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SECRET.

UN ancien philofophe a mis le fecret au rang

des myftères les plus faints. Les mystères étoient des fêtes qui fe célébroient en l'honneur de la Déeffe Cérès; & comme on y gardoit extrêmement le fecret, on a donné le nom de mystère à tout ce qui eft caché.

Les grands Généraux ont toujours été perfuadés que les meilleures réfolutions font celles qui ne viennent point à la connoiffance des ennemis. Démétrius, fils d'Antigone le Grand, demandant à fon père, quel jour il combattroit: As-tu peur, lui dit-il, de ne pas entendre la trompette ?

Un Capitaine de Pierre III, Roi d'Aragon, lui ayant fait une demande indifcrète : Si je savois, lui répondit ce Prince, que ma chemise fût la moindre de mes pensées, je la brûlerois.

Un Général d'armée étoit en marche pour quelqu'expédition importante, un Officier le pria de lui dire quel étoit fon deffein. Ce Général, au-lieu de lui répondre, lui demanda, fi, en cas qu'il le lui apprêt, il n'en diroit rien à perfonne? L'Officier lui ayant protefté que non, le Général lui répondit, qu'il avoit auff-bien que lui, le talent de favoir garder un fecret. Cette fage réponse fit taire l'Officier indifcret.

Ceux qui ont fait aux femmes l'injustice de croire qu'elles étoient incapables de garder un fecret, peuvent fe rappeller cette anecdote de l'hiftoire d'Athènes. Plufieurs Athéniens méditoient en fecret de délivrer leur patrie, du joug de la tyrannie. Une femme, nommée Lionne, étoit du nombre des conjurés. Le tyran en est instruit; il la livre aux tortures, pour connoître fes complices. Cette femme fupporte les tourments les plus cruels; & commençant à fe défier de fes

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propres forces, fe coupe elle-même la langue, de peur que fon fecret ne lui échappe. Après l'expulfion des tyrans, les Athéniens, pleins de reconnoiffance pour cette femme, érigèrent en fon honneur, une ftatue de lionne fans langue; ils. mirent fur la base de la ftatue: La vertu a triomphe du fexe.

On a loué l'adreffe avec laquelle le jeune Papirius fut dérober fon fecret aux preffantes follicitations d'une mère qui le chériffoit. Son père Sénateur de Rome, l'avoit un jour mené au Sénat, où l'on délibéroit des affaires les plus importantes. A fon retour, fa mère lui demanda ce qui s'étoit paffé au Sénat. Le jeune Papirius lui répondit qu'il avoit été défendu d'en parler. Cette réponse, comme on le penfe bien, ne fit qu'augmenter la curiofité de cette femme : elle employa les moyens les plus preffants pour obtenir ce qu'elle defiroit. Son fils, vivement preffé, crut devoir la fatisfaire par un menfonge adroit. Il lui dit qu'on avoit délibéré s'il feroit plus utile à la république de donner deux femmes à un mari, que d'accorder deux maris à une femme. L'époufe du Sénateur, inquiète fur cette prétendue délibération, courut auffi-tôt communiquer fes craintes aux autres Dames Romaines. Le lendemain elles fe préfentèrent à la porte du Sénat, dirent tout haut qu'il falloit plutôt donner deux maris à une femme, & qu'on ne devoit rien conclure fans les entendre. Les Sénateurs ne comprenant rien aux demandes de ces femmes attroupées, le jeune Papirius les tira de peine, en leur racontant de quelle manière il lui avoit fallu éluder la curiofité de fa mère. On loua fa prudence; mais il fut réfolu qu'à l'avenir aucun jeune homme n'auroit l'entrée du Sénat, excepté le jeune Papirius.

C'est un dépôt bien dangereux pour un fujet que le fecret de fon maître: auffi le poëte Philippide, favori de Lyamachus, une des fucceffeurs d'Alexandre-le-Grand, interrogé par fon Prince,

fur ce qu'il defiroit le plus: Tout ce qu'il vous plaira, Seigneur, lui dit-il, à la réserve de votre fecret.

Des courtifans difoient au favori d'un Prince, & fon confident : Qu'y a-t-il de nouveau, & que vous a dit le Roi aujourd'hui ? car il ne fe fie qu'à vous. Pourquoi donc, leur répondit-il, me demandez-vous fes fecrets? Sadi.

SENTENCE.

PROPOSITION univerfelle, mais courte, fenfée,

énergique & qui renferme quelque vérité morale. On peut diftinguer la Sentence de la maxime, en ce que celle-ci eft un avertiffement aux hommes fur ce qu'ils doivent faire; l'autre un jugement fur ce qu'ils font ordinairement. La maxime eft un précepte de conduite; la fentence, une vérité de fpéculation: Voyez Maxime.

Jamais l'innocence & le mystère n'habitèrent long-temps ensemble.

La patience eft amère; mais fon fruit eft doux.

La véritable éducation confifte moins en préceptes qu'en exercices.

La raifon nous trompe plus fouvent que la na

ture.

Le filence donne du poids aux pensées, & du crédit aux paroles.

Les grandes pensées viennent du cœur.

Le doute eft l'école de la vérité.

La véritable politeffe confifte à marquer de la bienveillance aux hommes.

On ne plaint jamais dans autrui, que les maux dont on ne fe croit pas foi-meme exempt.

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Nul ne peut être heureux, s'il ne jouit de fa propre eftime.

Il faut une ame faine pour fentir les charmes de la retraite.

L'amitié plaint les maux; mais l'amour les reffent.

Le véritable amour eft le plus chafte de tous les liens.

Quand le cœur s'ouvre aux paffions, il s'ouvre à l'ennui de la vie.

La félicité eft la forme du fage; & il n'y en a point fans vertu,

Quand le ventre ne fe contente p ́s du pain, le dos fe courbe pour la fervitude.

Les grandeurs du monde corrompent l'ame; l'indigence l'avilit.

Les petites fortunes coûtent beaucoup de peines; mais les grandes fe font à peu de frais.

Le goût du jeu, fruit de l'avarice & de l'ennui ne prend que dans un esprit & dans un cœur vuides.

La vanité ne respire qu'exclufion & préférences exigeant tout, & n'accordant rien, elle est toujours inique.

Toute méchanceté vient de foibleffe.

Le foible eft inquiet; le grand homme est tranquille.

C'est le foible qui trompe, & le puiffant commande.

La férocité appartient à l'ignorance, qui ne connoît de droit que la force,

Le plaifir des fens eft une fleur dont le parfum s'évapore, & dont l'éclat s'éteint fous la main qui la cueille.

Les fortiléges font les rêves d'une imagination bleffée, qui communique fa maladie à des ceryeaux auffi foibles.

La difcrétion eft à l'ame, ce que la pudeur eft au corps: un excès de franchise eft une indécence comme la nudité.

Les paffions violentes font autant de tigres qui nous déchirent.

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Tel eft le fort de l'humanité ; la raifon nous montre le but, & les paffions nous en écartent. Les vertus éclatantes conduisent à la gloire; les talents cachés mènent à la fortune.

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L'attachement peut fe paffer de retour, jamais l'amitié elle est un échange, un contrat comme les autres; mais elle eft le plus faint de tous. On aime mieux fon égal que fon maître.

Le plus méchant des hommes eft celui qui s'ifole le plus, qui concentre le plus fon cœur en luimême; le meilleur eft celui qui partage également fes affections à tous fes femblables.

L'amour de la patrie eft une paffion dans le peuple; mais c'est une vertu dans le philofophe.

L'apparence feule de l'extraordinaire a beaucoup d'empire fur tous les hommes, & il est aifé de les tromper lorfque leur intérêt préfent n'éclaire pas leur crédulité naturelle.

Les hommes pardonnent quelquefois la haine, & jamais le mépris.

Le plus malheureux de tous les hommes eft celui qui croit l'être.

SENTINELLE.

LA fentinelle est une perfonne publique. Elle est

autorifée à tuer impunément quiconque l'infulte; elle le doit même felon, les loix de la guerre. Un événement arrivé en 1612 au fiége de Montpellier, ne laiffe aucun doute fur ce point de difcipline militaire. Voici comme Puifégur rapporte le fait dans fes mémoires. Le confeil étant fini, & M.de Marillac fortant à cheval, par la porte du logis du Roi, fon cheval, en reculant, marcha fur le pied de la fentinelle, laquelle frappa de la fourchette fur la croupe du cheval; ce qui donna une fecouffe à M. de Marillac, qui fe tourna & battit la fentinelle.

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