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donna lieu à un fait affez particulier. Un Prêtre de la miffion, nommé Levacher, qui demeuroit dans cette ville, avoit avec lui, un autre Prêtre de la même miffion, nommé Guérin. La pefte ayant frappé le premier, il fut un peu de temps tenu pour mort, & on fe mit en devoir de l'enfevelir. M. Guérin écrivit en conféquence à M. Vincent, Supérieur général de la miffion de France, qu'il avoit plu à Dieu de difpofer de M. Levacher, & qu'il alloit le faire porter en terre. La lettre fut auffi-tôt remise à un Capitaine de vaiffeau qui étoit prêt de partir pour la France. Comme on étoit fur le point de mettre M. Levacher dans la bière, il fit quelques mouvements qui indiquèrent qu'il n'étoit pas mort. Auffi-tôt on le tira de fon fuaire, & on le remit dans fon lit. Cepentdant M. Guérin fur auffi frappé de la pefte, avec tant de violence, qu'elle le tua véritablement en peu d'heures, & il fut enterré. Quelques jours s'étant paffés, & M. Levacher bien rétabli, ne fachant pas ce que M. Guérin avoit écrit de lui, manda auffi à M. Vincent, que Dieu avoit difpofé de M. Guérin, & envoya fa lettre au Capitaine prêt à partir. C'étoit le même qui avoit reçu la première, & qui attendoit pour fon départ, un vent favorable. Le voyage ayant été heureux, le Supérieur général de la miffion reçut en même-temps les deux lettres, dont la date ne différoit pas beaucoup. On peut juger quelle fut la furprise de ce Supérieur, de recevoir deux lettres de deux hommes qui mandoient la mort l'un de l'autre, de la même manière, & avec les mêmes circonftances. On ne pouvoit méconnoître leur écriture, ni le cachet de la miffion: on ne favoit enfin que penfer de cette aventure, dont le mystère ne fut éclairci que quelques mois après.

En 1667, Louis XIV avoit porté la guerre dans les Pays-Bas. Après s'être rendu maître de plufieurs places, il mit le fiége devant Lille. Le Comte de Brouai, Gouverneur de la place, fit demander où

étoit le quartier du Roi. Il eft dans le camp entier, répondit le Prince, & on peut tirer par-tout. A cette politeffe, le Gouverneur en ajouta une autre, qui fut d'envoyer tous les matins, de la glace, parce qu'il avoit appris qu'elle manquoit au camp du Roi. Louis dit un jour au gentilhomme qui la lui apporta: Je fuis bien obligé à monfieur de Brouai, de fa glace; mais il devroit m'en envoyer un peu davantage. Sire, repartit l'Espagnol fans héliter, il croit que le fiége fera long, & il craint qu'elle ne vienne à manquer. Il fit tout de fuite une révérence, & s'en alla. Le Duc de Charroft, qui, comme Capitaine des gardes, étoit derrière le Roi, cria à l'envoyé Dites à Brouai qu'il n'aille pas faire comme le Commandant de Douai, qui s'eft rendu comme un coquin. Louis fe retourna, & lui dit en riant: Charroft,étes-vous fou? Comment, Sire ! répliqua-t-il, Brouai eft mon coufin. Mém. de Choify.

Le Marquis de Saint-André follicitoit un petit gouvernement auprès de M. de Louvois, Miniftre de la guerre. Ce Miniftre qui avoit reçu quelques plaintes contre l'Officier, le lui refufa. Si je recommençois à fervir, je fais bien ce que je ferois, reprit cet Officier, un peu ému. Et que feriezvous, lui demanda le Ministre, d'un ton tout-à-fait brufque? Je réglerois fi bien ma conduite, répliqua Saint-André, que vous n'y trouveriez rien à redire. Louvois fut fi agréablement furpris de cette réponse, qu'il accorda ce qu'on lui demandoit.

Pendant la guerre de Hollande, en 1672, un foldat ayant, par étourderie, lâché un coup piftolet près de la maifon où Louis XIV avoit établi fon quartier général, fut condamné à être pendu. Une Liégeoife, jeune & jolie, touchée de compaffion, s'alla préfenter au Duc de la Feuilla

de pour avoir la grace de ce malheureux. Le Duc la renvoya au Roi, devant qui elle fe mit à genoux, & la lui demanda. Le Prince voulut favoir d'elle, par quel motif elle parloit en faveur d'un

homme qu'elle ne connoiffoit pas, & fi c'étoit qu'elle voulût l'époufer. Elle répondit que non; que la pure charité la portoit à parler pour lui, & qu'elle avoit un frère dans les troupes, à qui, fi pareil malheur étoit arrivé, elle auroit été bien aifé qu'on eût pardonné. Le Roi s'éloigna d'elle, en lui difant que, qui tiroit près du Louvre, méritoit la mort. La pauvre fille ne fe rebuta point; & retenant le Monarque par l'habit: N'accorderez-vous pas, Sire, lui dit-elle, cette grace d Liégeoife qui vous la demande? Elle prononça ces paroles avec tant de naïveté, que le Roi lui répondit en fouriant: Oui, je vous l'accorde, & je veux qu'il vienne vous en remercier.

une

Le Duc de Roquelaure, bien connu à la Cour de Louis XIV, par fes plaifanteries, n'avoit cependant pas toujours les rieurs de fon côté. Ce Duc étoit dans une petite ville de province : il avoit été voir la plupart des dames de ce pays, & en avoit oublié une qui fe croyoit digne de fes empreffements. La dame regardoit cet oubli comme un affront; elle craignoit même que les autres n'en tiraffent avantage; c'eft pourquoi elle pria un des amis du Duc, de l'amener chez elle. Cetami s'acquitta de fa commiffion; mais, foit qu'il prît mal fon temps, ou par quelqu'autre raison, M. de Roquelaure fe voyant forcé à faire cette vifite, protefta qu'il ne diroit pas un mot. L'ami crut qu'il ne tiendroit pas fa parole, & avertit la dame de l'heure. La dame, de fon côté, eut foin d'affembler bonne compagnie chez elle, afin d'avoir autant de témoins de l'honneur qu'elle devoit recevoir; mais elle n'eut pas lieu de s'en applaudir. M. de Roquelaure vint comme il l'avoit promis, mais ce fut pour se camper dans un fauteuil

il ne defferra pas les dents. Un pareil procédé déconcerta toute l'affemblée. La dame méprisée, en crevoit de dépit, lorfque fa fille, qui étoit une petite perfonne très-jolie, la vengea pleinement. Ennuyée d'un fi long filence, elle fe leva

tout-d'un-coup, & après s'être approchée du Duc, elle fe mit à crier de toute fa force. Ha! mon Dieu, maman, monfieur de Roquelaure eft mørt! Cette faillie réveilla tous les efprits. On demanda à la petite fille ce qu'elle vouloit dire. Mais, oui, infifta-t-elle, il eft mort; ne voyez-vous pas bien qu'il put,& qu'il ne parle point? n'eft-ce pas comme l'on dit que nous ferons après la mort? M. de Roquelaure fe retira fans demander fon refte, & laiffa à la compagnie, la liberté de rire à fes dépens. Lettre de M. Dunoyer.

Le Duc de Roquelaure n'étoit pas beau. Un jour ce Seigneur rencontrant un Auvergnat fort laid, qui avoit des affaires à Versailles : il le préfenta lui-même à Louis XIV, en lui difant, qu'il avoit les plus grandes obligations à ce gentilhomme. Le Roi voulut bien accorder la grace qui lui étoit demandée, & s'informa du Duc, quelles étoient les obligations qu'il devoit à cet homme. Ah! Sire, répartit M. de Roquelaure, fans ce magot-là, je ferois l'homme le plus laid de votre Royaume. Le Roi fourit à cette faillie; & l'Auvergnat, en homme d'efprit, ne fit pas femblant d'y prêter attention, & ne parut occupé que de fa reconnoiffance.

On s'amufoit à la Cour de Louis XIV, à faire des loteries. La Ducheffe de Bourgogne en fit une: elle étoit elle-même au bureau où l'on portoit l'argent, & chacun y mettoit pour faire fa cour. Un jour que M. le Duc de Bourgogne paffoit parlà, il entendit une grande difpute entre celui qui recevoit l'argent & un Officier qui demandoit un billet. Le Prince voulut savoir de quoi il s'agiffoit, & on lui dit que cet homme vouloit qu'on écrivit pour devife fur fon billet: Aux cinq fans diables. Le receveur refusoit de mettre une pareille devife, & M. le Duc de Bourgogne en étoit même fcandalife; mais celui qui la demandoit, en expliqua le fens au Prince, & lui dit qu'ils étoient cinq affociés au billet, tous cinq garçons, & par

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conféquent, cing fans diables, puifqu'ils étoient fans femmes. Cette imagination fit rire la Cour : mais il arriva une autre aventure à-peu-près de la même espèce, qui l'intrigua un peu. Un homme voulut faire mettre fur fon billet: Si je gagne, le Roi aura Durevers. On dit cela au Roi, qui commanda qu'on arrêtât cet homme; & après l'avoir fait amener devant lui, Sa Majefté lui demanda quel étoit le revers dont il le menaçoit. C'est, Sire, répondit cet homme, que fi je gagne, j'ai deftiné cet argent à acheter une charge auprès de Votre Majefté ; & comme je m'appelle Durevers, fi je gagne, votre Majefté aura Durevers à fon fervice. Cette équivoque ne fut point du goût du Roi; on remercia M. Durevers, & on le pria de fe retirer, & d'aller porter ailleurs fa piftole & fes mauvaises plaifanteries: Lettres de M. Dunoyer. Le Duc d'Offone, Vice-Roi de Naples, étoit allé fur les galères du Roi d'Espagne, le jour d'une grande fête , pour exercer le droit qu'il avoit de délivrer un forçat. Il en interrogea plufieurs, qui tâchèrent tous de s'excufer & de le convaincre de leur innocence. Un feul avoua naïvement fes crimes, en difant qu'il méritoit encore une plus grande punition. Qu'on chaffe, dit le Duc, ce méchant homme, de peur qu'il ne pervertiffe ces honnétes gens-là. Il récompenfa ainfi la fincérité de ce galérien.

Un Marchand avoit acheté, cent mille écus, la fameufe perle appellée la Pélegrine. Philippe IV, auquel ce Marchand fut préfenté, lui demanda pourquoi il avoit donné tant d'argent pour une perle. Je fongeois, répondit-il, qu'il y avoit dans le monde, un Roi d'Espagne qui me l'acheteroit. Ce Monarque flatté de cette réponse qui témoignoit la grande idée que l'on avoit de lui, fit compter au Marchand, quatre-cents mille livres pour cette perle.

Un bourgeois de Verdun maltraitoit extrêmement fa femme qui étoit fort jolie: on en porta

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