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préceptes de morale, dont elle ne comprend jamais bien l'importance, mais de choisir des exemples à fa portée, & qui lui faffent connoître toute la turpitude du vice. Les Lacédémoniens, pour détourner leurs enfants de l'ivrognerie, leur faifoient confidérer un esclave ivre.

Un vieux militaire, qui s'étoit diftingué par fes mœurs, autant que par fon courage, racontoit que, dans fa première jeuneffe, fon père, homme de fens, mais très-dévot, voyant fon tempérament naiffant fe livrer aux femmes, n'épargna rien pour le contenir; mais enfin, malgré tous fes foins, le fentant prêt à lui échapper, il s'avifa de le mener dans un hôpital de vérolés ; & fans le prévenir de rien, il le fit entrer dans une falle, où une troupe de ces malheureux expioient, par un traitement effroyable, le défordre qui les y avoit exposés. A cet hideux afpect, qui révoltoit à-la-fois tous les fens, le jeune homme faillit à fe trouver mal. « Va, mi» férable débauché » luiditala sle père d'un ton véhément « fuis le vil penchant uit'entraîne, bien"tôt tu feras trop heureux d'êre admis dans cette » falle, où, victime des plus infimes douleurs, tu » forceras ton père à remercier Dieu de ta mort ». Ce peu de mots, joint à l'énergique tableau qui frappoit le jeune homme, lui firent une impreffion qui ne s'effaça jamais. Condamné, par fon état, à paffer la jeuneffe dans des garnifons, il aima mieux effuyer toutes les railleries de fes camarades, que d'imiter leur libertinage. « J'ai été homme >> difoitil j'ai eu des foibleffes; mais parvenu jufqu'à » mon âge, je n'ai jamais pu voir une fille publi» que fans horreur » : Emile.

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VI E. ( Image de la)

IL y a une comédie de M. Boiffy, imitée de

l'Italien, dont l'objet eft de nous faire entendre

que la vie n'eft qu'un fonge. Une anecdote rapportée par le Chevalier Chardin, dans fes Voyages, peut auffi fervir à nous rappeller que la vie n'eft qu'un court pélerinage. Un Derviche voyageant dans les Indes, voit le palais d'un Gouverneur de province; il y entre, va fous le veftibule, pofe fa beface à terre, en tire un morceau de pain, s'affied, & fe difpofe à prendre fon repas. Un des gardes du palais l'aborde, & lui demande s'il fait où il eft. Dans un caravenfera, répond celui-ci.Quoi, mon ami, vous prenez un palais pour une hôtellerie! fortez d'ici. L'autre tient ferme; la querelle s'échauffe, le Maître defcend au bruit, s'informe du fujet, rit de la méprise du voyageur, & lui dit que c'est fa maifon. Avant vous, qui la poffédoit, demande ceJui-ci ?-Mon père. Avant votre père? - Mon aïeul.-Avant votre aïeul? - Mon bifaieul.- Et de grace, continue le Derviche, qui en fera le maître après vous? - Ce fera mon fils. Ah! Seigneur, ajouta le Religieux, une maison qui change fi fouvent d'hôte, n'est qu'une vraie hôtellerie.

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Chinvang-le-Chafte, en montant fur le trône de la Chine, ordonna qu'on mît en liberté tous ceux qui, pendant les règnes précédents, avoient été injuftement renfermés dans les prisons. Au milieu des captifs qui vinrent remercier leur libérateur , parut un vieillard refpectable qui, se profternant aux pieds de l'Empereur, lui adreffa ces paroles : « Père de l'Empire, regarde un mal-", heureux chargé de quatre-vingt-cinq ans, & " qui, dès l'âge de vingt-deux, fut jeté dans un » cachot. Je fus arrêté pour un crime que je n'a» vois pas commis, & je fus condamné fans être » confronté à mes accufateurs. Je vis dans la folitude & dans les ténèbres depuis plus de foixante " ans, & je me fuis familiarifé avec le malheur, »Tout ébloui de l'éclat de la lumière à laquelle » tu m'as rendu, j'errois dans les rues pour dé» couvrir

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couvrir quelqu'ami qui pût fe reffouvenir de "moi, me reconnoître, me fecourir: mes amis. » mes parents, tout ce que je connoiffois, n'est "plus; je me vois étranger à l'univers, & je n'ai » fait que changer de folitude. Permets-moi donc, "ô Chinvang, d'aller achever les malheureux ref» tes de ma vie dans ce lieu où j'ai paffé ma jeu»›neffe: les murs de mon cachot me feront plus » agréables que le plus magnifique palais ». Le goût de ce vieillard, pour fon cachot, eft semblable à celui que nous avons pour la vie. Nous fommes accoutumés à notre prifon, elle nous déplaît, mais la longue habitude nous y attache: Effais de M. Goldmith, dans le Journal Etranger.

UNE

cus,

VICTOIRE.

NE victoire, où il s'agit de ménager les vaincomme devroient l'être toutes celles auxquelles on afpire, eft bien plus difficile à remporter que celles de ces vainqueurs fougueux, qui n'ont voulu fatisfaire que leur orgueil ou leur vengeance". Si vous voulez détruire ces peuples, » difoit à fon Souverain un habile Officier général, » il ne me faut que vingt mille hommes mais il >> m'en faut quarante mille, fi vous ne voulez que » les foumettre » : Terrasson.

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J

VIEILLESSE, VIEILLARD.

AMAIS la vieilleffe n'a été plus honorée que par les Spartiates; auffi le Lacédémonien Lyfandre difoit que la vieilleffe n'avoit nulle part de domicile fi honorable qu'à Sparte, & qu'il étoit beau d'y vieillir. Un vieillard cherchoit une place aux jeux olympiques, & perfonne ne se dérangeoit ; Tome II. Gg

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il ne fut pas plus tôt au quartier des Lacédémoniens, que tous les jeunes-gens fe levèrent par respect, ce qui ayant été reçu avec de grandes acclamations: Grands Dieux, s'écria le vieillard, tous les Grecs connoiffent la vertu, mais il n'y a que les Lacédémoniens qui la pratiquent.

Un jeune Spartiate voyant des hommes qui fe faifoient porter à la campagne,dans des litières, s'écria: A Dieu ne plaife que je fois jamais affis en un lieu d'où je ne puiffe me lever devant un vieillard! Plutarque.

Un jeune-homme refpectoit davantage à Sparte un fimple particulier plus vieux que lui, qu'un Magiftrat de fon âge. Ce devoir, en effet, eft fondé fur l'ordre de la nature même. Mais aujourd'hui un jeune fat croit être chargé de tout l'amusement d'une compagnie, & ne fait pas de difficulté de couper la parole aux Sages, pour débiter fes impertinences. On n'a pas oublié la réponse d'un vieux gentilhomme de la Cour de Louis XIV, au jeune Monarque, qui lui demandoit lequel il préféroit de fon fiècle ou de celui-ci : « Sire, j'ai paffe ma »jeuneffe à respecter les vieillards, & il faut que »je paffe ma vieilleffe à refpecter les enfants.»

On confeilloit à un vieillard de se marier. Il répondit qu'il n'aimoit pas les vieilles femmes. Prenez-en une jeune, lui dit-on. Bon, répliqua-. t-il, je fuis vieux, & je ne puis fupporter les vieilles, comment une jeune me supportera-t-elle? Sadi,

Un vieillard qui regrette le temps de fa jeuneffe, eft un homme qui fe plaint de n'avoir plus la fièvre. Un vieux gentilhomme s'entretenoit avec un de fes anciens amis fur quelques anciennes aventu-res qu'ils avoient eues enfemble : Oh! mon ami, lui dit-il, c'étoit là le bon temps. Oui, répliqua l'autre, mais nous n'étions pas alors auff: tranquilles que nous le fommes aujourd'hui.

Il y a très peu de vieillards, fi âgés qu'ils foient, qui n'envifagent la mort comme éloignée. Le

Valet-de-chambre de M. le Maréchal de.... ayant appris à fon maître, âgé de quatre-vingt-deux ans, la mort de M. le Duc de.... qui en avoit quatre-vingt-quatorze : « J'en fuis bien fâché » dit-il mais je n'en fuis point du tout surpris. » C'étoit un corps cacochifme, & tout ufé. J'ai » toujours dit que cet homme-là ne vivroit pas. »

FIN

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