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>> endormi. Vous avez vu mon serpent » ajouta cette dame « on peut vous dire qu'il y a fix ans » que je l'ai, & que contre le naturel de ceux » de fon espèce, il ne m'a jamais fait aucun mal. » Toute la compagnie certifia la même chose, & »je fortis de chez cette dame dans un étonne»ment dont je ne puis encore revenir. Elle voulut » que je viffe tout ce qu'il favoit faire: elle fiffla » à demi-bas; il s'éveilla, fit mille fingeries, » après quoi on fit ouvrir une boîte de vermeil, » qui étoit pleine de fon, dont il fe régala. »

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On a vu à Paris en 1766, dans un des spectacles du boulevard, une femme qui avoit accoutuméplufieurs couleuvres à venir à son commandement, à former par leur entrelacements différentes figures, à fe jouer autour de fon cou & de fes bras. On les voyoit la flatter, lui obéir, s'éloigner, & accourir avec une complaifance fingulière. Les fpectateurs pouvoient auffi les prendre, les toucher, les careffer: elles étoient comme des animaux familiers & domeftiques.

Une éducation plus fingulière encore, eft celle dont il est fait mention dans les Papiers Anglais de la même année. M. deWildman, de Plimouth, s'eft préfenté à la Société des arts avec trois effaims d'abeilles, qu'il avoit apportés avec lui, partie fur fon vifage, fur fes épaules, & partie dans fes poches. Il fit mettre les ruches de fes abeilles dans une fale voifine de l'affemblée; donna un coup de fifflet, & à ce fignal les mouches le quittèrent toutes, & allèrent toutes dans leurs ruches: à un autre coup de fifflet elles vinrent reprendre leur pofte fur la perfonne, & dans les poches de leur maître. Cet ex rcice fut réitéré plufieurs fois, fans qu'aucun des fpectateurs ait reçu la moindre piqûure. La Société d'Agriculture, qui n'acorde des prix qu'à des découvertes utiles, a cru devoir pour la fingularité de la chofe, en donner à M. Wildman.

Les animaux, les chiens fur-tout, font fufcep

tibles des fentiments les plus affectueux & les plus tendres. Homère avoit de fon temps pris plaifir à peindre la fidélité du chien d'Ulyffe. M. Haguedorn, poëte Allemand, a retracé, ou plutôt a peint de nouveau ce tableau intéreffant, dans fon épitre fur l'Amitié. « Ulyffe eft réduit à mendier » quelques reftes devant fon palais, où à peine les »efclaves jettent fur lui quelques regards en paf»fant; les fiers courtifans fe moquent de l'élo>>quence d'un Prince infortuné. Perfonne n'ac » corde à fes befoins la moindre parole confolante. » Un vieux chien reconnoît fon vieux maître; ce » chien, qui, avec une vîteffe égale à celle du » cerf, traversoit autrefois les bruyères, du nom » duquel la vafte forêt retentiffoit, quand tous les » chaffeurs crioient Argus: cet argus, fi ardent à » poursuivre les bêtes fauves, qui connoiffoic >>mieux les parcs & les plaines, que la maison,

jadis le favori des jeunes courtisans paffionnés "pour la chaffe, pour prix de fes longs & fidèles fervices, étoit congédié dans fa vieilleffe, exilé >> de fon chenil, privé d'un peu de paille, réduic » à coucher en plein air, où chaque jour il étoit »affoibli par quelque nouvelle infirmité; autre» fois le plaifir de fes maîtres, maintenant le jouet >> des valets, il manque de force pour marcher; >> il fait un dernier effort pour fe traîner fur les » pas du pauvre mendiant, s'approche de lui avec », une oreille dreffée, le flaire, le flatte de la lan"gue & de la queue; &, lorfque l'étranger, les » yeux mouillés de larmes, lui rend quelques ca»reffes, & que fon attachement lui vaut encore » cette reconnoiffance, il foupire, il crie, lève » les yeux, reconnoît Ulyffe, & meurt. »

On a rapporté, dans le Journal économique du mois de Mai 1765, cet exemple fingulier de la fenfibilité d'une chienne pour fes petits. Un particulier avoit dans fa meute une chienne qu'il aimoit beaucoup, & qui avoit le privilége de manger & de dormir dans le fallon. Cette chienns

ayant mis bas, il prit le temps qu'elle étoit abfente pour noyer fes petits dans un étang voifin. La chienne étant revenue quelque temps après, fut inquiète de re plus les voir. Elle fut les chercher, & les ayant trouvé noyés, elle les apporta les uns après les autres aux pieds de fon maître, & lorfqu'elle fut au dernier, elle le regarda fixement, & expira fur-le-champ.

Un trait à-peu- près femblable, rapporté par le Spectateur Anglais, femble confirmer le précédent. Un homme, dit-il, très - expert dans les diffections, anatomifa une chienne, & lorfqu'elle fouffrit les douleurs les plus aiguës, il lui préfenta un de 'es petits qu'elle fe mit à lécher, & parut infenfible à fon mal; mais dès qu'il l'eut retiré, elle fixa les yeux fur lui & pouffa un ton plaintif, qui fembloit plutôt venir de la perte de fon petit, que du tourment qu'elle enduroit: XCI difc.

Sous le règne de Charles V, Roi de France, un nommé Aubri, de Montdidier, paffant feul dans la forêt de Bondi, eft affaffiné & enterré au pied d'un arbre. Son chien refte plufieurs jours fur la foffe & ne le quitte que preffé par la faim. Il vient à Paris chez un intime ami du malheureux Aubri, & par fes triftes hurlements, femble lui annoncer la perte qu'ils ont faite. Après avoir mangé, il recommence ses cris, va à la porte, tourne la tête pour voir fi on le fuit, revient à cet ami de fon maître, & le tire par l'habit, comme pour lui marquer de venir avec lui. La fingularité de tous les mouvements de ce chien, fa venue fans fon maître qu'il ne quittoit jamais; ce maître qui, tout d'un coup à difparu, & peut-être cette diftribution de juftice & d'événements qui ne permet guère que les crimes reftent long-temps cachés tout cela fit que l'on fuivit ce chien. Dès qu'il fut au pied de l'arbre, il redoubla fes cris, en grattant la terre, comme pour faire figne de chercher en cet endroit. On y fouilla, & on y trouva le corps

du malheureux Aubri. Quelque temps après, le chien apperçoit, par hazard, l'affaffin, que tous les hiftoriens nomment le Chevalier Macaire; il lui faute à la gorge, & l'on a bien de la peine à lui faire lâcher prife. Chaque fois qu'il le rencontre, il l'attaque & le pourfuit avec la même fureur. L'acharnement de ce chien, qui n'en veut qu'à cet homme, commence à paroître extraordinaire. On fe rappelle l'affection qu'il avoit marquée pour fon maître, & en même-temps plufieurs occafions où ce Chevalier Macaire avoit donné des preuves de fa haine & de fon envie contre Aubri de Montdidier. Quelques autres circonftances augmentent les foupçons. Le Roi, inftruit de tous les difcours que l'on tenoit, fait venir le chien, qui paroît tranquille jufqu'au moment qu'appercevant Macaire au milieu d'une vingtaine d'autres courtifans, il tourne, aboie, & cherche à fe jetter fur lui. Dans ce temps-là on ordonnoit le combat entre l'accufateur & l'accufé, lorsque les preuves du crime n'étoient point convaincantes. On nommoit ces fortes de combat, Jugement de Dieu; parce qu'on étoit perfuadé que le Ciel auroit plutôt fait un miracle, que de laiffer fuccomber l'innocence. Le Roi frappé de tous les indices qui fe réuniffoient contre Macaire, jugea qu'il échéoit gage de bataille; c'eft-à-dire, qu'il ordonna le duel entre le Chevalier & le chien. Le champ clos fut marqué dans l'ifle Notre-Dame, qui n'étoit alors qu'un terrain vague & inhabité. Macaire étoit armé d'un gros bâton; le chien avoit un tonneau percé pour fa retraite & fes relancements. On le lâche; auffi-tôt il court, tourne autour de fon adverfaire, évite fes coups, le menace tantôt d'un côté, tantôt d'un autre, le fatigue, & enfin s'élance, le faifit à la gorge, le renverfe, & l'oblige de faire l'aveu de fon crime en préfence du Roi & de toute la cour. La mémoire de ce chien mérita d'être confervée à la poftérité, par un monument qui fubfifte encore fur la cheminée de la grande

falle du château de Montargis. Effais hiftoriques fur Paris.

En 1616, le pont S. Michel étant tombé, un enfant fut enfeveli fous les ruines; mais heureusement, il se trouva à couvert fous deux poutres qui s'étoient croifées, & ne reçut aucune bleffure. Un chien, qui s'étoit trouvé à côté de lui dans le temps du danger, en fut préfervé comme lui. Ce chien ferré entre les ruines qui l'empêchoient de s'échapper, aboya de toute fa force, & attira, par fes cris, quelques perfonnes qui le dégagèrent. Ayant ainfi recouvré fa liberté, il s'en réjouit d'abord; mais ne voyant point l'enfant qui avoit partagé fon malheur, il rentra fous les débris qui le cachoient, fe mit à japper, & vint enfin à bout de faire découvrir l'enfant.

En 1765, une barque traverfant la rivière d'Iten, près d'Aberdeen, ville d'Ecoffe, fut renverfée. De trois hommes & un jeune garçon qui étoient dedans, deux regagnèrent le bord en nageant; mais le troifième & le garçon couroient rifque de fe noyer, lorfqu'un gros chien fe jette dans la rivière & les attire fur le bord l'un après l'autre: Papiers Anglais 1765.

M. de Bouffanelle, capitaine de cavalerie dans le régiment de Beauvilliers, fait mention, dans fes Obfervations militaires, imprimées à Paris en 1760, qu'en 1757, un cheval de fa compagnie, hors d'âge, très-beau, & du plus grand feu, ayant toutà-coup les dents ufées au point de ne pouvoir plus mâcher le foin & broyer fon avoine, fut nourri pandant deux mois, & l'eût été davantage fi on l'eût gardé, par les deux chevaux de droite & de gauche qui mangeoient avec lui; que ces deux chevaux tiroient du ratelier, du foin, qu'ils mâchoient & jettoient enfuite devant le vieillard; qu'ils en ufoient de même pour l'avoine, qu'ils broyoient bien menue, & mettoient enfuite devant lui. C'est ici, ajouta l'auteur, l'obfervation & le témoignage d'une compagnie entière de cavalerie, officiers & cavaliers.

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