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Un homme, dont le nez étoit fort camard, étant venu à éternuer en préfence d'un railleur de ce caractère; celui-ci le falua, & ajouta: Dieu vous conferve la vue. Celui qui venoit d'éternuer, pris de ce vœu, lui demanda pourquoi il le faifoit? Parce, répondit le railleur, que votre nez n'eft pas propre à porter des lunettes.

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Des Dames, très-âgées, demandoient à M. d'Aubigné, qu'elles trouvèrent dans une des falles du vieux Louvre, ce qu'il faifoit là? Vous voyez, Mesdames en les regardant, que j'admire des antiquités.

TYRAN.

UN Religieux, dit le Poëte Sadi, étoit refpeclé

:

dans Bagdad pour fa piété, & le peuple & les grands avoient confiance dans fes prières. Hofchas Jofeph, tyran de Bagdad, vint le trouver, & lui dit Prie Dieu pour moi. O Dieu, s'écrie le Religieux, en élevant les mains au Ciel ! ôte de la terre Hofchas Jofeph. Malheureux, tu me maudis, lui dit le tyran!-Je demande au Ciel, répondit le Religieux, la plus grande grace qu'il puiffe accorder à ton peuple & à toi.

USAGE S.

It n'eft que trop ordinaire aux gens du monde,

qui, pour la plupart, bornent leur petite fcience à la connoiffance des ufages, de méprifer ceux qui les ignorent. M. le Duc de Bourgogne ne penfoit point ainsi. En 1702, ce Prince commandoit en Flandres l'armée Française. Un vieux Officier, qui connoiffoit mieux fon métier que les ufages de la Cour, fe mit à la table du Prince, fans en avoir

obtenu la permiffon: on l'avertit de fa faute, & il en demande pardon Monfieur, lui dit obligeamment le Duc de Bourgogne, vous souperez avec moi; je vous apprendrai la cour,& vous m'apprendrez la guerre.

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USURIER.

N fameux ufurier, qui voyoit tous les jours fes profits diminuer, alla trouver un célèbre Prédicateur, pour le prier de prêcher vivement contre l'ufure. Celui-ci, qui le croyoit converti, lui dit, d'un ton faintement animé : Ah ! mon frère, que je me réjouis de ce que la grace opère dans votre cœur! Vous n'y êtes pas, lui répondit froidement l'ufurier. Je vous fais cette demande, parce qu'il y a tant d'ufuriers dans la ville, que je ne gagne rien: fi vous pouviez les corriger par vos prédications, tout le monde viendroit à moi.

Un autre ufurier, ou peut-être le même, étoit à l'article de la mort. Son Confesseur l'exhortoit de fon mieux, & pour rendre fon exhortation plus pathétique, lui montroit un Crucifix. Lemoribond le regarde fixement. Son Confeffeur, qui le croit touché, lui préfente ce Crucifix, qui étoit d'argent. Le malade le foulève, & dit, en le rendant: « Monfieur, je ne puis pas prêter grand» chofe là-deffus ». On pourra conclure de ce fait, que l'on meurt comme l'on a vécu.

VALEUR.

C'EST la force réunie au courage. Dans quelle

ville la valeur étoit-elle plus honorée qu'à Sparte? Une troupe de Lacédémoniens, paffant devant la wille de Corinthe, qui avoit des remparts, quel

ques Lacédémoniens demandèrent : Quelles femmes habitent cette cité ? Ce font, leur réponditon, des Corinthiens. Ne favent-ils pas, reprirent ils, ces hommes vils & lâches, que les feuls remparts impénétrables à l'ennemi, font des citoyens déterminés à la mort: Voyez Bravoure Courage, Français.

Un mot, une plaifanterie dite à propos, a souvent plus fervi à rappeller la valeur des troupes, que la harangue la plus éloquente. Les Français attaquent & battent, en 1690, le Prince de Waldek à Fleurus, près de Charleroi. Durant cette action, un Lieutenant-Colonel d'un Régiment Français, dont le nom auroit bien mérité d'être confervé, fe trouve prêt à charger. Ne fachant comment animer les fiens, très-mécontents d'être entrés en campagne fans être habillés, il leur dit : "Mes amis, voici de quoi vous consoler, puif» que vous avez le bonheur d'être en préfence » d'un Régiment vêtu de neuf. Chargeons vigou» reusement, habillons-nous ». Cette plaifanterie, qui marque un grand fonds de mépris pour l'ennemi, fait un tel effet fur l'efprit des foldats, qu'ils fe précipitent fur le Régiment, le détruifent, & s'habillent tous complettement fur-lechamp: Folard, Commentaire fur Polybe.

La nourriture influe plus qu'on ne pense fur la valeur des troupes; & tout le monde peut reconnoître la vérité de ce mot d'un Médecin Anglais, qui difoit qu'avec une diète de fix femaines, il rendroit un homme poltron. Le Prince Maurice étoit fi convaincu de ce principe, an'il employoit toujours à quelque action de vigueur, les Angiars lorfqu'ils arrivoient de chez eux, & tandis qu'ils avoient encore la pièce de bœuf dans l'eftomac ; c'étoit fon expreffion: Guillaume Temple, Remar ques fur les Provinces-Unies.

VANITÉ.

COMBIEN de gens affez ridicules pour vouloir

emprunter leur éclat, de chofes qui leur font absolument étrangères! Ils reffemblent, pour la plupart, à ce Bedeau qui entendoit louer le Sermon qui venoit d'être prêché. Lorfque plufieurs des auditeurs fe récrioient fur la folidité des pensées, & la richeffe des expreffions, ce Bedeau s'approcha d'eux, d'un air content, & leur dit: « Mef» fieurs, c'est moi qui l'ai fonné. »

On louoit pareillement un Organiste fur l'exécution d'un Te Deum. Le Souffleur, qui écoutoit, crut devoir fe faire connoître, & dit, en dreffant la tête Meffieurs, c'est moi qui ai foufflé. »

Un de ces Seigneurs désœuvrés, dont la principale occupation eft de furprendre' quelques regards ou quelques paroles du Prince, difoit en présence d'un vieux & fin courtifan: J'étois hier au coucher du Roi, qui me dit cette nouvelle. Il s'approprioit, par ce moyen, à lui feul ce que le Roi avoit dit pour tous ceux qui l'écoutoient. Le vieux courtifan, dans la vue de lui faire fentir cette vanité ridicule, lui dit : Et moi, j'étois hier au Sermon du Père Bourdaloue, qui me dit de fort belles choses.

Où la vanité ne fe loge-t-elle pas ? Socrate apperçut un jour le Philofophe Antisthène, qui tournoit fon mɔnteru, afin d'en montrer à tout donde un côté qui étoit déchiré. O Antifthène! s'écria Socrate, je découvre ta vanité au travers des trous de ton manteau : Vies des anciens Philofophes.

La vanité, dans bien des occafions, nous fai: raifonner comme ce Maître d'Ecole, dans le Pédant Joué, de Cyrano de Bergerac. Ce Régent veut prouver qu'il eft le plus bel homme du mon

de, & voici comme il s'y prend : « L'Europe eft » la plus belle partie du monde; la France eft le "plus beau pays de l'Europe; Paris eft la plus "belle ville de France, l'Univerfité eft le plus » beau quartier de Paris; la plus belle chambre de », l'Univerfité, c'est la mienne; je fuis le plus ,, beau de ma chambre : donc je fuis le plus bel » homme du monde ». Combien d'hommes vains s'attribuent, par un raifonnement auffi extravagant, une bonne partie de la fupériorité qu'ils accordent à tout le Corps dont ils font membres !

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Une jolie fuivante avoit un gros diamant au doigt: Bergerac le confidéroit avec curiofité. La maîtreffe, qui étoit préfente, foutenoit le diamant fin. Oh! reprit Bergerac, faifons-lui l'honneur de croire qu'il eft du Temple; car fi le diamant eft bon, la fille ne vaut rien.

On regardoit le portrait d'un homme extrêmement vain, qui s'étoit fait peindre dans une attitude, & avec des attributs au-deffus de fon mérite & de fa qualité. Comme quelqu'un disoit, fur ce que ce portrait n'étoit pas bien reffemblant: Voilà un mauvais Peintre ! Je le trouve fort judicieux, repartit un homme d'efprit.

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VENGEANCE.

Na dit que la vengeance étoit douce. Oui, pour une ame foible, & incapable de fupporter l'injure Voyez Pardon des injures.

Le fanatique Telton, qui tua le Duc de Buckingham, favori de Charles II, Roi d'Angleterre, étoit fi vindicatif, qu'ayant un jour appellé en duel un gentilhomme qui l'avoit offenfe, & croyant que la qualité de fon ennemi lui feroit peut-être refufer le cartel, il lui envoya d'abord en même temps un de fes doigts, qu'il fe coupa

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OR

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