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une joie apparente ? C'est, dit-il, que je regarde comme une grace le prompt refus de Votre Majefté; car elle m'épargne bien des pas, & la dépenfe que j'aurois faite inutilement, fi la réponse de Votre Majefté eût été moins précise, ou m'eût laiffé quelque efpérance. Le Roi fourit à cette fingularité, & accorda au gentilhomme tout ce qu'il demandoit: Pars beneficii eft, quod petitur, fi citò neges. Publius-Syrus.

L'anecdote qu'on vient de lire a pu fournir à M. Hagedorn, Poëte Allemand, le fujet de cet apologue. Abdallah, profterné devant le grand Vifir, comme devant Mahomet, lui demandoit, avec de très-humbles fupplications, un emploi confidérable. Le Miniftre avoit jugé que le Pacha Bajazet, qui étoit fon parent, le méritoit mieux que lui: Tu ne l'auras pas, répondit-il brufquement à Abdallah. Celui-ci lui témoigna la plus vive reconnoiffance. Eh, quoi! lui dit le Vifir, je t'ai refufé ta demande ? Oui, lui dit Abdallah, en embraf

fant fes genoux, mais tu ne m'as pas fait attendre

ton refus.

Louis XI invitoit volontiers à fa table,les étrangers dont il espéroit tirer quelques connoiffances utiles : il y recevoit même des Marchands, qui lui donnoient des lumières fur le commerce, & fe - fervoit de la liberté du repas pour les engager à parler avec confiance. Un Marchand, nommé maître Jean, féduit par les bontés du Roi, qui le faifoit fouvent manger avec lui, s'avifa de lui demander des lettres de nobleffe. Ce Prince les lui accorda; mais lorsque ce nouveau noble parut devant lui, il affecta de ne pas le regarder. Maître Jean, furpris de ne pas trouver le même accueil, s'en plaignit. « Allez, Monfieur le Gentilhomme, » lui dit le Roi, quand je vous faifois affeoir à ma » table, je vous regardois comme le premier de » votre condition; mais aujourd'hui je ferois in» jure aux nobles, fi je vous faifois la même fa» veur»: Hift. de Louis XI.

Un

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Un pauvre citoit en fa faveur, ces paroles de Malachie N'avons - nous pas tous un feul Dieu pour père ? & demandoit l'aumône à l'Empereur Maximilien, le traitant de frère. L'Empereur, peu offenfé de cette hardieffe, lui fit donner quelque chofe. Mais le pauvre mécontent, lui dit que c'étoit bien peu pour un Empereur. « Allez, lui répondit Maximilien, fi chacun de vos frères » vous en donne autant, vous ferez bientôt plus » riche que moi. »

On a rapporté un mot à-peu-près semblable de Schahroch, un des fils de Tamerlan. Un potier de terre fe préfenta à ce Prince, qui avoit accumulé beaucoup de richeffes, & lui demanda s'il ne croyoit pas à la doctrine de la religion Mahométane, qui enfeigne que tous les Mufulmans font frères? Schahroch répondit qu'il étoit perfuadé de la vérité de cette doctrine. Puifque nous fommes tous frères, repartit le potier, n'eft-ce pas une injustice que vous ayiez un fi grand trésor, & que je fois dans le befoin? donnez-moi au moins Ja portion qui me revient en qualité de frère. Le Prince lui fit donner une petite pièce de monnoie. Quoi! dit le potier, d'un fi grand tréfor il ne me revient que cette petite portion ! — Retire-toi bien vite, lui répondit le Prince Mufulman, & ne dis mot à perfonne de ce que je t'ai donné; ta portion ne feroit pas fi confidérable, fi tous nos autres frères me demandoient la leur.

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Uncertain Evêque de Spire, qui vivoit du temps de l'Empereur Rodolphe, fut obligé de fortir de l'Empire pour avoir donné un baifer à l'Impératrice. Voici la manière dont le fait eft rapporté par Michel le Saxon, dans fa Chronique Allemande des Empereurs. « L'Empereur Rodolphe, de la mai»fon de Hahsbourg,époufa fur fes vieuxans, Agnès, >> fille du Duc de Bourgogne, qui étoit fort jeune, », & d'une grande beauté. Un jour que l'Evêque » de Spire, qui étoit de la famille des Comtes de >> Leinengen, lui préfentoit la main pour desTome II.

C

» cendre du carroffe, cet Evêque fut fi charmé de » la beauté de l'Impératrice, qu'il la baifa malgré "elle, fur la joue; ce qui déplut fi fort à cette "chafte Impératrice, qu'elle en porta des plaintes " à fon mari. L'Empereur, extrêmement furpris », & irrité de cet attentat, fit dire à l'Evêque qu'il >> avoit choifi cette paix pour lui feul, que l'Evê» que n'avoit qu'à en choisir une autre qu'il pût » baifer ; & qu'au refte, il eût à ne plus paroître » devant les yeux de l'Empereur. Ainfi l'Evêque » fut obligé de fortir de l'Empire, & de demeurer » en exil jufqu'à la mort de Rodolphe. »

Dom Sanche, fecond fils d'Alphonfe, Roi de Caftille, étant à Rome, fut proclamé Roi d'Egypte par le Pape. Tout le monde applaudit, dans le confiftoire, à cette élection. Le Prince entendant le bruit des applaudiffements, fans en favoir le fujet, demanda à fon interprète, qui étoit à fes pieds, de quoi il étoit question. Sire, lui dit l'interprète, le Page vient de vous créer Roi d'Egypte ». Il ne » faut pas être ingrat » répondit le Prince « lève» toi, & proclame le St Père Calyphe de Bagdad. "

Les Allemands ayant demandé au Pape Jules II la permiffion, quand la Saint-Martin arriveroit un jour maigre, de manger de la viande. Jules, qui ne vouloit pas ouvertement leur refufer cette grace, la leur accorda; mais à condition que le même jour ils ne boiroient point de vin; ce qui valoit un refus. L. Bandel.

Le Maréchal de. . . étant en voyage, fe trouva mál, & fut obligé de s'arrêter dans un village pour fe faire faigner. On avertit le Chirurgien du lieu. Son air n'inspiroit pas beaucoup de confiance: cependant le Maréchal confentit de s'en fervir. Comme ce Chirurgien étoit prêt de le piquer, le Maréchal retira un peu le bras. Il me femble, Monfeigneur, dit le Cadédis, que vous craignez la faignée ? Ce n'est pas la faignée que je crains, lui répondit-il, c'eft le faigneur.

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Mademoiselle d' orléans, fille de Gafton de

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France, frère de Louis VIII, étoit très-délicate fur le refpect qui lui étoit dû. Un jour qu'elle s'amufoit à des petits jeux, on joua aux proverbes; & fuivant les geftes qu'on faifoit, elle devinoit quel proverbe on avoit représenté. Après avoir deviné, l'occafion fait le larron; à gens de village, trom pette de bois; tant va la cruche à l'eau, qu'à la fin elle fe brife, & encore quelques autres un de fes gentilshommes fe mit à fauter, à rire, à grimacer, & à faire plufieurs autres extravagances. Mademoiselle l'ayant fait recommencer fans y rien comprendre, avour qu'elle ne pouvoit le deviner, & lui demanda quel proverbe c'étoit là. C'eff, Mademoiselle, lui répondit-il, qu'il ne faut qu'un fou pour en amufer bien d'autres. Cette plaifanterie la piqua, & s'étant imaginée qu'il lui reprochoit qu'elle s'amufoit à des folies, elle lui dit qu'il perdoit le refpect, & lui défendit de jamais paroître en fa préfence. Bourfault rapporte cette anecdote dans fes Lettres, témoin oculaire.

Un des Capitouls de Toulouse voulut un jour être lui-même témoin de la cérémonie de fes propres funérailles. Toute la Ville fut priée d'affifter au convoi. Pour lui,il fe fit mettre dans un cercueil, fuivi de tout l'équipage mortuaire, & on le porta à l'Eglife, avec tout l'appareil d'une pompe funèbre. Le fervice fut fait, & la meffe célébrée avec les cérémonies accoutumées Le Capitoul pofé dans la bière,& contrefaisant bien le mort, fut encenfé fuivant l'ufage. Mais, au lieu de le porter en terre, on le plaça derrière l'Autel, d'où il fortit un moment après, & alla régaler magnifiquement tous ceux qui avoient affifté à certe pompe funèbre. L'Archevêque instruit de cette cérémonie, affembla un Concile. Plufieurs Pères de ce Concile prétendirent que c'étoit une action pieuse & falutaire, parce qu'elle excitoit vivement la pensée de la mort. D'autres la condamnèrent comme une fuperstition, qui tendoit à rendre les cérémonies. funèbres, le jouet des particuliers. Le Concile

après trois féances, décida contre les premiers. (La Faille). L'Empereur Charles-Quint joua une pareille comédie un mois avant que de mourir. Voyez le Dictionnaire des portraits & anecdotes. des hommes illuftres.

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Une belle marchande de Londres avoit pris fucceffivement fix maris ; le premier, par obéissance pour les parents; les cinq autres fon ? par propre choix un Anglois fut affez hardi pour l'époufer en feptième noce. Les premiers mois de leur nouveau ménage n'eurent rien que d'agréable. Un amour exceffif rend aifément une femme indifcrette; celle-ci faifoit, dans les bras de fon feptième époux, la fatyre des fix qui l'avoient précédé: ils lui avoient déplu, difoit-elle, par leur ivrognerie ou par leurs infidélités, & jamais elle ne les avoit regrettés ni pleurés fincèrement. Le mari curieux d'apprendre quel étoit le caractère de fon amoureuse moitié, affecte de s'abfenter fouvent, & de paroître ivre toutes les fois qu'il rentroit tard chez lui. D'abord on ne lui fit que des reproches, mais bientôt les menaces fuccédèrent aux représentations: il continua fon train, & feignit d'être encore plus adonné au vin. Un foir, qu'elle le crut ivre-mort, & bien endormi elle détacha un plomb, de la manche de fa robe le fit fondre, & s'approcha du faux dormeur pour lui verfer dans l'oreille, à l'aide d'une pipe, le métal en infufion. Le mari, ne doutant plus de la fcélérateffe de cette femme, l'arrêta, cria au fecours, & fit venir la justice, La criminelle fut mife en prifon, fon procès fut inftruit ; les fix cadavres exhumés, déposèrent contr'elle, & la firent condamner à mort. Cette aventure donna lieu à ce réglement utile, par lequel il est défendu en Angleterre, d'enfevelir aucun cadavre avant d'avoir appellé les experts-jurés. Il faut que ceux-ci examinent le cadavre, & certifient que le fer ou le poison n'a point abrégé fes jours.

Vers l'an 1650, il y eut à Tunis, une pefte qui

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