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Pendant le fiége de Namur, que les puiffances alliées contre la France firent au commencement de ce fiècle, on connut, dans le régiment du CoJone! Hamilton, un bas Officier qu'on appelloit Union, & un fimple foldat nommé Valentin. Ces deux hommes étoient rivaux, & les querelles particulières que leur amour avoit fait naître, les rendirent ennemis irréconciliables. Union, qui fe trouvoit l'Officier de Valentin, faififfoit toutes les occafions poffibles de le tourmenter & de faire éclater fon reffentiment. Le foldat fouffroit tout fans réfiftance; mais il difoit quelquefois, qu'il donneroit fa vie pour être vengé de ce tyran..Plufieurs mois s'étoient paffés dans cet état, lorfqu'un jour its furent commandés l'un & l'autre pour l'attaque du château. Les Français firent. une fortie, où l'Officier Union reçut un coup de feu. dans la cuiffe. Il tomba. Et comme les Français preffoient de toutes parts les troupes alliées, s'attendoit à être foulé aux pieds. Dans ce moment, il eut recours à fon ennemi, Ab! Valentin!' s'écria-t-il, peux-tu m'abandonner? Valentin à fa voix, courut précipitamment à lui, & au milieu. du feu des Français, il mit l'Officier fur fes épau les, & l'enleva courageufement à travers les dan gers, jufqu'à la hauteur de l'abbaye de Salfine.. Dans cet endroit, un boulet de canon le tua luimême, fans toucher à l'Officier. Valentin tomba. fous le corps de fon ennemi qu'il venoit de fauver. Celui-ci, oubliant alors fa bleffure, fe releva en s'arrachant les cheveux, & fe rejettant auffi-tôc fur ce corps défiguré: Ah! Valentin, s'écrietil, en rompant un filence mille fois plus touchant que les larmes les plus abondantes, Valentin ! eft-ce pour moi que tu meurs ? Pour moi, qui te traitois avec tant de barbarie ? Je ne pourrai pas te furvivre. Je ne veux lepas... Non. Il fut imFoffible de féparer Union du cadavre fanglant de Valentin, malgré les efforts qu'on fit pour l'en arracher. Enfin on l'enleva tenant toujours embraffé

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le corps de fon bienfaiteur; & pendant qu'on les portoit ainfi l'un & l'autre dans les rangs, tous Jeurs camarades, qui connoiffent leur inimitié, pleuroient à-la-fois, de douleur & d'admiration. Lorfqu'Union fut ramené dans fa tente, on panfa de force la bleffure qu'il avoit reçue; mais le jour fuivant, ce malheureux, appellant toujours Valentin meurt accablé de regrets. M. Steele, qui rapporte ce fait dans le premier volume de fes ouvrages, propofe en même-temps ce problême à réfoudre: Lequel de ces deux infortunės fit paroître plus de générofité, ou celui qui expofa fa vie pour fon ennemi, ou celui qui ne voulut pas furvivre à fon bienfaiteur ? Si l'on demande notre fentiment, nous croyons que l'Officier Union dût cet enthousiasme de la vertu qui l'enflamma, à l'héroïsme de fon ennemi, & l'imitateur n'eft jamais fi grand que le modèle. Il eft certain d'ailleurs que le foldat Valentin auroit été capable de faire ce que fit l'Officier Union; mais nous pouvons douter que celui-ci fe fût expofé à une mort prefque inévitable pour fauver la vie à fon ennemi.

Le Cardinal Wolfey, Miniftre & favori de Henri VIII, Roi d'Angleterre, étant tombé dans la difgrace de fon maître, fe vit tout-à-coup méprifé des grands & hai du peuple. Fits Williams un de fes protégés, fut le feul qui ofa défendre fa caufe & faire l'éloge des talents & des grandes qualités du Miniftre difgracié. Il fit plus, il off it fa maifon de campagne à Wolfey, & le conjura d'y venir du moins paffer un jour. Le Cardinal, fenfible à ce zèle, alla chez Fits Williams, qui reçut fon maître avec les marques les plus diftinguée de refpect & de reconnoiffance. Le Roi, inftruit de l'accueil que ce particulier n'avoit pas craint de faire à un homme tel que Wolfey, fit venir Williams, & demandant d'un air & d'un ton irrités, par quel motif il avoit eu l'audace de recevoir chez lui le Cardinal, accufé & déclaré coupable de haute trahifon : « Si»re » répondit Williams « je fuis pénétré pour vo❤

"tre Majefté de la foumiffion la plus refpectueufe; je ne fuis, ni mauvais citoyen, ni fujet infidèle. » Ce n'eft ni le Miniftre difgracié, ni le criminel » d'état que j'ai reçu chez moi, c'est mon ancien & » refpectable maître, mon protecteur, celui qui » m'a donné du pain, & de qui je tiens la fortune & » la tranquillité dont je jouis; & je l'aurois aban> donné dans fon malheur, ce maître généreux, & » magnifique bienfaicteur! Ah! Sire, j'euffe été le "plus ingrat des hommes ». Surpris & plein d'admiration, le Roi conçut dès cet inftant la plus haute eftime pour le généreux Fits Williams. Ils le fit Chevalier fur le champ, & peu de temps après, il le nomma fon Confeiller privé.

LES

RELIGIEUX.

Es infirmités du corps qui, dans la plupart des monastères, font un des plus grands obstacles à la profeffion des novices, ne font point à la Trappeun empêchement à leur réception. Du temps de l'Abbé de Rancé, un pauvre eccléfiaftique de Lille s'étant préfenté pour être reçu dans cette maifon, l'Abbé raffembla fes religieux pour demander leur avis; parce que ce bon Prêtre, ayant le bras gauche rompu, ne pouvoit manquer d'être à charge au monaftère. Ayant commencé, felon la coutume, a récueillir les voix par le dernier des frères, le jeune, religieux lui répondit : « Je vous dirai, mon père, » que mon avis feroit de recevoir au plus tôt cer » homme que Dieu appelle, & s'il ne peut travai"ler, nous le fervirons tous ». Le chapitre entier applaudit à cet avis, & le poftulant fut reçu d'une voix unanime.

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On fait que les religieux de la Mercy font principalement inftitués pour traiter de la rédemption des captifs. Plufieurs de ces bons Pères étoient partis de France dans le deffein d'offrir au Roi de

Fez, 10000 piaftres pour la rédemption de quelques efclaves Français. Ce Prince qui s'imaginoit qu'on lui apportoit une fomme beaucoup plus confidérable, parut furpris lorfqu'il en fut informé. Quoi ! dit-il, votre Roi, dont vous élevez la puiffance, vous envoie de fi loin avec une fi petite fomme. Ce n'eft pas notre Roi qui nous envoie, repartirent les religieux: l'argent que nous t'offrons ne provient que d'aumônes; Louis-le-Grand ne traite de la rançon de fes fujets que par la bouche de fes canons.

Un Roi de Perfe demandoit à un derviche: Vous Occupez-vous de moi quelquefois? Oui, dit le religieux, lorsque j'oublie Dieu.

Je rencontrai un jour au bord de la mer, dit le poëte Sadi, un religieux qu'un tigre avoit à demi-dévoré, il étoit près d'expirer & fouffroit beaucoup. Grand Dieu! s'écrioit-il, je te rends grace de n'être accablé que de douleurs, & non de remords.

Un Santon, espèce de moine Turc, prioit un Roi, de punir un homme qui lui avoit dit des injures: tu manques à ta règle, lui dit le Roi; elle t'ordonne le pardon des offenfes, & la patience.

Un jeune homme s'étoit enivré, & un derviche lui reprocha fa faute avec amertume. Il falloit ne pas t'appercevoir de ma faute, lui dit le jeune homme; il falloit du moins la taire. O toi, qui prétends à la perfection, apprends d'abord à être indulgent, & apprends enfuite à cacher que tu as de l'indulgence.

Un homme avoit quitté la fociété des derviches & s'étoit retiré dans celle des fages. Quelle diffé rence, lui difoit-on un jour, trouvez-vous entre un fage & un derviche? Il répondit : Tous deux traversent un grand fleuve à la nage avec plufieurs de leurs frères; le derviche s'écarte de la troupe pour n'ager plus commodément & arriver feul au rivage; le fage au contraire nage avec la troupe, & tend quelquefois la main à fes frères.

Un Roi de Perfe, accablé de maladies, avoit fait

vou, s'il guériffoit, de diftribuer une fomme confidérable d'argent aux religieux. Il guérit, & donna à une esclave une bourfe pleine d'or pour en faire l'ufage qu'il avoit promis. L'efclave revint avec la bourfe pleine, & dit qu'il n'avoit point trouvé de religieux. Comment! dit le Prince, il y en a plus de quatre-cents dans la ville. Il eft vrai, dit l'esclave, qu'ils en portent l'habit, mais je leur ai offert de l'or à tous, & aucun ne l'a refufé. J'ai conclu qu'ils n'étoient pas religieux.

REPARTIE.

SORTE de bon mot qui confifte à faire repartir

le trait qui nous eft adreffé, contre celui même qui l'a lancé. La repartie, comme l'on voit, demande un efprit vif & préfent, pour appercevoir d'un coup-d'œil l'endroit foible de l'aggreffeur, ou du moins découvrir en lui un côté plaifant qui l'expofe lui-même au ridicule qu'il vouloit répandre: Voyez Bon Mot.

Un Archevêque qui jouiffoit de plufieurs bénéfices, difputoit contre un légat du Pape, & lui foutenoit l'autorité du Concile au-deffus du fouverain Pontife. Ou n'ayez qu'un bénéfice, lui répondit fpirituellement ce légat, où croyez à l'autorité du Pape.

Une femme qui couroit fottement après les airs, difoit à un jeune homme, qui venoit d'être annoncé dans une compagnie : « Il me femble, Mon»feur, vous avoir vu quelque part ». Il eft vrai, Madame, répondit le jeune homme, qu'il m'eft arrivé d'y aller quelquefois.

A Paris, deux filles du prétendu de bontonentroient le foir, à la brune, au Palais Royal, lorfque beaucoup de bourgeoifes en fortoient, Voilà dit l'une de ces deux filles à sa camarade, le bœuf à la mode qui fort; & voici, repartit auffi-tôt une bourgeoife, le gibier qui entre.

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