fait fagement d'en refter là; mais celui qui fe croyoit le plus offenfé, intente un procès criminel à l'autre. Ils fe ruinent en frais. La Juftice profite de leur querelle, & après avoir affez gagné dans cette affaire, les renvoie hors de Cour & de procès, dépens compenfés. Meffieurs, dit un Procureur aux fots plaideurs, ce n'eft pas pour vous que le coucou a chanté, mais c'eft pour moi. Les plaideurs s'en apperçurent auffi à leur bourse, mais il étoit trop tard.

On a rapporté dans le Mémoire hiftorial, ou le Rofier des guerres, ce confeil donné par S. Yves à

une veuve qui fe trouvoit dans une circonftance embarraffante. Deux hommes étant arrivés à Tours, dans une hôtellerie, donnèrent en garde à l'hôteffe, qui étoit veuve, un fac d'argent, fous l'obligation de ne le remettre à aucun d'eux en particulier, mais feulement lorfqu'ils l'exigeroient conjointement. Quelque temps après, l'un d'eux revint le redemander, difant qu'ils étoient preffés de faire un paiement. La veuve, fans fonger à l'obligation qui lui étoit impofée, donna le fac. Mais celui-ci ne l'eut pas plus tôt entre les mains, qu'il s'évada. Quelques jours après, l'autre vint auffi le demander; & comme cette femme lui dit qu'elle l'avoit donné à fon camarade, il la fit affigner pour lui faire rendre fon dépôt. S. Yves, ayant appris l'embarras de la veuve, lui confeilla de dire, qu'elle avoit retrouvé le fac, & qu'elle étoit prête de le représenter; mais qu'aux termes de la propre reconnoiffance du demandeur, il étoit obligé de faire comparoître fon compagnon, afin qu'elle pût le rendre à tous deux. Sa défense parut jufte, & elle fut tirée d'embarras. Cette hiftoriette paroît empruntée de celle que rapporte Valère-Maxime, de Démosthène, qui donna un femblable confeil à une hôteffe qui s'en tira de même.

Un payfan qui avoit un procès au Parlement de Bordeaux, étoit venu chez le premier Président de ce Parlement pour lui préfenter un placet. Ce payfan étoit dans une antichambre, qui attendoit depuis trois heures. Enfin, le premier Préfident vint à paffer, & trouva ce payfan fort attentif à confidérer un portrait où il y avoit quatre P. au bas, qui fignifioient, Pierre Pontac, premier Préfident. Hé bien! mon ami, lui dit ce Magiftrat, que penfes-tu que défignent ces quatre lettres ? Monfeigneur, lui répondit le payfan, il n'eft pas difficile, au bout de trois heures, d'en deviner l'explication; elles fignifient: Pauvre plaideur, prends patience.

Un Avocat, affez mal-bâti & fort laid, plaidoit contre une bourgeoife: c'étoit une cause fommaire,

qu'il chargeoit de beaucoup de moyens inutiles. La bourgeoife perdant patience, interrompit l'Avocat. Meffieurs, dit-elle, voici le fait en peu de mots. Je m'engage de donner au Tapiffier, qui eft ma partie, une fomme pour une tapifferie de Flandres, à perfonnages bien deffinés, beaux comme M. le Préfident (c'étoit effectivement un bel homme); il veut m'en livrer une où il y a des perfonnages croqués, mal-bâtis comme l'Avocat de ma partie. Ne fuis-je pas difpenfée d'exécuter la convention? Cette comparaifon, qui étoit très-claire, déconcerta l'Avocat adverfe, & la bourgeoife gagna fon procès.

Que je fuis malheureufe! difoit une plaideufe; je ne fais comment gagner mon Rapporteur; il n'a ni confeffeur, ni maîtreffe.

PLAID OYER.

COMME les plaidoyers ne roulent le plus fouvent

que fur dès intérêts particuliers, la clarté & la précision est tout ce qui leur convient. Il étoit néanmoins très-ordinaire au barreau, jufqu'au milieu du dix-feptième fiècle, de dire avec emphafe, des chofes triviales. Ce ridicule fut bien apperçu un jour par un Avocat, homme d'efprit. Son adverfaire, dans une affaire où il ne s'agiffoit que d'un mur mitoyen, parloit de la guerre de Troie & du Scamandre. Il l'interrompit, en difant: La Cour obfervera que ma partie ne s'appelle pas Scamandre, mais Michault.

V

PLONGEURS.

ERS la fin du quinzième fiècle, il y avoit en Sicile, un fameux plongeur qui s'appelloit Nicolas. On lui avoit donné le furnom de Pefecola, com

me qui diroit: Nicolas le Poiffon. Il s'étoit accou tume, dès fa plus tendre jeuneffe, à pécher des huîtres & du corail au fond de la mer, & demeuroit quelquefois quatre ou cinq jours dans l'eau, n'y vivant que de poiffon crud. Comme il nageoit parfaitement, il lui arrivoit fouvent de paffer à l'île de Liparo, & d'y porter des lettres enfermées dans un fac de cuir. Frédéric, Roi de Sicile, instruit de la force & de l'adreffe de Pefecola, lui ordonna de plonger dans le gouffre de Caribde, proche du promontoire il capo di Faro, pour reconnoître -la difpofition de ce lieu. Comme le Prince remarqua que Nicolas avoit de la peine à faire un effai fi dangereux, il jetta une coupe d'or, & la lui donna, s'il pouvoit la retirer. L'habile plongeur, animé de cette récompenfe, fe jetta au fond du gouffre, où il demeura près de trois quarts d'heure, & revint enfuite fur l'eau, tenant à la main, la coupe d'or. Il fit au Roi, le récit des roches, des. cavernes & des monftres marins qu'il difoit avoir yus ou fentis,& protesta qu'il lui feroit impoffible d'y retourner une feconde fois. Mais Frédéric lui montra une bourse d'or qu'il lui promit, & une coupe d'or, plus belle que la première, qu'il jetta encore dans la mer. Pefecola s'y précipita bientôt après, mais il ne parut plus.

Les papiers Anglais de 1765, font mention du fait fuivant. Le Lord William Campbelle, troifième fils du Duc d'Argyll, & Capitaine de vaiffeau, étant avec plufieurs Dames, à une partie de pêche, auprès de Henley fur la Tamife, entendit quelqu'un qui crioit & demandoit un bateau. Plufieurs des bâtiments passèrent affez près de l'endroit d'où partoient les cris, mais aucun ne s'y arrêta. Il parut un homme, à la pointe de l'ile, qui avertit que quelqu'un fe noyoit. Le Lord Campbelle s'avança de ce côté-là avec fon bateau, & apperçut effectivement un homme qui fe débattoit au fond de l'eau. Il ôta fon habit, & en présence des Dames avec lesquelles il fe trouvoit, il fe jetta à l'eau,

alla chercher, à feize pieds de profondeur, l'homme qui fe noyoit, & qui étoit embarraffé fous un gros tronc d'arbre. Le Lord l'en retira, après beauCoup de peine, le monta avec lui, & le conduifit à la nage, fur le bord de la rivière; il le fit faigner für-le-champ ; & les foins qu'il ordonna qu'on en prit, rappellèrent à la vie ce malheureux, qui étoit un des domeftiques du Lord Palmerston. Ce fait eft cité ici, comme un tour de force, mais il mérite encore plus notre admiration, par le beau trait d'humanité qu'il préfente.

ON

POINT E.

N défigne communément par ce terme, une pensée qui furprend par l'abus des expreffions. Elle differe du bon fens, proprement dit, en ce que celui-ci joue fur la pensée; au lieu que la pointe joue fur le mot. Comme ces fortes de plaifanteries roulent ordinairement fur des rapports faux, il arrive prefque toujours que ceux qui courent après, ont communément l'efprit faux,autant que fuperficiel. Au refte, ce mot pointe eft, ici pris ironiquement; car, pour continuer la métaphore, il n'y a rien de fi peu pointu, ou de fi plat, que toutes ces pointes que l'on donne pour telles.

L'hiftoire de la poéfie Française fait mention d'un menuifier de Nevers, qui, fur la fin du règne de Louis XIII, avoit obtenu des pensions pour fes vers: on l'appelloit maître Adam, ou le Virgile au tabot. Il y avoit auffi, de fon temps, un pâtiffier poëte, qui enveloppoit fes bifcuits, de fes vers. Ce pâtiffier difoit que fi maître Adam travailloit avec plus de bruit, pour lui il travailloit avec plus de feu.

Racine aimoit la Chammeflé. Le Comte de Tonnerre le fupplanta dans le cœur de cette Comédienne. Quelqu'un dit à ce fujet : Que le tonnerre Favoit déracinée.

t

« PrécédentContinuer »