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dront les maîtres, dès qu'ils verront qu'on fera attaché au spectacle. Je marcherai dans l'inftant pour les foutenir, & m'affurer en même-temps de Ja place; après quoi je fuis à vous, & vous délivre. Voilà mon deffein; qu'en dites-vous? Il est beau, répliqua Courcelles; mais la chofe mérite bien quelques réflexions. Eh bien ! fongez-y, dit SaintPreuil, & je faurai demain votre réfolution. Le Jendemain, Courcelles alla le trouver, & lui dit : Votre deffein me paroît admirable; mais je vous prie de trouver bon que je commande l'embufcade, & que vous Joyez le patient.

Les Anglais avoient fait, en 1694, des armements confidérables pour détruire les villes maritimes de France. Après avoir ruiné Dieppe, ils fe portent vers le Havre. Ceux qui commandent dins la place, s'avifent de faire des amas de bois à quelque diftance de la ville, à deffein d'y mettre le feu & d'y attirer les bombes. Cet arrangement eft à peine exécuté, que le bombardement commence à neuf heures du foir, & continue toute la nuit. Les monceaux de bois ayant été allumés à propos, les uns après les autres, toutes les bombes font lancées de ce côté-là. Il n'y a que celles qui font envoyées par des canonniers peu intelligents, qui tombent dans la place, où il y a à peine cinq ou fix maifons endommagées. L'Amiral Berckley, trompé par les apparences, fe retire le lendemain, bien convaincu qu'il ne laiffe qu'un tas de ruines où il avoit vu la veille, une ville floriflante : De Riencourt.

En 1702, des maraudeurs Français avoient comploté, avant l'ouverture de la campagne, de furprendre le fort de Schenek, où les habitants du pays avoient mis leurs effets les plus précieux. Ils fe féparent pour cet effet, en deux troupes, dont l'une feint d'être Hollandaife. Elles marchent par différents chemins, & compaffent fi bien leur marche, qu'elles fe rencontrent à la vue du fort. Elles paroiffent fe charger avec beaucoup d'animofité

& de vigueur. Les faux Hollandais plient, plufieurs fe laiffent tomber comme morts; le refte prend la fuite vers le fort, priant en Flamand, qu'on leur fauve la vie. On leur ouvre les portes, ils s'en rendent les maîtres; introduifent leurs camarades, & font un butin immense: Continuation de l'hiftoire d'Angleterre, de Rapin de Thoyras.

Pierre I affiégeoit Derpt, ville d'Estonie, en 1703. Pendant ce fiége, il intercepte une lettre qui lui apprend que les affiégés attendent de moment en moment, un fecours qui doit fe jetter dans la place. Il ordonne auffi-tôt à trois ou quatre de fes régiments, de prendre des uniformes & des drapeaux Suédois. Le corps prétendu Suédois attaque les tranchées; les Ruffes, après les avoir défendues quelque temps, s'enfuient la garnifon ne fe doutant point du ftratagême, fort pour achever la déroute. Alors les vainqueurs & les vaincus fe réuniffent, fondent avec impétuofité fur des gens qui ne font point préparés à les recevoir, & en font un grand carnage. Le petit nombre de ceux qui rentrent dans la ville, ne fe trouve pas en état de la défendre, & eft obligé bientôt après, de capituler: - Mémoire du règne de Pierre-le-Grand.

:

Pendant le fiége de Turin, en 1706, par les Français, le Duc de Savoie fit entrer dans la place, des munitions, qu'il confia au courant de la rivière, après les avoir enfermées dans des peaux. Une partie de chaque peau étoit pleine de vent, & l'autre partie contenoit précisément le poids néceffaire pour que ces peaux puffent fe foutenir entre-deux eaux Réflexions militaires de Santa Cruz.

Le Duc de Bourgogne, ayant fous lui Vendôme, commandoit, en 1708, l'armée deftinée à troubler le fiége de Lille: il avoit un avis de la dernière importance, à faire paffer dans la place; il défefpéroit d'en venir à bout, lorsqu'un Capitaine dans le régiment de Beauvoifis, nommé Dubois, s'offrit pour ce fervice, auffi difficile qu'effentiel. Comme il eft excellent nageur, il compte en venir à

en na

bout par fept canaux qu'il faut traverser. Arrivé au premier, il fe déshabille, cache fes habits, & franchit fucceffivement tous les canaux, geant entre-deux eaux, fans être ni vu ni entendu par les gardes poftées de ce côté-là. Auffi-tôt que cet homme intrépide s'eft acquitté de fa commiffion, il prend les ordres du Maréchal de Boufflers, qui commandoit dans la place, & regagne le camp de la même manière, & avec autant de bonheur, qu'il avoit pénétré dans la ville. L'action hardie de cet Officier fut bientôt répandue, & le Prince Eugène lui-même, qui conduifoit le fiége, la propofoit aux Officiers, comme un modèle de courage, de zèle & d'intelligence: Hift. du Prince Eugenc.

Dans la dernière guerre contre l'Angleterre, une frégate Anglaife s'étant approchée à la vue de Calais, fit les fignaux de détreffe pour attirer quelques bâtiments, & fe faifit de la chaloupe & des matelots qui venoient généreufement à fon fecours. Cet indigne ftratagême trouva des cenfeurs & des vengeurs parmi même la nation ennemie. En effet, de pareilles rufes outragent la nature, & tendent à empêcher les effets d'une charité fecourable.

L'auteur du Pour & Contre a rapporté ce traitfingulier & cruel de politique de Méhemet Almedhi, Roi de Fez, Prince ambitieux, rufé, hypocrite habile, & déifte décidé. Ce Prince eut une longue guerre à foutenir contre des peuples voifins qui refufoient de fe foumettre à fa tyrannie. Il remporta fur eux, plufieurs victoires; mais ayant enfuite perdu une bataille, où il avoit expofé fes troupes avec une fureur aveugle, elles fe rebubutèrent jufqu'à refufer d'aller à l'ennemi. Voici le ftratagême dont il s'avifa, pour leur inspirer du courage. Il affembla fecrètement un certain nombre de fes Officiers les plus affectionnés, & leur propofa des récompenfes confidérables, s'ils vouJoient confentir qu'il les enfermât, pour quelques

heures, dans des tombeaux, comme s'il euffent été tués au combat; qu'il leur laifferoit une ouverture fuffifante pour refpirer; & que, lorfque par une fuperftition qu'il alloit répandre adroitement dans l'armée, on viendroit les interroger, ils répondiffent qu'ils avoient trouvé ce que leur Roi leur avoit promis; qu'ils jouiffent des récompenfes du martyre, & que ceux qui les imiteroient, en combattant vaillamment, & qui mourroient dans cette guerre, jouiroient de la même félicité. La chofe s'exécuta comme il l'avoit propofée. Il mit les plus fidèles ferviteurs parmi les morts, les couvrit de terre, & leur laiffa un petit foupirail pour refpirer. Enfuite il rentra au camp, & faifant affembler les principaux chefs, vers le milieu de la nuit: Vous êtes, leur dit-il, les foldats de Dieu, les défenfeurs de la foi, & les protecteurs de la vérité. Difpofez-vous à exterminer nos ennemis, qui font auffi ceux du Très-haut, & comptez que vous ne retrouverez jamais une occafion fi certaine de lui plaire. Mais comme il pourroit fe trouver parmi vous, des lâches & des ftupides qui ne s'en rapporteroient point à mes paroles, je veux les convaincre par la vue d'un grand prodige. Allez au champ de bataille, interrogez ceux de nos frères qui ont été tués aujourd'hui; ils vous affureront qu'ils jouiffent du plus parfait bonheur, pour avoir perdu la vie dans cette guerre. En même-temps il les conduifit fur le champ de bataille, où il cria de toute fa force: O affemblée des fidèles martyrs, faitesnous favoir ce que vous avez vu des merveilles du Dieu très-haut! Ils répondirent: Nous avons reçu du Tout-puiffant, des récompenfes infinies, & qui ne peuvent être conçues par les vivants. Les chefs, furpris de cette réponse, coururent la publier dans l'armée, & réveillèrent le courage dans le cœur de tous les foldats. Tandis que cela fe paffoit au camp, le Roi feignant une extafe caufée par ce miracle, étoit demeuré près des tombeaux, où les ferviteurs enfevelis, attendoient leur déli

vrance; mais il boucha les trous par lesquels ils refpiroient, & les envoya recueillir, par ce barbare ftratagême, les récompenfes qu'ils venoient d'annoncer aux autres.

SAILLIE.

CE mot, qui vient du Latin Salire, fauter, figni

fie le paffage brufque d'une idée à une autre, dont le rapport trop éloigné, n'étoit pas d'abord apperçu. Les faillies tiennent le même. rang, dans les opérations de l'efprit, que l'humeur ou la boutade. dans les affections du cœur. Ces tranfitions fubites & inattendues, ne fuppofent pas toujours une grande étendue de lumières, mais elles caractérisent l'efprit. Les gens gais ont des faillies de plaifanteries; les méchants, de méchancetés; les perfonnes naïves, de naïvetés, &c. Voyez Contes, Bons mots, Sarcafmes, Naïvetés.

Ceux qui ont une imagination heureuse, ont des faillies d'imagination. Nous donnerons pour exemple, ces penfées de l'auteur de l'Esprit des Loix. La clôture des femmes en Orient, fuit naturellement de la polygamie, l'ordre domeftique le demande

ainfi

un débiteur infolvable cherche à fe mettre à couvert des poursuites de fes créanciers.

C'est un beau fpectacle que celui des loix féodales! Un chêne antique s'élève, l'œil en voit de loin, les feuillages; il approche, iten voit la tige, mais il n'en apperçoit point les racines; il faut percer la terre pour les trouver.

On a rapporté cette faillie de valeur d'un Général d'armée. Les ennemis s'avançoient; des nouvelles de leurs forces fupérieures pouvoient décou rager l'armée qui leur étoit oppofée : le Général l'appréhendoit; auffi, lorfqu'on vint lui annoncer que les ennemis s'approchoient, & qu'il étoit néceffaire d'envoyer reconnoître leur nombre : Nous

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