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la nuit, battant la marche à l'Italienne, & criant: Vive Saint Marc. Plufieurs habitants trompés par ces apparences, leur répondent par des cris de joie, & en chargeant les Allemands d'imprécations. Dans la crainte d'un défordre, on fe contenta de mar, quer les maifons de ces imprudents; mais aussitôt que le jour fut venu, elles furent faccagées, & les maîtres rançonnés, comme des gens pris au fervice de l'ennemi: Juftiniani.

!

Lors du fiége de Metz, en 1552, par CharlesQuint, le Gouverneur fe trouvant preffé, fit adroitement tomber entre les mains des Efpagnols, une lettre écrite au Roi fon maître. Il faifoit dans cette lettre, de fauffes confidences de fa fituation, & marquoit qu'il n'avoit plus d'inquiétude depuis que l'ennemi avoit pris le parti d'attaquer du côté où les fortifications étoient les plus confidérables, & où on avoit eu le temps d'achever une bonne coupure; cet artifice trompa les affiégeants, qui dirigèrent auffi-tôt leurs batteries contre un front de meilleure défenfe. Ces variations ayant fait languir le fiége, donnèrent au Gouverneur le temps qu'il defiroit pour fes opérations: Réflexions militaires de Santa-Cruz.

Ce ftratagême des affiégés avoit peut-être contribué, autant que leur valeur, à faire échouer l'entreprise de Charles-Quint. Cet Empereur voulut, l'année fuivante, prendre fa revanche. Les Cordeliers de Metz venoient d'y convoquer une affemblée générale où devoient fe rendre des Religieux de plufieurs nations. Il falloit pour la fubfiftance de ces Religieux, des provifions confidérables; & on en tranfportoit tous les jours de fa campagne. Parmi les tonneaux remplis de bière ou de vin, l'ennemi en fit paffer plufieurs qui étoient pleins d'armes, & un affez grand nombre de foldats Allemands & Efpagnols s'introduifirent dans la ville, fous l'habit de Cordelier. Il étoit dit, que la garnifon de Thionville, qui étoit nombreuse, paroîtroit au jour marqué, à la vue de Metz. On

&

comptoit bien que les Français ne manqueroient pas de fortir fur elle. Le projet étoit de faire attaquer, dans l'inftant, ce qui feroit refté dans la place, par les foldats déguifés en Cordeliers, par un affez grand nombre d'habitants qui étoient du complot. On devoit tout de fuite fe faifir des portes, & les remettre aux troupes que l'Empereur tenoit toutes prêtes. Mais l'homme actif & vigilant qui commandoit dans la place, Vieilleville, ayant foupçonné la confpiration, il parvint à en avoir fecrètement les détails & la preuve. Il fit auffi-tôt donner les fignaux convenus avec les Allemands, qui s'avancèrent au nombre de quatre mille, & donnèrent dans l'embufcade qui leur avoit été dreffée. Tout ce corps. fut pris, tué ou difperfé. Les traîtres fubirent le fort qu'ils méritoient: Mémoires du Maréchal de Vieilleville.

Jean Sigifmond, qui s'étoit mis fous la protection des Turcs, fe fervit, en 1654, de cette rufe fingulière pour furprendre Zathmar, ville de Hongrie. Il fit marcher de nombreux troupeaux qui, en paffant fous les murs de la place avec leurs Bergers, firent lever une pouffière fi épaiffe, que la garnifon ne put rien voir. MelchiorBalazzo, auquel la fortereffe appartenoit, voulut favoir la raifon de cette efpèce de nuage. Comme ceux qu'il envoya lui rapportèrent qu'ils n'avoient vu que des beftiaux ; il les crut, & fa garnifon refta, comme lui, en repos & dans une grande fécurité. Mais les troupeaux étant paffés, des troupes qui les fuivent, s'approchent à la faveur de la pouffière dont l'air eft encore obfcurci; avant qu'on les ait apperçues, elles attaquent la ville de tous côtés. La terreur, qui eft prefque inféparable de la surprise, eft générale. Les affaillants fe rendent fans peine maîtres de la place, & enlèvent Balazzo, fa femme, fes enfants & fes tréfors: De Thou.

En 1573, Harlem, menacée d'être investie par

les Espagnols, s'étoit ménagé les moyens d'être inftruite des efforts que d'autres villes, fes alliées, faifoient en fa faveur. Les habitants avoient, par une précaution connue de l'antiquité, & fort commune dans le Levant, fait paffer aux villes de la confédération, plufieurs pigeons élevés dans la leur. Toutes les fois qu'il étoit néceffaire de leur donner quelqu'avis, on attachoit une lettre fous l'aile d'un de ces oifeaux, & on le lâchoit. Il ne

anquoit jamais de voler droit à Harlem. De cette manière, les citoyens & les troupes à qui on annonçoit de prompts & puiffants fecours, étoient encouragés à faire une brave résistance: Hiftoire des Provinces-Unies.

Les Espagnols, chaffés de Maëstricht en 1576, par les habitants, étoient resté les maîtres de Wich, foible partie de la place, féparée de l'autre par la Meufe. Les vaincus, humiliés d'un affront qu'ils ne pouvoient attribuer qu'à leur négligence, cherchèrent à le réparer für le champ. Il n'y avoit d'autre obftacle que quelques canons placés fur le pont qui joignoit les deux villes. Ils s'avisent, pour éviter le danger, de mettre devant eux les femmes de Wich. Avec ce rempart, ils entrent fur le pont ; & couverts de ces étranges boucliers, ils font feu fur les citoyens, qui, ne pouvant fe défendre fans tirer fur leurs parentes, ou du moins fur des femmes de leur parti, quittent leur pofte, fe réfugient dans leurs maifons, & abandonnent le champ de bataille aux Efpagnols. Ceux-ci par ce ftratigême, fe trouvèrent maîtres de la ville fans avoir effuyé aucun rifque: Strada.

Le Prince Maurice d'Orange avoit, en 1590, formé le deffein de furprendre Bréda. Poury réuffir, il charge un Navire, de Tourbes, que, faute de bois, on brûle dans les Pays-Bas. Sous ces Tourbes font cachés foixante-huit hommes choifis, & commandés par Héraugières, gentilhomme, également brave & intelligent. Le bâtiment, étant

arrivé, par le canal, aux pieds de la citadelle, eft vifité; on n'y trouve que des tourbes, il eft permis de les décharger, parce que la garnifon en a befoin. Il étoit temps que l'expédition finît. Soit que le navire fût ufé, ou que les glaces l'euffent ouvert, il faifoit eau de tous côtés, & les foldats qui étoient à fond de cale, fouffroient de grandes incommodités. Un d'entr'eux, ne pouvant étouffer la toux, & craignant de découvrir fes compagnons, par le bruit qu'il fait, a le courage de leur préfenter fon épée, & les prie de la lui paffer au travers du corps. Mais pour empêcher de rien entendre, les matelots fe mettent à agiter la pompe fans difcontinuation, jufqu'à ce que les porte-faix aient fini leur ouvrage, & que les foldats foient fortis de l'endroit où ils font. Alors rien ne traverse plus l'entreprife; les Espagnols font furpris & forcés: De Thou.

Pendant les guerres de la ligue, Porto-Carrero, Général de l'armée Espagnole, au fecours des ligueurs, forma le projet en 1597, de furprendre Amiens, place Française de fon voifinage, où il favoit que le fervice fe faifoit très-négligemment. Il place pour cet effet, pendant une nuit obfcure, des fentinelles qui doivent arrêter tous ceux qui iront du côté d'Amiens. Il s'en approcha lui-même avec cinq-cents hommes choifis, qu'il fait cacher dans des haies & dans des mafures fort près de la place. Trente autres Efpagnols, habillés en payfans & en payfannes, les uns avec des hottes, les autres avec des paniers, s'avancent jufqu'à l'entrée. Ils conduifent trois chariots, dont l'un doit s'arrêter fous la porte, à l'endroit qui répond à la herfe, pour la foutenir lorfqu'on l'abattra. Auffitôt que la porte et ouverte, deux des chariots entrent. Les foldats qui conduifent le troisième, chargé de facs de noix, s'arrêtent à l'endroit marqué. Un d'entr'eux ouvre à deffejn un de ces facs, & les noix fe répandent devant fe corps-de-garde. Tandis que les bourgeois, qui compofoient le

corps

orps-de-gardes fe font un amufement de les ra maffer, ils font tués ou mis en fuite par les foldats déguisés. Les cinq-cents hommes cachés dans le voisinage, accourent auffi-tôt, & entrent fans oppofition, par la porte que la charrette a empêché de fermer. Ils fe rendent maîtres, fans combat, des rues, des remparts, & enfin, de la place entière. On peut croire que l'on feroit aujourd'hui fort mal reçu à demander aux bourgeois d'Amiens, combien

valent les noix.

Les Français affiégeoient Turin, en 1640, & ils étoient eux-mêmes affiégés dans leur camp, par les Espagnols. Comme la difette des vivres étoit trèsgrande dans la ville, un des ingénieurs de l'armée Espagnole imagina de mettre dans des mortiers d'une nouvelle espèce, des boulets creux & remplis de farine, qui étant pouffés par une plus forte charge qu'à l'ordinaire, paffoient pardeffus la tête des affiégeants, & alloient tomber dans la ville. Mais ce fecours, plus ingénieux qu'utile, fut bientôt abandonné, parce qu'il fourniffoit peu & trop chèrement: Nani, hiftoire de Venife.

En 1643, Saint-Preuil, Gouverneur d'Amiens, qui comptoit beaucoup fur une rufe qu'il avoit imaginée pour s'emparer d'Arras, vouloit engager un nommé Courcelles à l'exécuter. J'ai fait choix de vous, lui dit-il un jour, comme du plus fage foldat que je connoiffe, pour un coup qui fera votre fortune. Il s'agit de furprendre Arras, & voici comme je l'ai conçu. Vous vous déguiferez en paysan, & vous irez vendre des fruits fur la place. Après que vous y aurez été quelque temps, vous prendrez querelle avec quelqu'un que vous tuerez d'un coup de poignard. Vous vous laifferez prendre on vous fera votre procès fur-le-champ, & on vous condamnera à être pendu. Vous favez que la coutume d'Arras eft de faire les exécutions hors de la ville; c'eft là-deffus que roule mon deffein. Je difpoferai une embuscade auprès de la portepar laquelle on vous fera fortir. Mes gens s'en rea Tome II.

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