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ble à celui qui veut étouffer du feu avec de la paille.

Vinaigre donné, vaut mieux que miel acheté. Ce proverbe eft Arabe, & décèle le caractère intéreffé de cette nation.

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QUESTION.

N fe plaît quelquefois à propofer aux enfants différentes queftions, pour éprouver leur fagacité. En voici une qui a donné lieu à cette façon deparler proverbiale, ménager la chèvre & le chou.

Un homme a un petit bateau, dans lequel il doit paffer à l'autre côté de la rivière, un loup, un chou & une chèvre, fans qu'il puiffe prendre plus d'un de ces objets à-la-fois, On demande lequel des trois il transportera le premier, fans craindre que, durant l'un de fes paffages, le loup mange la chèvre, ou que la chèvre mange le chou. Paffera-t-il le loup le premier? Voilà le chou en proie à la chèvre. Prendra-t-il le 'chou ? Le loup aura dévoré la chèvre avant qu'il revienne. Donnerat-il la préférence à la chèvre ? Il tombe dans le même embarras pour le voyage fuivant; & pendant qu'il viendra chercher ce qu'il aura gardé pour le troifième, la chèvre ou le chou feront croqués. Il y a néanmoins un moyen. Quel est-il ? C'est de prendre la chèvre feule au premier voyage, le chou demeure avec le loup, qui n'y touche point; au fecond, il prend le chou & ramène la chèvre, au lieu de laquelle il paffe le loup qui, étant transfporté à l'autre bord auprès du chou, n'y fera aucun tort. Enfin, pour dernier voyage, il revient prendre la chèvre, qui, étant demeurée feule, ne pouvoit courir aucun rifque.

Il y a un autre problême qui a beaucoup de rapport à celui-là, & qui eft rapporté dans les Récréations Mathématiques: «Trois maris jaloux se trou

»vent avec leurs femmes, pendant une nuit fort » obfcure, au paffage d'une rivière ; ils rencon"trent un bateau fans batelier. Ce bateau eft fi "petit, qu'il ne peut porter que deux perfonnes à» la fois. On demande comment ces fix perfon"nes pafferont deux à deux, de forte qu'aucune » femme ne demeure en la compagnie d'un ou de » deux hommes, fi fon mari n'eft présent ». Deux femmes pafferont d'abord, puis l'une ayant ramené le bateau, repaffera avec la troifième femme. Enfuite, l'une des trois femmes ramènera le bateau, & fe mettant à terre, laiffera paffer les deux hommes, dont les deux femmes font de l'autre côté. Alors, un des hommes ramènera le bateau avec fa femme, & la mettant à terre, il prendra le troifième homme, & repaffera avec lui. Enfin, la femme qui fe trouve paffée entrera dans le ba teau, & ira chercher en deux fois les deux autres femmes.

QUOLIBET.

PLAISANTERIE triviale, fondée fur une froide

allufion, fur une baffe équivoque, ou fur quelque chofe de pis. Il n'y a de différence entre la turlupinade & le quolibet, que du plus au moins. On a dit qu'ils étoient frère & fœur ; mais il y a encore plus de baffeffe & d'impertinence dans le quolibet, que dans la turlupinade: Voyez Turlupinade.

Molière a quelquefois fait ufage de quolibets dans fes comédies; mais il a toujours eu foin de les mettre dans la bouche des acteurs les plus ridicules, telle que la vieille radoteuse Madame Pernelle, qui dans le Tartuffe, dit de la maison où elle fe trouve:

C'eft véritablement la tour de Babylone:
Car chacun y babille, & tout du long de l'aune.

Les

"

Les amateurs des allufions & des quolibets ont fait prononcer cette harangue devant un Général des armées du Roi, par le Maire d'une petite ville fituée fur les bords du Rhône. « Monfeigneur, » tandis que Louis-le-Grand fait aller l'Empire de » mal en pire, damner le Danemarck, fuer la » Suède ; tandis que fon digne rejeton fait braver » les Bavarois, rend les troupes de Zelle fans zèle, » & fait faire des effes aux Heffois; tandis que » Luxembourg fait fleurir la France à Fleurus, met » en flammes les Flamands, lie les Liégeois, & » fait danfer Caftanet fans caftagnettes; tandis que » le Turc hongre les Hongrois, fait efclaves les » Esclavons, & réduit en fervitude la Servie; en» fin tandis que Catinat démonte les Piémontois » que Saint-Ruth fe rue fur les Savoyards, & que » Larré les arrête: vous, Monfeigneur, non con» tent de faire fentir la pefanteur de vos doigts "aux Vaudois, vous faites encore la barbe aux » Barbets; ce qui nous oblige d'être, avec un pro» fond refpect, &c. »

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Une femme fe plaignoit de cors aux pieds. Un jeune homme dont l'efprit étoit gâté par les quolibets, lui répondit: Madame, ce ne font point des cors, ce font des champignons; c'est le fruit qui croit aux pieds des Charmes.

Quolibet fignifie auffi lardon, brocard. Lese squolibets font les bons mots du petit peuple & des mauvais plaifants.

Un capitaine qui avoit été barbier, partant pour aller au fiége d'une ville, on lui dit: Si l'on rale cette ville, vous pourrez bien y avoir de l'emploi.

Un camus ayant perdu un procès, fa partie adverse lui dit, en fortant de l'audience: Confolezvous, Monfieur, car vous avez gagné en perdant, puifque vous êtes entré ici fort camus, & que vous en fortez avec un pied de nez.

Une cabaretière fort âgée, mais très-riche, affectoit pour s'élever au-deffus de fon état, de porter Tome II.

V

des jupes toutes chamarrées de galons d'or, c'étoit la mode autrefois : quelqu'un qui la reconnut, dit en la voyant : Voilà deux beaux cerceaux fur une vieille futaille.

Un fergent de Saumur, faifant parader fon cheval, alla à bas, bête & tout. Une femme le voyant ainfi tombé, lui cria: Eh! Monfieur l'Huiffier, vous deviez bien demander ce qu'il vous faut, fans vous baiffer fi bas.

a

F.

RÉBUS.

IGURE énigmatique, compofée de peintures ou de lettres, dont l'arrangement, le nombre, la couleur expriment un mot, un nom, ou une pensée. Pour fignifier vieux parchemin, on peint un vieillard qui chemine, appuyé fur un bâton. Pourexprimer ces paroles, j'ai soupé entre fix & fept, on a mis g fous un p, entre les deux chiffres 6 & 7. Marot, dans fon coq-à-l'âne; dit:

Car en rébus de Picardie,

Une faux, une eftrille, un veau,

Cela fait, étrille Fauveau.

Les rébus ne font bons, tout au plus, qu'à orner des écrans.

RECONDUIRE, ACCOMPAGNER.

L'AUTE

'AUTEUR des Gafconifmes corrigés remarque judicieusement, qu'il y a entre ces deux mots, accompagner, reconduire, une différence que l'on m'obferve pas toujours. On accompagne un grand, ou une perfonne qui nous eft fupérieure, mais on ne la reconduit point. Ce dernier terme ne s'emploie que vis-à-vis d'un inférieur, ou d'égal à égal, Feu Monfieur le Comte de N. qui ai

moit à jouer fur le mot, s'appercevant que Monfieur le Marquis de N. à qui il venoit de rendre vifite, le fuivoit par politeffe, l'arrêta, & lui dit d'un ton badin: Vous favez fans doute, Monfieur, la mufique, car vous me paroiffez aimer l'accompagnement. Monfieur, répondit fur le champ le Marquis, je ne vous accompagne pas, je vous reconduis.

RECONNOISSANCE.

APPRENONS

PPRENONS à ceux qui ofent avancer que l'ingratitude eft dans le cœur de l'homme, que la reconnoiffance a souvent fait naître les actions les plus fublimes.

Louis XIV avoit, en 1683, chargé Duquesne de bombarder Alger, pour la punir de fes infidélités & de fon infolence. Le défefpoir où font les corfaires de ne pouvoir éloigner de leurs côtes la flotte qui les foudroie, les porte à attacher à la bouche de leurs canons, des efclaves Français, dont les membres font portés fur les vaiffeaux. Un capitaine Algérien, qui avoit été pris dans fes courses, & très-bien traité par les Français, tout le temps qu'il avoit été leur prifonnier, reconnoît, parmi ceux qui vont fubir le fort affreux que la rage a inventé, un officier nommé Choiseuil, dont il a éprouvé les attentions les plus marquées. A l'inftant il prie, il follicite, il preffe pour obtenir la conservation de cet homme généreux. Tout eft inutile; on va mettre le feu au canon où Choiseuil eft attaché l'Algérien fe jette auffi-tôt fur lui, l'embraffe étroitement, &, adreffant la parole au canonnier, lui dit: Tire. « Puifque je ne puis fau»ver mon bienfaiteur, j'aurai au moins la confola»tion de mourir avec lui ». Le Dey, fous les yeux duquel la scène fe paffe, en est fi frappé, qu'il accorde, les larmes aux yeux, ce qu'il avoit refufé avec tant de férocité : Mém, de Forbin.

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