Images de page
PDF
ePub

dit le Prince attendri à ce spectacle, je ne ferois pas votre prifonnier, mais vous feriez les miens: Hift. militaire des Suiffes au fervice de France.

Un Miniftre de Louis XIV difoit à ce Prince, devant Pierre Stuppa, Colonel du Régiment des Gardes-Suiffes, qu'avec l'or & l'argent que les Suiffes avoient reçu des Rois de France, on pourroit paver une chauffée de Paris à Bafle. « Cela » peut être vrai, Sire, réplique le Colone!; mais ›› auffi, fi on pouvoit raffembler tout de fang que » ceux de ma nation ont verfé pour le fervice de » votre Majesté, & des Rois ses prédéceffeurs, on » pourroit en faire un canal pour aller de Paris à » Bafle. »

[ocr errors]

La franchise & la naïveté forment le principal caractère du Suiffe; on lui reproche, non fans quelque raison, d'être obftiné & peu fobre.

Un Suiffe avoit été pofté à la porte d'une falle d'affemblée. Il lui avoit été ordonné de ne laiffer entrer que ceux qui auroient des billets. Un homme de qualité fe préfente avec fa compagnie; le Suiffe qui ne lui vit point de billets, lui dit brufquement: Entrer dedans, point. Jamais on ne put le fléchir, que lorsque l'homme de qualité s'avifa de lui dire: Moi ne vouloir point entrer dedans, mais vouloir fortir dedans. Ah! pour fortir, bon, dit le Suiffe, mais pour entrer, point; & alorsil le pouffe lui-même dans la falle. Combien de perfonnes reffemblent à ce Suiffe, & ne s'arrêtent qu'au mot!

---

On demandoit à un Suiffe, fi fon maître y étoit. Il n'y eft pas. Quand reviendra-t-il ? - Lorfque Monfieur, répondit le Suiffe, a donné ordre de dire qu'il n'y eft pas, on ne fait pas quand il reviendra.

Deux foldats aux Gardes & un Suiffe buvoient enfemble plufieurs bouteilles de vin, dans une cour; & comme il pleuvoit, le Suiffe avoit foin, toutes les fois qu'on lui verfoit à boire, d'élever fon chapeau au-deffus de fon verre, de peur qu'il n'y tombât une goutte d'eau.

On a fait ce conte d'un Suiffe qui fe fentoit indifpofé. Il alla confulter un Médecin, qui lui ordonna un lavement le foir, le lendemain matin une faignée & un lavement, & le matin du jour fuivant, une médecine. Le Suiffe, étant retourné chez lui, fit réflexion qu'il avoit un voyage à faire le lendemain. Comme il ne pouvoit pas retarder ce voyage, il s'avifa de prendre le foir même, tout ce que le Médecin lui avoit ordonné, & partit fans fonger depuis à fon mal.

Madame de Montefpan, qui venoit de fuccéder à la Ducheffe de la Valière, dans le cœur du Roi, alla voir une de fes amies qu'elle ne trouva point. Elle recommanda bien au Suiffe, de dire à la Dame du logis, qu'elle étoit venue pour la voir. Me connois-tu bien, lui dit-elle ? Oh qu'oui, répondit le Suiffe, c'eft vous qui avez acheté la charge de Madame la Valière.

Paris, dit Scaron, dans fon Roman comique, a un rieur d'office dans chacun de fes quartiers. Dans les troupes, chaque compagnie a ordinairement le fien; c'eft une espèce de bel efprit qui fait des chanfons d'armées, & qui divertit fes camarades. Les Suiffes ont auffi de ces plaifants qu'ils nomment Louftic; mais comme ils ne font point en état de faire beaucoup de dépenfe en efprit, ils n'en ont qu'un par régiment. Sa charge n'eft pas fort difficile à remplir; car il fuffit qu'il ouvre la bouche, pour que l'on croie qu'il a dit quelque plaifanterie. Un jour que tout le Régiment des Gardes-Suiffes alloit à Verfailles pour une revue, le Louftic étoit dans les premiers rangs, il ouvrit la bouche, & fes camarades qui étoient à fes côtés, ayant ris, le ris courut de rang en rang jufqu'aux derniers du Régiment. Quelqu'un demanda à un de ceux qui étoient à la queue, ce qu'ils avoient tous à rire; le foldat lui répondit ingénument: Le Loufiic l'être là-haut qui l'haver dit quet chofe qui étré trôle.

Dans une lettre que M. Racine écrit à Boileau,

[ocr errors]

:

au camp près de Namur, en 1692, il lui dit
"Je vous ai vu rire affez volontiers, de ce que le
» vin fait quelquefois faire aux ivrognes. Hier,
» un boulet de canon emporta la tête d'un de nos
» Suiffes dans la tranchée; un autre Suiffe, fon
» camarade, qui étoit auprès, fe mit à rire de
» toute fa force, en difant: Ho, ho, cela eft plai-
» fant, il reviendra fans tête dans le camp. »

Deux Suiffes déferteurs alloient avoir la tête caffée. Louis XIV, qui les vit paffer, leur accorda la vie. Ces deux Suiffes coururent auffi-tôt après Sa Majefté, lui demander pour boire.

Un Capitaine Suiffe faifoit enterrer pêle-mêle, fur le champ de bataille, les morts & les mourants. On lui représente que quelques-uns des enterrés refpiroient encore & ne demandoient qu'à vivre ; Bon, dit-il, fi on vouloit les écouter, il n'y en auroit pas un de mort.

TÉ MÉRITÉ.

LA témérité eft ici prife pour cette fureur bra

tale qui fe précipite dans le danger, parce qu'elle ne le voit pas, ou du moins, parce qu'elle n'en prévoit pas les conféquences. La témérité peut être regardée comme l'ivreffe du courage: Voyez Courage.

En 1554, les peuples de Cambaye s'avançoient pour faire le fiége de Diu, citadelle dont les Portugais étoient les maîtres. Fernand Cafiagnhofo en fortit auffi-tôt avec la moindre partie du corps qui étoit à fes ordres, & s'étant jeté fans précaution au milieu de la cavalerie Indienne, fe fit maffacrer avec dix-fept Portugais qui l'accompagnoient. A cette nouvelle, le Gouverneur, Diégo de Norogca, tranfporté de colère, voulut aller combattre lui-même l'ennemi. Un Officier le faifit au corps & le pria de confidérer à quel péril il al

loit expofer lui & la citadelle. Si je péris, dit-il brufquement, que m'importe ce qui arrivera après moi? Ces paroles dites dans la chaleur de l'action, mais qui manifeftoient un courage peu réfléchi, Jui coûtèrent la Vice-Royauté des Indes. Quelqu'un les ayant rapportées à la Cour, lorsqu'il étoit queftion de lui donner cette place, il en fat exclus pour toujours: Conquêtes des Portugais dans le nouveau Monde.

TERREUR PANIQ U E.

N voit dans l'hiftoire ancienne, que fouvent des craintes foudaines, quoique mal-fondées, ont décidé du deftin des armées. L'hiftoire moderne en fournit auffi des exemples.

Arnould, fils naturel de Carloman, difputoit, en 888, l'Empire à Gui, Duc de Spolette, qui s'étoit déjà rendu maître de Rome. Arnould, après plufieurs batailles, arriva devant cette capitale, & fe préparoit à en faire le fiége, lorsqu'un lièvre effrayé traverfa le camp encourant vers la ville. Ses foldats le pourfuivirent en jettant de grands cris. Les affiégés, ignorant ce qui fe paffoit, crurent que c'étoit le fignal pour monter à l'affaut. Comme leurs préparatifs pour la défenfe n'étoient point encore faits, la frayeur les faifit, ils abandonnent leurs remparts. Arnould s'en apperçoit, profite du moment, monte à l'affaut, prend Rome & s'y fait couronner Empereur.

En 1588, un détachement de Français, commandé par Lefdiguières, attaque la tour de Moyranc. Il fait une brèche & tente un affaut qui est foutenu avec toute l'intrépidité poffible. Durant la plus grande chaleur de l'action, un trompette hardi monte par une échelle, gagne le lieu le plus élevé de la tour, fonne la charge, & jette une fi grande confternation parmi les affiégés, qu'ils se

précipitent dans les foffés. On en fait une boucherie horrible; & de trois-cents qu'ils font, il n'en échappe que deux: Hiftoire de Lefdiguières.

L'Angleterre avoit, en 1746, formé le projet de ruiner le port de l'Orient, & avec lui, la compagnie des Indes de France. Pour l'exécution de ce grand deffein, le Général Sinclair débarque avec fept mille hommes fur les côtes de Bretagne, & fomme l'Orient, qui fe rend le premier jour de l'attaque. Les tambours des milices de l'Orient, peu inftruits, battent le matin la générale. Sinclair demanda à des gens du pays, la raison de cet air de guerre après la capitulation. On lui répond, qu'on lui a tendu un piége en capitulant, & qu'on va fondre fur lui avec douze mille hommes. Pendant cet entretien, le vent change, & l'Amiral Leftoc en avertit par un fignal. Sinclair, craignant d'être attaqué, quitte fon pofte & fe retire précipitamment. Cependant ceux qui ont fait la capitulation, fortent de la ville pour se soumettre au Général Anglais. Ils ne peuvent revenir de leur furprise, quand ils ne trouvent perfonne dans le camp. La poltronnerie & la fottife, ajoute l'auteur, font égales des deux parts: Hiftoire de la guerre de

2742.

TIMIDIT É.

LA timidité eft ici prife pour la crainte du bla→

me. On a dit que cette crainte fait souvent un fot d'un homme d'efprit, en lui ôtant la préfence d'efprit & la confiance néceffaires dans le commerce du monde. Madame de Staal peint très-bien dans fes mémoires, écrits d'un ftyle naïf & enjoué, les balourdifes que cette espèce de timidité dont nous parlons, lui fit fouvent commettre auprès de la Ducheffe du Maine. Elle étoit chez cette Ducheffe en qualité de femme-de-chambre: « La

[ocr errors]
« PrécédentContinuer »